La pub Délice terminée, on arrête de penser à la pénurie de lait pour lâcher prise. La lumière s’éteint. Petit coup de machine à fumée, et voilà Nesrine Jabeur qui apparaît sur scène entourée de sa bande. Assis au balcon, la lumière du projo nous tape aux yeux. A moitié aveuglés on apprécie néanmoins la voix de la chanteuse dans un remake d’un titre du patrimoine tunisien.

Aurora et la crise de paroliers

Elle est heureuse d’être sur scène : cela se voit et se sent. Elle présente ensuite ses compositions. Les textes confirment que nous avons une crise profonde de paroliers dans le pays. On le savait, mais il est important de le répéter à l’occasion d’un festival comme les JMC. L’événement est aussi l’occasion de faire le bilan de la musique tunisienne. Or les chansons servies n’ont aucune complexité poétique et sonnent comme des quotes d’Instagram. ”Njanah w ntir” une chanson sur partir ou rester, ”envole toi pour trouver ton antidote ”/ ”la roue tourne”. Une suite de phrases cheesy. Elle adresse ensuite un message à l’audience : ” n’abandonnez pas vos rêves …je suis très émue.” Elle finit avec une dernière composition originale “Hkéya fi rassi /une histoire dans ma tête” dont le solo du guitariste Hedi Fahem était le moment le plus intéressant. Mais il sera à notre regret trop court.

Nesrine Jabeur – Aurora. Crédit : Bayrem Ben Mrad – JMC

Le rideau se referme. Des silhouettes s’agitent derrière le tissu rouge pour la mise en place du dispositif du tant attendu El Far3i. Après une dizaine de minutes, le rideau s’ouvre. Sur scène apparaît un haut tabouret et l’incontournable guitare de l’artiste.

El Far3i, du pareil au même

Le rappeur, propulsé par ses talents de chanteur, débarque sur scène plein d’énergie. Lunettes noires, pantalon large et une déclaration pour mettre l’ambiance: «je n’allais pas monter sur scène en voyant les infos de ce matin. Neuf martyrs sont tombés aujourd’hui à Jénine! Répétez après moi : avec le cœur et le sang, nous te sommes fidèles Jénine ». Le public le suit. Il commence à rapper sur la douleur, la souffrance et l’injustice. Un drapeau palestinien lui est donné. Il le met sur le tabouret puis dit : «c’est mon premier concert en Tunisie et le premier live que je fais en 2023. Vous êtes extraordinaires ».

El Far3i. Crédit : Bayrem Ben Mrad – JMC

Après quelques morceaux joués sur de la musique électronique et sans DJ, il s’installe enfin sur le tabouret. Le public n’attendait que ça. Ce qu’il aime chez El Far3i, c’est d’abord sa voix rauque, et ses accords de guitare minimalistes. Au premier coup de cordes, de nombreux spectateurs dégainent leurs téléphones. Mais le public s’est fait avoir. Ceux qui aspiraient à ce que le jeu en acoustique mette un terme au flow monotone et aux compositions électroniques redondantes ne seront pas satisfaits.

El Far3i. Crédit : Bayrem Ben Mrad – JMC

Même si ce sont les mêmes accords, ce n’est pas le tube «Tghayarti » qui est entamé. El Far3i gardera le meilleur pour la fin. C’est une chanson d’amour sur le sourire ravageur d’une femme qui est lancée. Les silhouettes se balancent de gauche à droite. A croire que la guerre dope le talent de certains artistes.