En ce 1erjuin, une chaleur caniculaire rendait l’atmosphère suffocante. Cela n’a pas empêché des dizaines de réfugiés et de demandeurs d’asile de tenir leur sit-in près des locaux du Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés à Tunis (UNHCR). Une marée humaine s’étalait des deux côtés de la ruelle, dans ce quartier huppé de la capitale, en l’occurrence les Berges du Lac 1. Certains, les visages marqués par la sueur, brandissaient des pancartes et scandaient quelques slogans : « protection », « droit », « paix », « réinstallation ».
De Zarzis à Tunis, l’UNHCR accusé
Des centaines de migrants ont campé sur les lieux durant des semaines, du 15 avril au 18 juin 2022. Des tentes bricolées avec du plastique et des couvertures tapissaient les trottoirs. Des matelas à même le sol ou des cartons leurs servaient de sommiers. La plupart sont jeunes. Certains d’entre eux s’adonnaient à des jeux en prenant comme abri un garage. Les plus vieux, les femmes et les enfants se réfugiaient sous leurs tentes. Des enfants s’occupaient avec leurs smartphones. Alors que la plupart des femmes restaient assises, le regard absent.
Rawah, une demandeuse d’asile venue du Soudan gardait la fillette de Bilen, originaire de l’Érythrée lorsque cette dernière était allée chercher de la nourriture. Non sans peine, l’enfant courait dangereusement derrière sa mère. Quelques jours auparavant, un sit-inneur avait perdu la vie en traversant la rue, percuté par une voiture.
Environ 200 réfugiés, demandeurs d’asile rejoints par d’autres migrants ont manifesté devant les locaux de l’UNHCR. Ce sit-in faisait suite à autre, similaire, ayant eu lieu deux mois auparavant devant l’agence de l’organisation onusienne à Zarzis. Les protestataires accusaient l’UNHCR de les avoir livré à eux-mêmes. Se trouvant sans abris et dépourvus de moyens financiers, ils déclarent vouloir quitter la Tunisie vers d’autres pays. De préférence vers l’Europe ou les Etats-Unis, confient certains. Depuis, sur ces 200 personnes, 160 ont été délocalisées dans des foyers sûrs et 36 attendent d’être installés dans un nouveau foyer qui ouvrira bientôt, assure Mike Sanderson, agent de protection à l’UNHCR, à Nawaat.
Périlleux périple
Pour beaucoup, le campement aux Berges du Lac 1 est la dernière escale d’un long périple entamé depuis des années. Leur destination de départ n’est pas la Tunisie mais bel et bien l’Europe. Certains ont été secourus en mer lors de leur traversée de la méditerranée.
Avant d’arriver en mer, ils ont dû franchir les frontières de plusieurs pays, comme c’est le cas d’Omar, un Erythréen âgé de 20 ans. Le jeune homme a traversé le Soudan pour arriver en Libye. Il y est resté un an avant d’arriver à Médenine dans le sud de la Tunisie, depuis la ville libyenne de Zouara.
Mon séjour en Libye était dur. Là-bas, les migrants s’achètent et se vendent entre Libyens. Nous sommes maltraités, frappés et dépossédés de nos droits,
raconte Omar.
Pour lui, rejoindre la Tunisie, c’était la porte de délivrance vers l’Europe. Il n’est pas le seul Erythréen à espérer cette destinée. Dans le sit-in, beaucoup étaient originaires de ce petit pays de la Corne de l’Afrique. Tenu d’une main de fer par le président Isaias Afwerki, cet Etat est gouverné par la répression. A la dictature s’ajoute la précarité. Au milieu de ce chaos, les Erythréens sont amenés à effectuer le service militaire. Ce dernier est à durée indéterminée, engendrant un mouvement massif d’émigration des jeunes. En Tunisie, le pourcentage de réfugiés arrivés en Tunisie en provenance de ce pays parmi les migrants demandeurs d’asile est passé de 16% en 2019 à 22% en 2021.
La situation n’est pas meilleure pour beaucoup de Soudanais. Saddam Bahaadine a obtenu il y a 4 mois, un statut de réfugié en Tunisie. Pourtant, il n’espère qu’une chose : quitter le pays. En traversant les frontières nigériennes, algériennes puis libyennes, il rêvait d’embarquer vers l’Europe. La Tunisie n’était qu’un pays de transit parmi d’autres. Comme Omar, il s’est retrouvé « coincé » pendant des mois en Libye où il a été fait prisonnier. Comme lui, il raconte le même enfer libyen. Un enfer qui a motivé l’exode de Youssef Bechir, un quinquagénaire, qui se présente comme un touareg du désert de la Libye. Accompagné de sa femme et de ses 4 enfants, il dit fuir les ravages de la guerre dans le Sahara.
La Tunisie abrite 9703 réfugiés et demandeurs d’asile, selon les données de ladite organisation datant du 31 mai 2022.
Pour de nombreux migrants, réfugiés ou demandeurs d’asile, la Tunisie semble être un pays de transit pour passer en Europe. Ceci est dû à sa proximité avec la Libye. Depuis 2022, 100% des entrées en Tunisie se passaient par la mer contre seulement 33% en 2019. Ce choix des migrants de passer par la Libye pour rejoindre Sfax par la mer, plutôt que d’emprunter les frontières terrestres algériennes, s’est intensifié depuis 2020, parallèlement aux coups d’Etats au Mali et au Burkina et aux affrontements entre forces burkinabaises et groupes islamistes armés au sud du Mali.
La traversée la plus sûre se fait donc par la frontière sud du Niger ou par le Tchad pour atteindre la Libye, où la plupart des migrants s’arrêtent pour travailler, en vue de continuer leur périple jusqu’enTunisie. Depuis le début de l’année2022, 87% des migrants recensés passés par la Libye affirment avoir subi des formes de violences graves comme des actes de torture, des abus sexuels, un traitement violent en détention.
Mirages et déceptions
En arrivant en Tunisie, beaucoup de réfugiés espéraient trouver de meilleures conditions de vie grâce à l’aide des organisations internationales, notamment l’UNHCR. Installé à Zarzis depuis deux ans, Youssef Béchir et sa famille ont été logés dans un foyer fourni par l’organisation onusienne. Il a pu bénéficier d’une aide financière à hauteur de 350 dinars. Idem concernant la jeune Rawah du Soudan. A Zarzis, elle était hébergée et obtenait 250 dinars par mois. Mais depuis quelques mois, l’UNHCR a coupé ces aides, dénonçaient les manifestants.
Ils nous disent de nous débrouiller, de chercher du travail. J’ai essayé de travailler. On me paye le quart du salaire versé aux Tunisiens,
lance Omar, en colère.
Youssef Béchir tient, quant à lui, à montrer ses cicatrices au ventre pour expliquer son incapacité à travailler. Pour le porte-parole du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), Romdhane Ben Amor, l’UNHCR a participé à la propagation d’un discours anti-migrants en les présentant comme des gens fainéants, cherchant à être assistés indéfiniment, regrette-t-il.
De son côté, l’organisation onusienne se défend en justifiant les limitations de leurs services par des raisons budgétaires. « Le nombre de réfugiés, migrants et de demandeurs d’asile a augmenté dramatiquement en très peu de temps. Alors que notre budget n’a pas suivi cette tendance. On évalue la vulnérabilité de chaque personne à son arrivée. Mais d’une façon ou d’une autre,tout le monde est vulnérable. Nous avons donc été amenés à faire des choix très difficiles pour déterminer les personnes vulnérables et celles extrêmement vulnérables nécessitant une aide d’urgence,
affirme Mike Sanderson.
Et de préciser : « Ceux qui sont considérés comme étant les plus vulnérables sont les personnes âgées, les femmes, les femmes avec enfants, les survivants de périples difficiles ayant subi des abus ou de la torture, les enfants ayant subi du travail forcé et/ou des abus.On ne devrait jamais avoir à choisir entre eux mais le budget est utilisé de la façon la plus responsable possible. C’est une méthodologie logique, nous avons eu à partager très peu d’argent entre beaucoup de personnes ».
La gestion internationale des réfugiés est l’objet de tergiversations politiques. Une échelle de priorité est établie entre eux. « Les ressources de L’UNHCR sont centralisées. Elles proviennent de collectes de fonds entre Etats et donneurs individuels. La crise des réfugiés en Tunisie est très compliquée. Mais malheureusement, dans d’autres pays, ces crises sont plus importantes. C’est donc logiquement que des pays comme l’Ukraine ou l’Afghanistan reçoivent plus de budget car ils ont plus de personnes à gérer », précise Sanderson.
Cette priorisation internationale des dossiers serait derrière la situation actuelle des réfugiés et demandeurs d’asile dans le pays. Selon le représentant du FTDES, le bureau du HCR en Tunisie aurait provoqué cette crise pour attirer l’attention de ses bailleurs de fonds sur leur manque du budget. Une telle explication, aussi cynique soit-elle, n’excuse pas le traitement réservé aux réfugiés, relève Ben Amor. « Ils auraient pu minimiser leur budget de fonctionnement pour se focaliser sur les aides destinées à leurs bénéficiaires », regrette-t-il.
Et de pointer du doigt la responsabilité de l’Union européenne dans la gestion de ce dossier. « La politique européenne tend à déléguer à la Tunisie la gestion des migrants en laissant croire que le pays est sûr pour eux. Le but est de ne plus faire accoster les bateaux de migrants secourus en mer vers les ports de Lampedusa ou de Malte, mais de les diriger vers les ports tunisiens ».
Entretemps, aussi bien l’Etat tunisien que les organisations internationales peinent à honorer leurs engagements envers ces populations.
L’UNHCR gère le flux de réfugiés et de demandeurs d’asile suivant une logique de quota. Et ils font tout pour minimiser le nombre de personnes enregistrés auprès d’eux,
dénonce Ben Amor.
L’octroi du statut de réfugié permet à son bénéficiaire d’accéder à certains droits similaires à ceux accordés aux résidents sur le territoire tunisien. Cela inclut la liberté de mouvement, de penser, de protection contre la torture et autres traitements dégradants, etc.
En collaboration avec les autorités tunisiennes et des partenaires nationaux et internationaux, à l’instar de Terre d’asile, l’Institut Arabe des Droits de l’Homme (IADH) ou encore l’Organisation internationale pour les migrants (OIM), l’UNHCR tend à leur faciliter l’accès à la santé, à l’éducation, etc, souligne l’employé onusien.
Longtemps revendiquée par la société civile, la loi sur le droit d’asile ne règlera pas tous les problèmes, estime le porte-parole du FTDES. « Sans une mise à jour des lois sur l’accès à la santé, à l’éducation, à l’emploi et autres, ce droit d’asile restera vain », assène-t-il.
L’emploi, qui demeure un moyen d’insertion socio-économique des réfugiés, est difficile d’accès pour ces derniers dans le secteur formel.
Les demandeurs d’asile et réfugiés ne peuvent accéder légalement à un emploi en vertu de la loi tunisienne. Nous luttons pour que cela change. Le processus reste très long,
reconnait Mike Sanderson.
Autre bémol soulevé par l’employé onusien : beaucoup de migrants, demandeurs d’asile et réfugiés ne disposent pas de documents officiels. Un problème qui les empêche de faire prévaloir leurs droits.
Pour contourner cet ensemble d’obstacles liés à l’emploi, l’UNHCR, en partenariat avec l’Association tunisienne pour la gestion et la stabilité sociale (TAMSS), a lancé, le 20 juin, la plateforme « FORAS.tn ». Celle-ci est destinée aux réfugiés à la recherche d’un emploi en Tunisie. Elle devait leur permettre d’insérer leurs documents personnels et de leur permettre de consulter les offres d’emploi disponibles en Tunisie. Les entrepreneurs peuvent également proposer leurs offres d’emploi. « Ce n’est qu’une jolie vitrine guère susceptible de dissimuler les gros problèmes structurels touchant la gestion la migrants, réfugiés et demandeurs d’asile en Tunisie », souligne Romdhane Ben Amor.
à noter, que la Tunisie a signé la Convention des Réfugiés, sous le dictateur Rguiba. le pays n’aurait jamais du la signer, compte tenu
de sa situation économique.
Rguiba a aussi, signé la Convention sur la Prolifération nucléaire. de se fait le pays ne peut développer une industrie nucléaire, encore moins des bombes .
isra-HELL n’a jamais signé cette convention. Iran l’a signé sous la dictature du Shah.
je dis: à l’avenir, ne signez rien, sans consulter le peuple par référendum.