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Le sapin de Numidie est une endémique très rare des monts de Babors, près de Constantine, en Kabylie (500 à 1000 sujets). C’est donc une endémique algérienne. Il couvre une superficie de l’ordre de 2 300 hectares[1]. C’est un arbre à port pyramidal devenant conique avec l’âge. Les cônes (fruits) ont 15 cm de long et 3 à 4 cm de diamètre. Il pousse à des altitudes comprises entre 1300 et 2000 mètres, en mélange avec le chêne zeen[2]. Aux plus hautes altitudes, il cède la place au cèdre avec lequel il est parfois mélangé[3]. L’arbre peut atteindre 25 m de hauteur. Dans son aire naturelle, ce sapin est menacé par l’action humaine : pâturage et incendies auxquels l’arbre est très sensible.

Sapin de Numidie – Wikipedia

Le sapin du Rif, une autre espèce d’arbre présente au Maroc, est parfois considéré comme sous-espèce d’un sapin présent en Espagne (sapin Pinsapo), mais de nombreux auteurs le considèrent comme une espèce à part[4]. Cet arbre peut atteindre 25 m de hauteur, avec son tronc droit. Ses fruits (cônes) ont de 10 à 15 cm de long. Il est confiné au Rif (extrême nord du Maroc), mais son aire, estimée à quelques milliers d’hectares, n’a cessé de régresser au fil du temps[5]. En effet, l’espèce a perdu plus de 70 % de ses habitats depuis le siècle dernier[6]. Comme remarqué plus haut pour le cèdre, l’aire potentielle de distribution de cette espèce est beaucoup plus étendue que les milieux qu’elle occupe actuellement. Cette espèce souffre des coupes, des incendies, de l’éclaircissement des terres pour les activités agricoles et la culture du cannabis[7].

L’arganier est un arbre endémique du Maroc et de l’Algérie (dans la région de Tindouf)[8]. Une station en Tunisie, aux environs de Kairouan, a été signalée, mais elle n’a jamais été confirmée par un botaniste[9]. L’essentiel des étendues occupées par cet arbre se trouve cependant au Maroc (830 000 hectares)[10]. Il occupe des fonctions écologiques et économiques indéniables. Les populations locales produisent l’huile d’argan à partir des fruits. Cette huile présente nombreuses utilisations, en cuisine, comme médicament ou produit cosmétique. C’est un arbre aux rameaux épineux qui atteint 8 à 10 m de hauteur. Il résiste à la sécheresse et peut vivre jusqu’à deux siècles. Il pousse à des hauteurs allant du niveau de la mer jusqu’à 1 500 m d’altitude, mais il ne peut pas pousser sur du sable mobile[11]. Il assure un rôle majeur dans la conservation des sols et des pâturages. Les zones qu’il occupe présentent une pluviométrie annuelle variant entre 150 et 400 mm.

Arganier – ich.unesco.org

L’arganeraie (forêt d’arganier) marocaine subit de nombreuses pressions ayant entrainé la réduction de son étendue. En effet, ces forêts ont été défrichées pour le développement du maraîchage destiné à l’exportation[12]. Traditionnellement, l’arganeraie est utilisée comme terrain de parcours pour le bétail, surtout les chèvres (on parle de pâturage aérien car les chèvres grimpent sur les arbres pour consommer feuilles et fruits[13]. Le pâturage continu rend sa régénération naturelle difficile, en raison du passage fréquent du bétail, mais l’aire potentielle de l’espèce est beaucoup plus étendue que celle qu’elle occupe actuellement[14]. L’augmentation de la demande d’huile d’argan n’a pas été sans conséquences sur la gestion de l’arganeraie et des rapports sociaux au sein des communautés[15].

En Algérie, l’arganier est présent uniquement dans la région de Tindouf où la population est localisée surtout le long des berges des cours d’eau. Le bioclimat où pousse l’arganier en Algérie est du type saharien (pluviométrie annuelle de l’ordre de 100 mm) à hivers tempéré à frais. Cependant, et malgré sa faible étendue, l’arganeraie est sous grande pression de pâturage. Les arbres sont souvent à l’état de buissons à force d’être broutés[16], mais ils sont également coupés pour en faire du charbon de bois[17]. Le problème de la régénération de l’arganier se pose de façon aigue en Algérie. Les fruits sont utilisés, comme au Maroc, mais cette utilisation semble marginale, ne constituant pas une source de revenus pour la population locale. La régénération de l’arganeraie algérienne ne serait effective qui si la population locale contribue à protéger l’espèce en raison des revenus qu’elle peut en tirer.

Le cyprès du Tassili est une endémique du massif du Tassili n’Ajjer, dans le sud-est de l’Algérie[18]. Il est extrêmement rare. On n’en a compté que 233 pieds en 2001.  Il pousse à des altitudes comprises entre 1430 et 1830 m[19]. L’arbre peut atteindre une hauteur de plus de 20 mètres, ce qui est énorme au vu des conditions extrêmes dans lesquelles il vit. On estime que certains sujets ont plus de 2000 ans d’âge. Il pousse dans des régions où la pluviométrie annuelle est inférieure à 50 mm. Ce cyprès a un mode de reproduction très particulier où la graine se forme à partir des cellules sexuelles mâles. Le parent femelle ne fournit que les substances nutritives (apomixie mâle). Ce cyprès est cultivé en Europe comme arbre ornemental, mais aussi pour un objectif de conservation ex situ. Il a aussi été multiplié dans plusieurs jardins botaniques dont celui de Prague, ce qui a permis de replanter près de 70 arbres dans leur site d’origine. Cependant, l’expérience ne semble pas avoir été concluante (90 % de mortalité après deux ans de plantation), mais les plantes installées à l’ombre ou entretenus par des particuliers ont survécu[20].

Ce cyprès était utilisé pour le bois des charpentes et les portes des maisons. Il est également brouté par les dromadaires[21]. Le nombre réduit d’arbres dans leur milieu naturel et les pressions qu’ils subissent les exposent à une possible disparition imminente[22].

Le cyprès du Tassili ne semble pas poser de problèmes de multiplication, et l’espèce présente un énorme potentiel de reboisement dans des sites où les conditions ne permettent pas la poussée d’autres arbres. Il est regrettable qu’on n’ait pas tenté de multiplier cette espèce en Tunisie, au moins dans les zones d’altitude au sud du pays.

Cyprès du Tassili – Wikipedia

Le Cyprès de l’Atlas est parfois considéré comme une sous-espèce du cyprès du Tassili, mais des études génétiques soutiennent le statut spécifique de cet arbre endémique du Maroc[23]. Il est représenté par des populations dispersées à des altitudes variant entre 900 et 2 200 m[24]. Peu d’informations sont disponibles sur cette espèce.

En Afrique du Nord, le genévrier thurifère est connu uniquement d’Algérie et du Maroc. Il est cependant présent au nord de la Méditerranée (Italie, Sardaigne, Corse, France, Espagne et Gibraltar). Il n’est pas très commun (quelques milliers de sujets)[25] dans les territoires où il est présent au Maghreb. Il peut atteindre une hauteur de 5 à 12 m et a une durée de vie allant jusqu’à 600 ans. C’est un arbre ou arbuste dioïque (pieds mâles et femelles séparés) qui occupe 30 000 ha dans les montagnes marocaines, entre 200 et 1 800 m d’altitude. Il peut dépasser des altitudes de 3 000 m. En Algérie, ce genévrier est limité aux montagnes des Aurès[26] avec une distribution discontinue[27]. C’est un arbre des montagnes continentales assez froides en hiver et sèches en été[28].

Genévrier thurifère – Wikipedia

Au Maroc, la thuriféraie (forêt de genévrier thurifère) subit de grandes pressions qui la rendent en dégradation continue. Elle est utilisée comme terrain de parcours, mais l’arbre est également coupé pour être utilisé comme bois de feu. Ses tiges feuillues sont également coupées pour fournir un aliment au bétail, particulièrement aux chèvres[29]. Cette pression limite sa régénération naturelle et provoque le vieillissement des arbres restants. L’aire potentielle de l’espèce est pourtant beaucoup plus étendue que les habitats occupés, ce qui rend possible son expansion dans l’espace[30].


[1] Bennadja S. & Tlili Ait Kaki Y., 2012. The Fir of Numidia: a threatened species. Journal of Forestry Faculty, Special Issue: 283-286

[2] Tlili-Ait Kaki T., Bennadja S. & Chefrour A., 2013. Revalorisation d’une essence endémique: le sapin de Numidie (Abies numidica). Fl. Medit., 23: 123-129

[3] Louni D., 1994. Les forêts algériennes. Forêt méditerranéenne, 15 (1): 59-63

[4] Ben-Said M., 2022. The taxonomy of Moroccan fir Abies marocana (Pinaceae): conceptual clarifications from phylogenetic studies. Mediterranean Botany, 43: e71201. Voir aussi Gaussen H., 1952. Les résineux d’Afrique du Nord. Ecologie, reboisements. Revue internationale de botanique appliquée et d’agriculture tropicale, 361-362: 505-532

[5] Baumer M., 1977. Le sapin du Maroc. Revue forestière française, 29 (5): 343-354

[6] Alaoui A., Laaribya S., Ayan S., Ghallab A. & López-Tirado J., 2021. Modelling spatial distribution of endemic Moroccan (Abies marocana Trabut) in Talassemtane National Park, Morocco. Austrian Journal of Forest Science, 138 (2): 73-94

[7] Voir Alaoui et al. (2021).

[8] Certains auteurs pensent que l’espèce est introduite en Algérie. Voir Fennane M. & Ibn Tattou M., 2012. Statistiques et commentaires sur l’inventaire actuel de la flore vasculaire du Maroc. Bulletin de l’Institut Scientifique, Rabat, 34 (1): 1-9. Voir aussi Meddour R., Sahar O. & Médail F., 2021. Checklist of the native tree flora of Algeria: diversity, distribution, and conservation. Plant Ecology and Evolution, 154 (3): 405–418

[9] Emberger L., 1925. Le domaine naturel de l’Arganier. Bulletin de la Société Botanique de France, 72 (4): 770-774

[10] Naggar M. & Mhirit O., 2006. L’arganeraie: un parcours typique des zones arides et semi-arides marocaines. Sécheresse, 17 (1-2): 314-317

[11] Emberger (1925).

[12] Benabid A. & Melhaoui Y., 2011. Écosystèmes naturels à Arganier (Argania spinosa). Patrimoine national et universel: Bioécologie, phytosociologie, phytodynamique et ethnobotanique. In. Actes du premier congrès international de l’arganier, Agadir, pp 39-47

[13] Naggar M. & Mhirit O., 2006. L’arganeraie: un parcours typique des zones arides et semi-arides marocaines. Sécheresse, 17 (1-2): 314-317

[14] Moukrim S., Lahssini S., Mharzi Alaoui H., Rifai N., Arahou M. & Rhazi L., 2018. Modélisation de la distribution spatiale des espèces endémiques pour leur conservation: cas de l’Argania spinosa (L.) skeels. Revue d’Ecologie (Terre et Vie), 73 (2): 153-166

[15] Faouzi H., 2017. L’arganeraie marocaine, un système traditionnel face aux mutations récentes : le cas du territoire des Haha, Haut Atlas occidental. Norois, 142: 57-81

[16] Belguerfi W., 2022. La flore endémique de l’Algérie. Université Larbi Tébessi-Tébessa, 123 p. + annexes

[17] Benkheira A., 2009. L’arganeraie algérienne. Publ. projet ALG/G35. Alger, 16 p.

[18] Belguerfi (2022).

[19] Abdoun F. & Beddiaf M., 2002. Cupressus dupreziana A. Camus : répartition, dépérissement et régénération au Tassili n’Ajjer, Sahara central. Comptes Rendus Biologies, 325 (5): 617-627

[20] Lábusová J., Konrádová H. & Lipavská H., 2020. The endangered Saharan cypress (Cupressus dupreziana): do not let it get into Charon’s boat. Planta, 251: 63

[21] Médail F., 2019. L’extrême résistance du cyprès saharien. ESpèces – Revue d’Histoire naturelle, 32: 32-39

[22] Gauquelin T., Chondroyannis P., Boukhdoud N., Bouyssou M., Brunel C., Danneyrolles V., Delforge Q., Guiraud M., Marchand C., Mathaux C., Orighoni H., Quent M., Sbeiti A. & Sinet R., 2012. Le genevrier thurifère, espèce partagée au nord et au sud de la Méditerranée. Forêt Méditerranéenne, 33 (3): 227-240

[23] Médail (2019)

[24] Lábusová et al. (2020)

[25] Harfouche A., Nedjahi A., Ellatifi M. & Daly-Hassen H., 2005. Les ressources génétiques forestières nord-africaines et leur conservation. Revue forestière française, 57 (1): 15-32

[26] Gauquelin T., Chondroyannis P., Boukhdoud N., Bouyssou M., Brunel C., Danneyrolles V., Delforge Q., Guiraud M., Marchand C., Mathaux C., Orighoni H., Quent M., Sbeiti A. & Sinet R., 2012. Le genevrier thurifère, espèce partagée au nord et au sud de la Méditerranée. Forêt Méditerranéenne, 33 (3): 227-240

[27] Beghami Y., Kalla M., Vela E., Thinon M. & Benmessaoud H., 2013. Le Genévrier thurifère (Juniperus thurifera L.) dans les Aurès, Algérie: considérations générales, cartographie, écologie et groupements végétaux. Ecologia mediterranea, 39 (1): 17-30

[28] Gaussen (1952).

[29] Auclair L., 1993. Le genévrier thurifère Juniperus thurifera L. Géant de l’Atlas. Forêt Méditerranéenne, 14 (4): 306-314

[30] Rifai N., Moukrim S., Khattabi A., Lahssini S., Mharzi Alaoui H. & Rhazi L., 2020. Prédiction de l’aire potentielle de répartition du genévrier thurifère (Juniperus thurifera) au Maroc. Rev. Mar. Sci. Agron. Vét., 8 (2): 141-150.