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Des espèces endémiques du Maghreb sont signalées ici à titre indicatif. Certaines pourraient se trouver en Tunisie si des explorations supplémentaires sont faites. Elles sont pour le moment considérées comme absentes de notre pays.

Des Amphibiens, une seule espèce est endémique de l’Algérie : le triton de Poiret, présent uniquement dans la péninsule d’Edough près d’Alger. Le Maroc a une seule espèce endémique (un crapaud). Deux autres (un crapaud et un discoglosse) sont partagées entre le Maroc et l’Algérie. Elles étaient considérées comme endémiques marocaines, mais des explorations ont montré qu’elles étaient présentes en Algérie. L’une d’elles était aussi présente dans les territoires espagnols en Afrique du Nord (Ceuta et Melilla).

Pic de Levaillant (en raison de l’absence d’images des espèces évoquées, les illustrations représentent celles appartenant aux catégories précédentes d’endémisme et présentes en Tunisie).

Parmi les Reptiles, quatre espèces sont endémiques algériennes : deux lézards et deux geckos. Parmi elles, une (lézard de Bedriaga) a été signalée en Tunisie, mais la présence de cette espèce n’a pas été confirmée depuis son observation dans la région de Kasserine. Il s’agirait probablement d’une confusion avec une autre espèce.

Les endémiques marocaines parmi les reptiles comptent 23 espèces. Le nombre important d’endémiques marocaines s’explique par le fait que les Reptiles du Maroc sont les plus étudiés en Afrique du Nord et que les techniques utilisées (génétique moléculaire) ont permis de décrire des espèces dont les caractères morphologiques ne permettent pas de les distinguer facilement de leurs congénères. Avec l’avancement des travaux, il est très probable que de nouvelles endémiques de la région soient décrites et ajoutées à la science. Il y a lieu d’ajouter deux autres espèces considérées jadis comme marocaines strictes, mais qui ont été trouvées dans l’Algérie voisine : le lézard ocellé de l’Atlas et la vipère des montagnes de l’Atlas. Ces deux espèces habitent les hautes montagnes (jusqu’à une altitude de 3 000 mètres). Il est très peu probable qu’elles se trouveraient en Tunisie simplement parce que nos montagnes n’atteignent pas de telles altitudes.

Rougequeue de Moussier

Parmi les Oiseaux, la Sittelle kabyle est le seul Oiseau endémique de l’Algérie. Elle est connue pour habiter les forêts de montagne très arrosées de la petite Kabylie. L’espèce n’a jamais été observée dans notre pays où elle pourrait s’y trouver un jour (dans les territoires voisins de l’espace habité par cette Sittelle).

L’Alouette haussecol de l’Atlas est le seul Oiseau endémique du Maroc (du Moyen et Haut Atlas). Trois autres espèces d’Oiseaux sont endémiques du Maroc et de l’Algérie : le Cochevis à long bec, une espèce steppique, le Traquet de Seebohm, des hautes montagnes et le Roselin du Maghreb qui est, lui aussi, un habitant des hautes montagnes.

Des Mammifères, l’Algérie présente une seule espèce endémique, la souris épineuse[1] qui habite l’extrême sud du pays. Au Maroc[2], cinq espèces sont endémiques du pays. Elles correspondent à une musaraigne et à quatre gerbilles[3].

Perdrix gambra

Les endémiques algéro-marocaines comprennent deux espèces : le singe magot[4] et l’écureuil de Berbérie. Actuellement, les populations algériennes de magot se trouvent à proximité du nord-ouest de la Tunisie, alors que celles de l’écureuil de Berbérie sont localisées à l’ouest du pays.

Mammifères présents au Maghreb et absents de la Tunisie

En dehors des mammifères endémiques de chacun des deux pays, nombreuses sont les espèces qui y sont présentes, mais absentes de la Tunisie. En effet, le tableau suivant résume l’ensemble des espèces présentes dans les pays voisins et absentes de la Tunisie (certaines espèces sont communes aux deux pays concernés).

Reste à remarquer que les chiffres indiqués ci-dessus sont indicatifs, car le statut de plusieurs espèces demeure problématique tant que la preuve formelle de leur présence n’a pas été établie et/ou que son statut systématique n’a pas été élucidé. Il est normal que les deux autres pays du Maghreb renferment plus d’espèces que la Tunisie en raison de leurs superficies plus grandes, et la présence de nombreux types d’écosystèmes absents en Tunisie. En plus de cela, le Maroc et l’Algérie sont plus proches du Sahel africain dont sont originaires plusieurs espèces qui y sont recensés.

Espèces éteintes au Maghreb

Les espèces connues pour avoir vécu au Maghreb ont été décimées surtout au XXe siècle. Il s’agit de l’Autruche, du lion de l’Atlas, de l’Oryx et de l’Addax. Les populations naturelles des deux dernières espèces se sont éteintes dans leurs milieux naturels, mais ont été réintroduites dans nombreux pays dont la Tunisie, dans des aires protégées.

Le bubale est une antilope connue du Maroc à la Libye, mais non signalée en Tunisie. Il s’est éteint en 1923. La distribution de l’espèce est assez large, couvrant plusieurs pays d’Afrique au sud du Sahara.

Le furet dont la présence a été confirmée en Algérie[5], est considéré comme éteint au Maroc[6]. La chasse, la destruction des habitats, l’intensification de l’agriculture et les différentes activités humaines sont les principales causes de la raréfaction et la disparition des espèces[7]. Les espèces les plus vulnérables sont celles qui ont une grande taille[8].

La Pintade de Numidie, espèce d’Oiseau ayant disparu de la Tunisie et de l’Algérie à l’état naturel, l’a encore été au Maroc[9]. Elle est largement répartie en Afrique, au sud du Maghreb. Elle a été introduite au parc de Bou Hedma il y a une trentaine d’années, mais elle n’a pas survécu. L’absence de suivi de cette population ne nous permet pas de comprendre les raisons de cet échec.

Conclusion

Il est clair, de ce qui précède, que les deux autres pays du Maghreb présentent plus d’espèces endémiques, simplement parce qu’ils sont plus étendus que la Tunisie, qu’ils subissent d’autres influences (du Sahara, de l’Atlantique), mais aussi parce qu’ils ont des reliefs dont l’altitude dépasse de loin celles atteintes par nos chaînes de montagnes. Ces montagnes offrent des conditions particulières pour qu’elles agissent comme zones refuges (donc de spéciation) pour plusieurs espèces, mais aussi comme barrières d’isolement géographiques limitant l’extension des aires géographiques de plusieurs autres. Cela est particulièrement vrai pour la végétation (à paraître plus tard).

Comme les endémiques présentes dans notre pays constituent un patrimoine vivant de la plus haute importance, il est de notre devoir envers le reste du monde et des générations futures de le préserver. Seulement, nos politiques de conservation semblent se focaliser sur les espèces de grande taille. La seule espèce endémique ayant reçu de l’attention est la gazelle de Cuvier, mais aussi le cerf dont une sous-espèce a été décrite en Afrique du Nord[10].

Les espèces endémiques récemment ajoutées à la science résultent des travaux de génétique moléculaire qui permettent de démontrer l’existence d’espèces confondues avec d’autres et qui sont le plus souvent difficiles à distinguer morphologiquement. Des zones peu accessibles ou faiblement étudiées peuvent contenir des espèces non encore décrites, comme c’était le cas de la vipère de Böhm. Ce sont les travaux en cours ou ultérieurs qui permettront de déceler la présence d’espèces encore inconnues.

Comment expliquer le désintérêt pour la conservation des endémiques ? La réponse est très simple : les autorités chargées de la conservation ne reconnaissent pas l’intérêt de l’endémisme comme priorité pour la conservation. La majorité des espèces appartenant aux groupes où existent des endémiques, comme les rongeurs ou les reptiles ne sont le plus souvent pas connues. Les programmes d’enseignement ne se focalisent pas sur les espèces appartenant à la faune tunisienne ou nord-africaine. La plupart des endémiques sont des espèces de petite taille, donc peu visibles…

Cela dit, nous avons une grande responsabilité dans la connaissance et la préservation des endémiques, quelle que soit leur aire de répartition globale. Notre responsabilité est d’autant plus importante que l’espèce a une aire de répartition réduite et qu’elle se trouve dans notre pays. La politique de conservation doit donc donner la priorité à ces espèces…


[1] La gerbille algérienne est considérée tantôt comme endémique algérienne, tantôt incluse dans la gerbille naine. Voir à ce propos Ahmim M., 2019. Les Mammifères sauvages d’Algérie – Répartition et Biologie de la Conservation. 295 p. et Kowalski K. & Rzebik-Kowalska B., 1991. Mammals of Algeria. Polish Acad. Sci. Ossolineum, 370 p., ainsi que Mammal species of the World database.

[2] Thévenot M. & Aulagnier S., 2006. Mise à jour de la liste des mammifères sauvages du Maroc. Janvier 2006. Go-South Bull., 3: 6-9

[3] Une sixième espèce, la gerbille de Riggenbach est incluse dans d’autres espèces de gerbilles (Mammal species of the world), et n’est pas considérée ici comme espèce à part.

[4] Introduit à Gibraltar.

[5] Ahmim M., 2013. Presence of a small population of a polecat-like mustelid in north Algeria, potentially the wild progenitor of Domestic Ferret Mustela furo. Small Carnivore Conservation, 48: 87-88

[6] Voir Thévenot & Aulagnier (2006).

[7] Aulagnier S., Bayed A., Cuzin F. & Thévenot M., 2015. Mammifères du Maroc : extinctions et régressions au cours du XXème siècle. Travaux de l’Institut Scientifique, Série Générale, 8: 53-67

[8] Durant S.M., Wacher T., Bashir S., et al., 2014. Fiddling in biodiversity hotspots while deserts burn, collapse of the Sahara’s megafauna. Diversity and Distribution, 20 (1), 114-122

[9] Bergier P., Sadak M. & CHM, 2022. Les oiseaux rares au Maroc. Rapport de la Commission d’Homologation Marocaine Numéro 27. Eléménts d’Ornithologie Marocaine: eom22031

[10] On parle de « cerf de Berbérie », mais des travaux de génétique rapprochent cette sous-espèce de celle présente en Corse. Il est donc un non-sens que de parler de cerf de Berbérie en Afrique du Nord. A noter que le cerf atteint en Tunisie la limite de son aire de répartition globale en Afrique.