«Des familles de harragas algériens portés disparus depuis 2008 au large des côtes tunisiennes ont été convoquées par les autorités judiciaires tunisiennes pour assister au procès de leurs proches, qui s’est ouvert, le vendredi 15 avril au tribunal de première instance du Kef (Tunisie)». C’est ce qu’a indiqué en substance le journal algérien «El Watan», le 16 avril, précisant que les familles ont été «notifiées officiellement par l’intermédiaire du représentant d’Interpol en Algérie».

Le jeudi 14 avril, elles ont pris «un vol spécial Air Algérie vers la Tunisie, via l’aéroport international Rabah Bitat de Annaba, pour assister au procès de leurs proches», précise la même source. Mercredi dernier, des pages algériennes sur Facebook avaient rapporté que la lumière a été faite sur l’affaire des migrants irréguliers algériens portés disparus depuis 2008. Ces pages avaient ainsi souligné la véracité de la version défendue par les familles des disparus, selon laquelle leurs proches seraient détenus dans les prisons tunisiennes.

Cependant, Mohamed Faouzi Dhaouadi, porte-parole du tribunal de première instance du Kef, a démenti dans une déclaration à Nawaat, la présence des ressortissants algériens ainsi que l’ouverture de leur procès. Or les familles algériennes se sont déclarées choquées quand elles ont appris qu’il n’y avait pas de procès.

A ce sujet, Dhaouadi a déclaré à Nawaat :

Il y a eu un malentendu. Le tribunal de première instance du Kef a certes adressé une convocation aux familles algériennes ayant perdu leurs proches depuis 2008, lors d’une tentative de migration irrégulière, depuis les côtes d’Annaba. Mais ces familles ont été convoquées en tant que parties lésées. Le dossier de l’enquête a été transmis à la justice par l’Instance Vérité et Dignité, pour déterminer les responsabilités pénales.

Il a ajouté que l’Instance Vérité et Dignité a déposé des plaintes concernant l’affaire des ressortissants algériens portés disparus il y a 14 ans, lors d’une tentative de migration irrégulière. Selon les familles des disparus, la tentative a pris fin à la plage de Babbouche, du côté de Tabarka, avec l’arrestation de tous ceux qui étaient à bord de l’embarcation. Dhaouadi a précisé que l’enquête se poursuit pour déterminer l’identité des accusés, principalement des agents qui travaillaient pendant cette période au poste de police de Tabarka, ainsi que d’autres policiers. En outre, le porte-parole a relevé que plusieurs audiences ont eu lieu au cours des derniers mois sur cette affaire. Il a toutefois noté l’absence de policiers dont les noms ont été mentionnés dans la plainte de l’Instance Vérité et Dignité.

De son côté, le journal «El Watan», a rapporté, dans son édition du 17 avril, que les familles algériennes convoquées en Tunisie ont été choquées d’apprendre sur place qu’il n’y avait « aucune affaire de harragas disparus programmée pour vendredi ». Un membre de ces familles cité par le quotidien algérien a déclaré : « un homme (…) s’est présenté en tant que vice-consul au consulat d’Algérie à El Kef. Il était venu pour nous dire que nos enfants ne seront pas ramenés au tribunal. Il n’y aura pas de procès». Interpelé par les familles, le responsable a répondu, selon le journal : «Le consulat d’Algérie à El Kef n’a fait que transmettre les convocations aux autorités algériennes telles qu’il les a reçues de ses homologues tunisiennes».

Pour sa part, la journaliste algérienne Bouchra Naamane, a critiqué, via un statut diffusé samedi sur sa page Facebook, la démarche du ministère algérien des Affaires étrangères, coupable, selon elle, d’avoir donné de faux espoirs aux familles. Elle a publié une copie de la convocation adressée par un commissariat algérien à la famille de l’un des disparus. Or le document en question fait état de l’arrestation du disparu par les garde-côtes tunisiens pour immigration clandestine, précisant qu’il sera déféré devant le tribunal de première instance du Kef le 15 avril 2022.

Un bateau parti des côtes algériennes d’Annaba avec à bord 43 migrants en situation irrégulière, dont trois Tunisiens, un Marocain et 39 Algériens, a été porté disparu le 8 octobre 2008. L’affaire a de nouveau été soulevée en 2011 après la chute du régime de Ben Ali. Les familles des disparus affirment disposer d’informations sur la détention de leurs proches dans deux prisons différentes, où ils croupissent sans jugement, et sans que les autorités tunisiennes ne reconnaissent leur incarcération. De son côté, la Ligue Tunisienne la Défense des Droits de l’Homme s’est rendue dans l’une de ces prisons, mais n’a pu relever la présence d’aucun d’entre eux en ces lieux.