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L’auteure indienne Arundhati Roy. Crédit : Jean Baptiste Paris

Si l’écriture constitue un moyen d’asservissement, notamment genré, mobilisé par les dominant.e.s pour théoriser, maintenir et renforcer leur domination, elle est aussi, surtout depuis que son apprentissage est devenu assez accessible et répandu[1], un outil mobilisé par les opprimé.e.s, dans un long combat pour l’égalité et la justice sociale.

En Inde, « l’histoire littéraire […] est profondément problématique : ses enjeux sont lourds d’histoire politique (la domination sociale légitimée par la scholastique brahmanique, pour ne parler que d’elle) et géopolitique (l’orientalisme colonial) »[2].

Pays où sont nées les « Subaltern studies »[3], pour incarner un courant de pensée qui vise à réhabiliter l’histoire des peuples opprimés par l’histoire coloniale, l’intersection des oppressions a fait couler l’encre sur celle des luttes, et ce bien avant l’émergence de la théorie de l’« intersectionnalité » [4] et sa diffusion grandissante, notamment par le biais des réseaux institutionnels.

L’intersectionnalité n’étant « ni confinée aux nations d’Amérique du Nord et d’Europe, ni un phénomène nouveau, les habitant.e.s des pays du Sud [l’ayant] utilisée […] comme outil analytique, souvent sans la nommer comme telle »[5], elle est justement évoquée dans ce texte comme outil d’analyse et nullement dans la volonté de mise en avant d’un terme ou d’une théorie paru.e.s en occident, pour les parachuter sur le reste du monde, en les présentant comme un savoir inédit.

En Inde, quatre écrivaines se distinguent à mon sens dans l’habileté du maniement de l’écriture, outil notamment politique, de manière à ne pas invisibiliser certaines oppressions et luttes sociales, pour le compte d’autres: Arundhati Roy, Anita Desai, Anjana Appachana et Bama[6].

L’Inde que toutes les quatre nous racontent et dépeignent s’explique et se complète, à travers son passé et son présent, le public et le privé qui, quelque part, est politique aussi[7]. L’appartenance de ces écrivaines à des castes, classes, religions et cultures différentes (chrétiennes/hindoues, dalit/de caste supérieure, classes moyennes/classes inférieures, de la côte tropicale/Inde du Sud/New Delhi etc.) ne crée pas pour autant une divergence puisque les différentes thématiques abordées et leur vision se croisent, se renforcent et se complètent.

Cause des femmes et lutte pour l’égalité, lutte antiraciste et anticapitaliste, critique du système de castes qui hiérarchise la société indienne et de l’hégémonie nationale et occidentale, sont au cœur de ces écrits. Une quête de « parler pour », plutôt que « parler à la place de »[8], loin de toute autoglorification ou tout autodénigrement, est omniprésente dans le discours sur l’Inde, sur le soi.

Subtilité ou slogans à la charge idéologique directe, l’écriture est dans l’ensemble intimiste, chose qui caractérise souvent les écrits des femmes, et les personnages sont profonds et « réels », avec un grand potentiel de capacité d’agir et d’auto-libération.

 

Des œuvres critiques des diverses hégémonies

 

Dans son dernier roman, « Le ministère du bonheur suprême »,  publié en 2017, Arundhati Roy se penche sur la vie des « hijra »[9], personnes trans ou hermaphrodites comme Aftab rebaptisé Anjum, son personnage principal, qui sont souvent rejeté.e.s par la société et dans l’obligation de mendier leur pain quotidien. Les Dalits ou Intouchables, castes au plus bas de l’échelle sociale, sont présenté.e.s de manière à condamner le système de castes, son absurdité et son injustice. Est pointée du doigt la responsabilité, aussi bien de l’Etat hégémonique Indien que celle de « la foule » aveugle et bornée, qui agit notamment à travers des campagnes de lynchage servant et renforçant les rapports de pouvoir existants.

La question de l’occupation du Cachemire, des crimes perpétués à l’encontre des musulman.e.s et de l’hégémonie de l’Etat/nation Indien/hindou, occupe une partie importante de l’ouvrage. Ces questions sont courageusement mises de l’avant et traitées dans un discours sans consensus, prônant et saluant la résistance des Cachemiri.e.s et de tou.te.s les opprimé.e.s criant l’« Azadi »[10].

Vingt ans plus tôt, « Le Dieu des Petits Riens », premier roman d’Arundhati Roy, soulevait déjà la question de la mondialisation et du système de castes qui créent les inégalités sociales. L’auteure se place à un angle qui préconise que rien n’est rien et que nos vies sont justement façonnées par ces « petits riens », surtout lorsque ceux-ci sont modelés et définis en fonction de valeurs et de critères de dominations.  Les petites choses du quotidien, les vies invisibles de personnages à la marge de l’Histoire, sont au cœur de cette histoire.

Âge, classe, sexe et castes se rejoignent et se mêlent pour former des êtres et des catégories, pas toujours faciles à démêler : dominant-e-s/dominé-e-s, agresseurs-ses/agressé.e.s, dans une narration bien ficelée et riche en émotions, retraçant une histoire familiale au chevauchement de celle d’une nation. Dans la société qui nous est dépeinte tout reste à réinventer, comme le font les jumeaux Rahel et Estha en lisant et parlant à l’envers, comme pour mettre le monde sens dessus-dessous, malgré les punitions qui en résultent.

« Clear Light of Day » d’Anita Desai est de son côté un portrait familial brossé en 1980, qui dénonce les servitudes qu’affrontent les femmes dans le huis clos familial et qui passent sous silence dans une société occupée à faire la guerre et à se diviser, provoquant une grande violence ethnique et religieuse. Les personnages sont très réalistes et différents les un.e.s des autres. Bim, le personnage principal, représente une femme qui a tout fait pour gagner son émancipation, tout en sacrifiant une partie de sa vie pour prendre soin des sien.ne.s, surtout de son frère souffrant d’un handicap mental. Elle représente un modèle de subversion de part sa façon d’être : son autonomie économique, sa manière de s’habiller, de parler, de vivre, en contradiction avec le modèle traditionnel de l’épouse et de la mère de famille qu’elle décide de ne pas être. Sa sœur Tara est, elle, le modèle de la bourgeoise aliénée que Desai critique tout au long de son ouvrage. Le temps, troisième personnage invisible dans le roman, a une grande importance : passé et présent se succèdent, se mélangent, et des réalités du présent sont expliquées par des histoires du passé et des bouts de souvenirs mélancoliques ou cyniques.

Publié en 1998, « L’année des secrets » traite aussi de liens familiaux, évoquant un ensemble de secrets qu’une gamine, en même temps que les lecteurs/rices, perce tout au long de l’ouvrage. Dans une écriture sublimement intime et très imagée, Appachana nous livre un univers de femmes se battant contre les discriminations bien ficelées grâce à un système solide de dominations. L’empowerment[11] féminin est à son apogée dans cet ouvrage et la dénonciation de toute entrave à la libération des femmes aussi : préceptes religieux, hégémonie masculine, appauvrissement, régionalisme, système de castes…

Mis à part un volet non remis en question, celui de l’asservissement de la bourgeoisie et des classes moyennes et supérieures, de femmes pauvres, en en faisant des domestiques, même lorsqu’ils’agit de personnages représentant un modèle réussi de libération (comme si la libération ne devait pas inclure un certain corps de métier ou une certaine classe ), « L’année des secrets » constitue à son tour un ouvrage emblématique de luttes contre des oppressions variées qui se chevauchent.

« Mes seuls dieux », un autre ouvrage d’Appachana, a été publié en 1991, dans un style semblable à  celui de « L’année des secrets », avec une touche d’humour qui lui est cependant propre. Ce recueil de nouvelles nous livre des bouts de vies à travers lesquelles sont traitées des sujets et des thèmes aussi complexes que les violences genrées, le caractère tabou du corps féminin en Inde, l’impossible épanouissement dans le mariage pour les femmes, le corporatisme… La touche d’humour les rend pourtant plus faciles à porter et à digérer.

Écrit en 1994, en tamoul, « Sangati » est le deuxième roman de Bama, l’une des représentantes de la littérature Dalit. Il s’agit de l’histoire de plusieurs femmes et petites filles Paria converties au christianisme pour bénéficier de certains services promis par l’Église. Leur quotidien est particulièrement difficile de par le fait qu’elles soient femmes, pauvres et de caste inférieure. Leur conversion au christianisme ne fait qu’empirer les choses car les hindous les méprisent davantage et l’Etat les prive de tout service. Elles travaillent dans les champs du village ou dans les usines de la ville depuis leur plus jeune âge, sont mariées tôt et souvent contre leur volonté, subissent les violences sexuelles des propriétaires appartenant aux castes supérieures et la maltraitance de leurs maris. « Dans les buissons, il faut échapper aux avances des hommes des hautes castes. Côté Église, il faut lécher les pieds des curés et rester esclaves de leurs histoires de Dieu, de paradis et denfer, avec lesquelles ils nous font peur. À la maison, au lieu de préparer la bouillie, de la boire et de se coucher tranquillement, il faut subir le mépris des maris »[12]. Ainsi, si toutes les femmes, selon l’autrice « sont esclaves des hommes […] tout bien considéré, ce sont les femmes de notre communauté qui souffrent le plus »[13].

Le langage qu’utilisent ces femmes est cru et un franc-parler caractérise la plupart des personnages, caractéristique souvent rattachée aux classes populaires et aux castes inférieures. Le roman revêt une touche très réaliste de par son langage simple et les histoires de grand-mère qui y sont contées (littéralement).

 

Sombre tableau

 

Les crimes sexuels contre les femmes et les enfants prennent une place importante dans la littérature indienne, surtout celle des femmes, pointant un phénomène social très répandu en Inde. Harcèlement sexuel verbal, relations amoureuses non égalitaires, attouchements, viol individuel et collectif, féminicides… S’y ajoutent les violences économiques et politiques, genrées, pour former un tableau assez sombre[14]. Les femmes se tracent un chemin difficile au milieu de toutes sortes de violences sociales et étatiques, trans-religions et trans-castes. Leurs pas sont alourdis mais elles font preuve de courage et de solidarité entre elles, et avancent.

L’Inde au croisement de diverses hégémonies et conflits internes qui régulent son quotidien est critiquée par ces écrivaines qui dénoncent cependant, tout autant, un Occident basé sur une modernité hégémonique et dévastatrice, un occident qui traite souvent les pays du Sud soit d’une manière kitch, profondément orientaliste, soit directement dénigrante et ne mettant en exergue que ses problèmes, sans chercher à en exposer les causes.

Cet extrait de « Mes seuls dieux » pointe ceci du doigt :

« Ma fille, elle dit que chez ces Britanniques, soit ils glorifient l’Inde, soit ils font radicalement le contraire. Soit ils écrivent sur les Maharajas et les tigres et les charmeurs de serpents, soit ils écrivent sur les bidonvilles et les gens qui chient en public »[15].

Les différents écrits laissent donc place à la croyance en un empowerment local plutôt qu’à la transposition d’un modèle occidental qui manque d’authenticité[16] et de bases égalitaires fiables.

L’invocation du passé se fait, dans les différentes œuvres, pas tant sur un mode essentialiste que pour se rétablir comme des protagonistes historiques dans le présent. Comme l’observe Joao Sarmento, le passé a une grande pertinence contemporaine puisque les divergentes compréhensions du passé deviennent des sites politiques avec lesquels les communautés peuvent « cultiver l’identité et invoquer des revendications de ressources socio-économiques »[17].

Le sens critique à la fois du poids de politiques, de certaines traditions locales et celui de la modernité occidentale, cette critique du chez soi, mélangée à la valorisation de nombreux de ses aspects et gestion de vie quotidienne (richesse linguistique, valeurs d’entraide…), ressort beaucoup dans les différents écrits qui raisonnent ensemble malgré les différences linguistiques qui s’expliquent parfois par l’emplacement spatial. Appachana et Desai écrivent par exemple en anglais. La première vit aux Etats-Unis, la deuxième entre les Etats-Unis, l’Angleterre et l’Inde. Le choix de l’anglais peut cependant aussi être expliqué par sa grande implémentation et expansion en Inde. Particulièrement pour Roy qui écrit aussi en anglais, bien que vivant en Inde, ce choix peut être vu comme « un facteur crucial pour révéler le développement d’une conscience hybride[18], réaffirmer l’identité indienne et faire se sentir le lecteur déplacé de sa langue maternelle »[19].

Bama, elle, écrit en tamoul et la traduction de ses œuvres vers d’autres langues nécessite à chaque fois plusieurs années. Ceci concorde beaucoup avec le parcours et le contenu divulgué par l’écrivaine.

Le recours, particulièrement important dans le cas d’Appachana, à un vaste vocabulaire vernaculaire, au sein du texte original, expliqué dans un large glossaire à la fin de l’ouvrage, pour désigner de nombreux noms de plats, d’expressions prononcées dans les langues locales, de titres familiaux, d’habits et ornements, etc., montre ce rattachement à la langue d’origine et aux particularités locales, pour créer une littérature qui peut être qualifiée d’hybride, où même la diglossie, fruit en grande partie de l’histoire coloniale, est tentée d’être déjouée.

A travers ces différents ouvrages, l’intersectionnalité est mobilisée sans qu’elle soit nommée, même dans les parties les plus directes et les longs discours politiques que tiennent certains personnages. On est loin de l’effet de mode qui caractérise depuis plusieurs années l’utilisation de ce terme, le « blanchit »[20] et le domestique, en invisibilisant les rapports et domaines de pouvoir qu’il met en exergue, pour en faire un concept dépolitisé, où les différents axes de pouvoir formant une grande marge de nos identités sont normalisés et présentés comme étant des éléments divers et variés d’identités multiples et fragmentées. Outil analytique politique par essence, l’intersectionnalité est mobilisée par ces écrivaines de manière qui donne sens à l’origine de son émergence dans le milieu féministe anti-raciste et à sa dénonciation du patriarcat, de l’hétérosexisme, du capitalisme, du racisme et de tous les axes de dominations possibles[21].

Cette littérature, peu connue et peu accessible dans les mondes arabes et musulmans, est cependant très pertinente à cause de la similarité de plusieurs enjeux et luttes. Elle gagnerait à être divulguée et étudiée davantage. Ainsi, la pluralité linguistique de la création littéraire, ayant souvent forme dans une langue coloniale, pourrait au moins servir l’expansion d’œuvres critiques et anti-hégémoniques dans des néo-colonies qui souffrent toujours du poids de politiques inégalitaires et de différentes formes d’hégémonies.

 

NOTES

[1] La littérature orale avait précédé puis côtoyé la littérature écrite, se basant généralement sur les langues vernaculaires, mais les rapports de pouvoir la caractérisant et qu’elle reproduit (diglossie avec des langues et dialectes moins valorisé.e.s, accessibilité, rapport pouvoir/savoir, notamment en termes de statut social, de sexe et de genre…) semblent être les mêmes.

[2] Claire Joubert, « B.R. Ambedkar : la lutte dans les lettres », Revue de littérature comparée 2015/4 (n° 356), p. 461.

[3] « Le courant historiographique d’où les Subaltern Studies sont nées, c’est ce qu’il est convenu d’appeler « l’histoire par le bas » […] En Inde, les « passeurs » de cette orientation historiographique ont été, pour une part au moins, les ténors de l’histoire sociale « radicale » anglaise (Rodney Hilton, Christopher Hill, Georges Rudé, Edward P. Thompson, Eric Hobsbawm), à une époque (en gros à partir des années 60) où les désillusions suscitées en Inde par l’échec social de l’indépendance exacerbaient le radicalisme de la contestation marxiste dans les rangs de la jeunesse intellectuelle […] L’idée qui se faisait jour alors parmi les historiens (en Inde comme dans d’autres aires du monde anciennement colonisé), c’est qu’une véritable histoire par le bas impliquait une rupture avec le « paradigme nationaliste » de l’historiographie dominante, qui occultait les antagonismes de classes au nom de l’unité nationale, prolongeant ainsi la ligne politique officielle du combat d’indépendance. C’est dans ce contexte de critique du marxisme orthodoxe et de la rhétorique socialisante officielle de l’État indien qu’est né, à l’initiative de Ranajit Guha, le projet des Subaltern Studies, expression intellectuelle d’une conception exigeante de la démocratie. », Jacques Pouchepadass, « Les Subaltern Studies ou la critique postcoloniale de la modernité », L’HOMME 156, 2000, pp.162-163.

[4] Voir par exemple Crenshaw (…), Patricia Hill Collins et Sirma Bilge, « Intersectionality », Kindle Edition, 2016.

[5] P. Hill Collins et S.Bilge, op.cit, p3. Traduction de l’auteure.

[6] Nom de plume de Faustina Mary Fatima Rani

[7] Françoise Thébaud, « Le privé est politique. Féminismes des années 1970 », in Michel Pigenet et Danielle Tartakowski, Histoire des mouvements sociaux en France : De 1814 à nos jours, Paris, La Découverte, p.509.

[8] Linda M. Alcoff, « The problem of speaking for the others », Cultural Critique, No. 20, Published by: University of Minnesota Press, (Winter, 1991-1992).

[9] « Les hijra [est une] communauté d’hommes se vivant comme des femmes, sans pour autant aller tous jusqu’à se faire émasculer. Cette communauté, qui existe depuis plusieurs siècles, a été longtemps acceptée par la société indienne aussi bien en milieu hindou qu’en milieu musulman, du fait que sa particularité lui conférait un rôle religieux. Les hijra pouvaient bénir les nouveau-nés et les jeunes mariés ou jeter le mauvais œil à ceux qui les maltraitaient. Beaucoup d’entre eux sont aujourd’hui contraints à vivre de mendicité et de prostitution et leur communauté est de plus en plus identifiée à un groupe de travestis vivant du commerce de leur corps »,  Barou, Jacques. « Hors genre », L’école des parents, vol. 593, no. 6, 2011, p. 34.

[10] Expression utilisée à de maintes reprises dans le roman, signifiant « Liberté ».

[11] Terme entendu dans le sens de « prise de conscience critique », formulé par Paulo Freire, et non pas dans celui, institutionnel et évasif, qui a accompagné la cooptation du terme par les organismes internationaux, surtout ceux s’intéressant au développement. Voir Paulo Freire, Pédagogie des opprimés suivi de Conscientisation et révolution, Paris, François Maspero, 1974 et Anne-Emmanuèle Calvès, « ” Empowerment ” : généalogie d’un concept clé du discours contemporain sur le développement », Revue Tiers Monde, vol. 200, no. 4, 2009, pp. 735-749.

[12] Bama, « Sangati », Editions de l’Aube, 2002 (1994 orig), p.48.

[13] Bama, Op.cit, p.88.

[14] Dans les contextes où la dénonciation des crimes (particulièrement sexuels et faits par les castes supérieures) est très limitée, notamment à cause des politiques locales qui ne l’encourage pas, les chiffres ont tendance à cacher plus qu’ils ne dévoilent. Toujours est-il, « Selon des statistiques rendues publiques en novembre, plus de 338 000 crimes commis contre des femmes ont été enregistrés en 2016, dont plus de 110 000 cas de violences infligées par le conjoint ou par d’autres membres de la famille. En réponse à des requêtes introduites devant les tribunaux pour réclamer la criminalisation du viol conjugal, les autorités centrales ont déclaré qu’une telle mesure risquerait de ” déstabiliser l’institution du mariage ” […] Selon des statistiques publiées en novembre, plus de 106 000 cas de violence contre des enfants ont été recensés en 2016 [et] plus de 40 000 infractions contre des membres de castes répertoriées ont été signalées. Des informations ont fait état de plusieurs attaques menées par des membres de castes dominantes contre des dalits considérés comme ayant transgressé les règles de castes ou parce qu’ils avaient pénétré dans des lieux publics ou dans des espaces sociaux ». Amnesty International, rapport Inde 2017/2018, en ligne https://www.amnesty.org/fr/countries/asia-and-the-pacific/india/report-india/

[15]Anjana Appachana, ” Le fantôme de la barsati “, in « Mes seuls dieux », Zulma, 2010, p.146.

[16]Notion controversée qui peut répandre un certain essentialisme mais qu’on ne doit à mon sens pas pour autant écarter.

[17] Joao Sarmento, “A sweet and amnesic present: The postcolonial landscape and memory makings in Cape Verde”, Social and Cultural Geography, 2009, p.541.

[18] Le terme est à manier avec précaution, vu ses différentes conceptualisations. L’« hybridité » ne fait en effet pas consensus et a beaucoup été critiquée, notamment au sein des postcolonial studies et chez les partisan.e.s de la décolonisation et de l’anti-colonialisme. La valorisation des formes culturelles hybrides a par exemple été critiquée pour son évacuation des rapports de pouvoir qui accompagnent l’hybridation culturelle. Comme le soutiennent Shohat et Stam (1994, 213), à moins d’être articulée avec l’hégémonie et les relations de pouvoir néo-coloniales, « une célébration du syncrétisme et de l’hybridité en soi […] risque toujours d’avoir l’air de sanctifier le fait accompli de la violence coloniale ».

[19]Agustín Reyes Torres, « Roy’singlish in the god of small things: a language for subversion, reconciliation and reassertion » 1, in Odisea, nº 12, issn 1578-3820, (traduction de l’auteure), 2011, p.195.

[20] « Face à une circulation accrue et à grande échelle de l’intersectionnalité, qui ne se passe pas sans opportunisme, il me paraît indispensable de se pencher sur ces politiques d’introduction et de traduction, qui dans bien des contextes participent à la dépolitisation et au blanchissement de l’intersectionnalité. Ces pratiques d’appropriation et de détournement […] neutralisent l’intersectionnalité sur le plan politique […] », « Repolitiser l’intersectionnalité ! », partie 1, entretien avec Sirma Bilge, Institut de Recherche, d’Etude et de Formation sur le Syndicalisme et les Mouvements Sociaux (IRESMO), novembre 2012 [En ligne] https://iresmo.jimdo.com/2012/11/01/repolitiser-l-intersectionnalit%C3%A9-1/

[21] Voir Jules Falquet, « Déclaration du Combahee River Collective », Les cahiers du CEDREF [En ligne], 14 | 2006, mis en ligne le 01 décembre 2009, consulté le 05 septembre 2018. URL : http://

journals.openedition.org/cedref/415