Cette question a manifestement troublé, la fin de la semaine dernière, l’habituelle quiétude du ministère de la Culture. La ministre Hayet Ketat Guermazi s’est arrêtée, vendredi 22 septembre, au stand de Nawaat, dans le cadre des festivités de Dream City. Et apparemment, le passage ministériel a vraiment valu le détour. Puisque deux jours plus tard, un dimanche, s’il vous plait, un fonctionnaire de l’Institut national du patrimoine a été expressément dépêché, pour prendre des photos de la couverture du 2eme Hors-série de Nawaat Magazine, arborant à la une «Le nouvel ordre Saiedien».
Alors, s’agirait-il d’une photo ou d’une caricature ? Nous ne répondrons pas à cette question ô combien brûlante dans cet éditorial. Nous laisserons aux experts du ministère de la Culture le soin de déterminer la nature de cette couverture et de soupeser la gravité de notre «erreur». Mais une chose est sûre : ce qui s’est passé la fin de la semaine dernière reflète d’une manière aussi fidèle qu’éhontée les péripéties caricaturales du Nouvel Ordre Saiedien.
Provocation ?
Le vendredi 22 septembre, journée inaugurale des manifestations culturelles de Dream City, la ministre de la Culture s’est arrêtée, en marge de sa tournée, à l’espace consacré à Nawaat. Et la couverture du 2eme Hors-série de Nawaat Magazine affichée à notre stand n’a pas eu l’heur de plaire à Hayet Ketat Guermazi. La ministre s’est ainsi interrogée sur la «vraie» raison qui a valu à cette couverture d’être affichée juste en face de l’entrée. Et la responsable de protester contre ce qu’elle a qualifié de «provocation» et de préjugés injustifiés contre le Président de la République. Finalement, la ministre a «gentiment» demandé au responsable Logistique de Nawaat présent sur les lieux, de suspendre cette affiche ailleurs, à défaut de la décrocher.
Si l’affiche n’a pas été déplacée, la ministre n’a pas oublié de donner suite à l’afaire. Le dimanche 25 septembre, un agent de l’Institut national du patrimoine a été dépêché par ses supérieurs au stand de Nawaat, avec pour mission de photographier l’affiche, pour, semble-t-il, déterminer s’il s’agit d’une photo ou d’une caricature.
Vous avez dit provocation ? Qui donc tente de faire plier les médias en général et Nawaat en particulier ?
Attaques en série
Ces incidents en marge de Dream City pour lesquels nous attendons des explications du ministère, ne constituent guère un précédent. Nawaat s’est accoutumé aux cyberattaques quasi-quotidiennes, comme aux agissements des divers représentants des autorités. Le 23 mars 2022, à Radès (banlieue sud de Tunis), des policiers ont empêché deux photojournalistes de Nawaat d’effectuer leur travail. Nos collègues ont été embarqués au commissariat de Rades Meliane, et leur matériel a été temporairement saisi, alors qu’ils disposaient d’ordre de mission officiel, en bonne et due forme.
Près de quatre mois plus tard, le 18 juillet 2022, Mohamed Yassine Jelassi, président du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), et membre de la rédaction de Nawaat, a été agressé au cœur de la capitale, lors d’une manifestation organisée par la «Coalition civile» contre le référendum sur la Constitution. Et la série de tracasseries prend des allures de litanie.
Mais alors, qui seraient donc les vrais provocateurs ? Les dérives et pratiques énumérées ci-dessus apportent quelques éléments de réponse. Ces agissements relevés à peine 48 heures après l’arrestation du caricaturiste Tawfiq Omrane pour des dessins de presse, sont révélateurs du degré d’intolérance des responsables actuels à la critique, et de leur allergie à des formes artistiques jugées indésirables, car inhabituelles.
En somme, les démêlés de Nawaat avec la ministre de la Culture, et le dialogue caricatural avec ce fonctionnaire de l’Institut du Patrimoine dépêché en catastrophe, laissent transparaitre en filigrane la peur que peut susciter, chez nos officiels, un simple dessin, une photo, ou un article. Mais un journalisme qui se respecte aurait-il une autre raison d’être ?
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