Face aux interdits et à la censure, la libre expression et l’envie de laisser une trace, quelle qu’en soit le support, sont des indicateurs du niveau d’enracinement des libertés au sein des peuples. Le graffiti, avec ses différentes écoles et ses traits subversifs sur les murs, en est un. Après des débuts timides en Tunisie, les graffitis ont envahi les rues et les murs au lendemain de la révolution de 2011, pour sombrer aujourd’hui dans un état de mort clinique, conséquence inévitable du retour en force des interdictions, de la répression et de l’autoritarisme.

Pendant plus de deux décennies, les murs en Tunisie avaient des oreilles et des yeux : ils ne toléraient, sur leurs surfaces, que des affiches publicitaires, des noms de rue ou des numéros d’avenue. Dans les années 1990, il y a trente ans, le pouvoir de Ben Ali était à son apogée. Et c’est durant cette période que, dans certaines villes des États-Unis, les murs s’ouvraient pour accueillir des dessins et autres tags. Dans les années 1980, cet art du graffiti moderne était déjà en vogue dans plusieurs villes européennes. En Tunisie, les murs sont restés sourds à cet art, jusqu’à ce que, au début des années 1990, des mains anonymes s’y soient faufilées. Le pouvoir s’est alors alarmé à la vue de tags écrits au charbon sur les murs de la médina de la capitale : des poèmes et des slogans à connotation politique. Ces graffitis ne survivaient que quelques heures, puisque les murs étaient entièrement repeints.

La genèse

Alors que le régime de Ben Ali raffermissait progressivement son emprise sur la société, l’art du graffiti avançait très timidement, à l’heure où les façades de nombreuses villes à travers le monde ressemblaient à des galeries d’art à ciel ouvert.


Innawaation : présentation du livre Graffiti: “Heat Hit” – Ameni Ghimagi & Ilyes Louati
– 20 Sep 2024 –

Ce livre crée une archive inédite autour des œuvres murales mais également sur les artistes de la scène Graff en Tunisie. Il ne se limite pas à une simple compilation d’œuvres d’art réalisées par ceux que l’État considère parfois comme des “vagabonds”. Le street art ne se résume pas à des bombes de peinture sur un mur, il incarne une forme d’activisme profondément ancrée. C’est une appropriation d’espaces autrefois confisqués, une manière de se sentir connecté à une communauté, à une patrie, tout en laissant sa trace créative. Ce livre rend hommage à des artistes souvent marginalisés, qui risquent d’être oubliés avec le temps, tout comme leurs œuvres. À travers ce projet, Ameni et Ilyes espèrent contribuer à la pérennisation de cet art éphémère.


Ameni Ghimagi, qui a tenté, avec Ilyes Louati, de répertorier ce qui reste des œuvres de graffiti dans un livre intitulé Heat-hit, soutenu par le programme Innawaation, se confie à Nawaat :

Le graffiti est né dans les années 1970 aux États-Unis, inspiré de la culture hip-hop. En Tunisie, il est le fruit de trajectoires multiples, où l’on croise le hip-hop, le métal et la culture ultras. Après la chute du régime de Ben Ali, la révolution a allié l’art et la passion dans les stades de football pour constituer le terreau du graffiti tunisien -deux domaines que Ben Ali s’escrimait justement à contrôler.

A la chute de Ben Ali, la Tunisie s’est libérée de la peur, et ses murs aussi. Jusqu’en mai 2011, les portraits de Mohamed Bouazizi et de l’ancien président Ben Ali, réalisés à l’aide de pochoirs, ont envahi les murs de nombreuses villes tunisiennes.

Des exemples de graffitis représentant Bouazizi et Ben Ali, réalisés en 2011 – Tirés de l’ouvrage Heat-Hit d’Ameni Ghimagi et Ilyes Louati

En juillet 2011, huit artistes graffeurs sont entrés dans une villa appartenant à l’un des gendres de Ben Ali et y ont peint des messages politiques sur les murs. Trois d’entre eux avaient déjà dessiné la révolution tunisienne, ses revendications et le refus de tout retour des figures de l’ancien régime. Ces messages ont été imprimés sur les murs très tôt. Plus que de simples graffitis, c’étaient de véritables archives murales. D’ailleurs, deux sit-in ont été organisés pour réclamer la préservation des graffitis qui avaient recouvert les murs du siège du gouvernement à la Kasbah.

Ameni Ghimagi poursuit son témoignage :

Après la révolution, les murs sont devenus un espace d’expression pour les graffeurs. Trois collectifs ont émergé à cette époque : Ahl al-Kahf, Zwewla et Molotov. Leurs œuvres portaient toutes des messages politiques. 

A cette époque, la Tunisie était au summum de son processus démocratique. Beji Caid Essebsi ayant pris les rênes du gouvernement à la veille des premières élections organisées hors de la tutelle autoritaire et de son parti au pouvoir –celles de l’Assemblée nationale constituante. Les craintes des Tunisiens d’une régression fatale étaient grandes. Elles étaient bien exprimées dans les dessins du collectif Ahl El Kahf. Les graffeurs ont gravé les revendications de la révolution à la manière du célèbre graffeur Banksy, et imprimé des images symbolisant le refus du retour de « l’État policier », comme on l’appelle en Tunisie.

Graffiti du collectif Ahl al-Kahf dénonçant le retour de la police politique, utilisée par le pouvoir autoritaire pour soumettre la société – Heat Hit d’Ameni Ghimagi et Ilyes Louati

Durant les cinq années qui ont suivi la révolution, les murs ont clairement incarné la volonté de poursuivre la résistance sur tous les fronts, en s’opposant au retour de l’autoritarisme et de la dictature. Le collectif Zwewla a fait le choix, dès sa création en 2012, de défendre la cause des pauvres. Très vite, il s’est heurté aux autorités : le 3 novembre 2012, Oussama Bouajila et Chahine Berriche ont été arrêtés pour un graffiti sur un mur à Gabès, portant l’inscription : «Ezzawali (le pauvre) est un mort-vivant en Tunisie ». Bouajila et Berriche ont été accusés d’avoir écrit sur des propriétés publiques sans autorisation, violé l’état d’urgence et diffusé de fausses informations portant atteinte à l’ordre public. Leur procès s’est poursuivi jusqu’en avril 2013, avant que les accusations de violation de l’état d’urgence et de diffusion de fausses informations ne soient abandonnées. Ils ont été finalement condamnés à une amende de 100 dinars.


Djebel Jelloud : Les graffitis sortent Sabâa Znaqi de l’impasse
– 28 Nov 2019 –

Sabâa Znaqi, un quartier de la région de Djebel Jelloud, dans la banlieue sud de Tunis, est l’écrin d’une expérience unique en son genre dans le pays. Voici que le dédale de ses ruelles prend un nouvel éclat avec les graffitis éclaboussant les murs. La directrice de la Maison de la Culture locale évoque la naissance de cette expérience et les retombées sociales d’un projet artistique.


L’âge d’or du graffiti

Le chemin parcouru par les créateurs du graffiti tunisien n’a pas été de tout repos, malgré l’ouverture en matière de libertés après la révolution. En janvier 2016, Dalenda Louati, chercheuse à l’Institut supérieur des arts et métiers de Sfax, a été arrêtée pour un graffiti sur un mur de la société SIAPE à Sfax. Le dessin incriminé représentait une arme inversée, dont le canon se confondait avec la cheminée de l’usine, symbolisant la souffrance des habitants due à la pollution causée par cette unité industrielle. La chercheuse a ensuite été relâchée.

Graffiti du collectif Zwewla, décriant les restrictions imposées par le pouvoir et le harcèlement judiciaire dont font l’objet les artistes graffeurs pour leurs œuvres – Heat Hit d’Ameni Ghimagi et Ilyes Louati

Selon Abdallah Tekaya, un graffeur de la première génération, la phase fondatrice s’est achevée avec l’ouverture d’une nouvelle ère du graffiti en Tunisie, qu’il décrit comme « l’âge d’or » de cet art. Celui-ci s’étale de 2017 à 2020. « J’ai commencé à pratiquer le graffiti en 2014, à travers les tags, raconte-t-il à Nawaat. Je venais de l’univers du hip-hop : jeune, j’ai participé à la fondation du groupe de rap RT 73. C’est pourquoi le monde du graffiti ne m’est pas étranger. »

L’essor qu’a connu le graffiti à la fin de la deuxième décennie des années 2000 s’explique, en grande partie, par la multiplication des espaces accueillant des rencontres entre graffeurs et des événements dédiés à cet art. Certaines œuvres ont même été portées sur des timbres-poste émis par la Poste tunisienne.

Abdallah poursuit son témoignage :

À l’époque de la deuxième génération de graffiti en Tunisie, nous étions une vingtaine d’artistes tout le temps en contact entre nous. Nous nous rencontrions lors d’événements dédiés à cet art, où nous discutions et échangions des idées. Nous avons imposé notre présence, aussi bien dans la société qu’auprès de l’État. Le graffiti s’oppose à la soumission et aux interdits, même quand ils prennent la forme de lois ou de morale publique. Dessiner sur les murs sans autorisation est considéré comme un acte de vandalisme, voire une agression, alors que, dans le lexique du graffiti, il s’agit d’un acte de résistance, une forme de protestation et d’expression du refus. 

Pendant trois ans, les graffeurs ont eu droit à de multiples espaces pour faire prospérer leur art. Les autorités cherchaient à sceller une sorte de trêve avec ces artistes rebelles, en admettant certaines de leurs œuvres dans des projets de décoration de murs ou de ponts. Mais, elles n’ont jamais réussi à les domestiquer totalement. Pour preuve, les tags du mouvement Manich Msamah ont envahi les murs lors de l’élaboration de la loi relative à la réconciliation administrative et financière. Aussi, les portraits d’Omar Laabidi se sont déplacés des tribunes des stades vers les murs, dénonçant l’impunité policière, après la noyade d’un membre du groupe d’ultras North Vandals, imputée aux forces de police.

Image d’un artiste graffeur en train de peindre une fresque murale d’Omar Laabidi, avant d’être arrêté et mis en examen par la police le 15 mai 2022 – Campagne « Taalem aoum ! » [Apprends à nager]

Le chercheur en sociologie, Sofiane Djaballah, explique à Nawaat que les jeunes des quartiers populaires se plaignent d’exclusion spatiale. C’est pourquoi ils se sont appropriés les murs sur lesquels ils peignent et en font leur propre espace. Ainsi, ils créent, selon lui, un univers intime et familier aux jeunes. Le graffiti, tout comme d’autres formes d’expression juvénile, telles que les groupes ultras, représente un instrument de protestation par excellence. D’ailleurs, les ultras s’en sont largement servis pour s’opposer au pouvoir. Cette symbiose a connu un tournant majeur lorsque ces groupes ont investi l’espace public, notamment à travers des fresques murales en soutien à des causes, comme celle d’Omar Laabidi. Sofiane Djaballah ajoute :

De New York à Londres, de Paris à Caracas, en passant par Tunis et Beyrouth, les graffitis ont toujours été une source de tracas pour les pouvoirs en place. Ceux-ci n’ont jamais réellement pu venir à bout de cet art, malgré toutes les interventions des municipalités pour effacer les tags sur les murs. Il leur est plus facile de canaliser les autres formes de contestation politique, parce que le graffiti s’exprime plus librement et s’étend à tous les espaces urbains. Par exemple, les tags des groupes ultras sur les murs des quartiers populaires ne constituent pas seulement des graffitis. Ils définissent des frontières symboliques de ces groupes et affirment leur autorité sur ces territoires. Cette délimitation peut évoluer vers l’exercice d’un pouvoir effectif sur l’accès à l’espace ainsi défini par le graffiti. »

La célèbre phrase du militant Zouhair Yahyaoui, surnommé « le martyr d’Internet », dans l’œuvre de Molotov – Heat Hit d’Ameni Ghimagi et Ilyes Louati

Les murs se bouchent les oreilles à nouveau

En 2020, le conflit entre le Parlement et le président Kais Saied était à son paroxysme, augurant d’une crise politique imminente. La situation s’est aggravée lors de la pandémie du Covid-19, qui a imposé l’instauration d’un couvre-feu, levé dans un premier temps, avant d’être rétabli en 2021. Un mauvais présage pour les artistes du graffiti.

En 2021, Ilyes Souihi, connu sous le nom de Trang, ainsi qu’une vingtaine de graffeurs, ont été poursuivis en justice pour des graffitis peints sur le mur de la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (STEG) : « Un groupe de graffeurs et moi-même avions obtenu une autorisation pour peindre sur le mur de la STEG, raconte Ilyes. Nous avons commencé le travail, mais n’avons pas pu l’achever, à cause des mesures de confinement imposées pendant la pandémie du Covid-19. Dès que nous avons repris le travail après la levée de ces mesures, la police nous a arrêtés, suite à une plainte déposée par la société. »

Ilyes a commencé à pratiquer l’art du graffiti en 2018. Une période qui a vu émerger la nouvelle génération de graffeurs. Mais sa passion pour cet art prend racine à ses années de lycée. Il poursuit :

J’ai commencé par ce qu’on appelle dans le graffiti le « lettering », c’est-à-dire l’art de dessiner des lettres de manière stylisée. Tout au long de mon parcours, j’ai réalisé des fresques murales portant des messages de révolte contre ce qui se passe en Palestine, par exemple, mais aussi en Tunisie. C’est la réalité qui m’inspire. J’ai pratiqué l’art du graffiti à une époque où les graffeurs étaient divisés en deux courants : l’un s’est tourné vers le commerce et l’autre est resté dans ce qu’on appelle l’underground.

« L’art du graffiti est aujourd’hui en déclin, ses artistes empruntent d’autres voies», estime, pour sa part, Ameni Ghimagi. Et d’enchaîner : « La génération des fondateurs, y compris ceux qui étaient actifs sous Ben Ali, s’est dispersée : la plupart ont quitté le pays, tandis que les autres ont opté pour une approche plus mercantiliste du graffiti. Quant à la nouvelle génération, elle n’a pas vécu d’expériences politiques, mais son refus de se plier aux lois exigeant une autorisation pour peindre ou écrire sur les murs est en soi un acte résistance. Ceux parmi les graffeurs qui ont continué à s’exprimer avec le même esprit de résistance, ont été arrêtés. Rached Tamboura en est l’exemple le plus édifiant. »

Le 8 janvier 2023, le tribunal de première instance de Monastir a condamné le graffeur Rached Tamboura à deux ans de prison pour «outrage au président de la République». L’artiste avait réalisé un graffiti représentant Kais Saied, au lendemain de son discours jugé raciste à l’encontre des migrants en situation irrégulière. Le dessin portait en légende le mot : « raciste ».  Tamboura croupit aujourd’hui en prison, à cause de ce tag. Et pour les mêmes motifs, Abdallah Tekaya fait lui aussi l’objet de poursuites judiciaires. Il se livre à Nawaat :

Depuis 2021, je rencontre des problèmes avec la police de Monastir à cause du graffiti. Au départ, c’étaient de simples intimidations. Mais cela s’est vite traduit en deux affaires judiciaires. La première remonte au 18 janvier 2021, où j’ai été accusé de constitution d’association de malfaiteurs, de destruction et d’atteinte à des biens d’autrui et de violation du confinement. La seconde affaire a eu lieu en avril, après qu’un membre des Ultras Sahelianos de Monastir a transcrit le sigle A.C.A.B. sur une voiture de police. À l’époque, j’étais la seule personne connue pour pratiquer l’art du graffiti. La police a perquisitionné mon domicile à l’aube, l’a fouillé de fond en comble, a saisi mon téléphone, mon ordinateur, ainsi que la plaque d’immatriculation de notre vieille voiture.  A la fin, ils m’ont roué de coups. Ils ont fouillé mon téléphone, visionné les photos qu’il contenait et y ont trouvé les graffitis de Rached Tamboura –celui-là même qui lui coûté la prison. Cela leur a suffi pour m’accuser d’outrage au président et m’agresser violemment, au point de me casser deux côtes. J’ai été maintenu en détention pendant 15 jours, malgré l’absence de preuves m’inculpant. On m’a accusé d’outrage à un fonctionnaire public et d’atteinte à autrui à travers les réseaux sociaux, à cause du graffiti de Rached Tamboura. Alors même que je ne le partageais plus sur aucun de mes comptes.

Le graffeur Abdallah Tekaya et une partie de son œuvre – Heat Hit d’Ameni Ghimagi et Ilyes Louati

Abdallah poursuit :

Le problème, pour les autorités locales, c’est mon statut d’artiste graffeur –peu importe les messages véhiculés par les graffitis. À Sbeïtla, par exemple, j’ai peint sur le mur d’une gare abandonnée, un lieu généralement fréquenté par les consommateurs de drogues injectables. L’image que nous avons peinte sur le mur représentait un boxeur de renommée mondiale, mort d’une overdose. Le graffiti n’a jamais été pour moi de simples dessins ou de jolies lettres sur les murs ; c’est plus profond que cela. Cet art est né du hip-hop, et présente différentes formes de résistance et de sensibilisation. Quand l’État est absent et abandonne sa mission d’éducation des jeunes ou son engagement en matière d’hygiène, par exemple, le graffiti vient combler le vide, en délivrant ses messages là où règne la médiocrité, ou au milieu d’un tas d’ordures. C’est une véritable forme de résistance.

La période allant de 2021 à nos jours, représente le crépuscule de l’art du graffiti en Tunisie, et ce, pour deux raisons. La première est éminemment politique : le climat de répression et la chasse aux graffeurs depuis 2021 ont eu un effet néfaste sur cet art. les fresques et les tags porteurs de messages de résistance, sous toutes leurs formes, se sont ainsi effilochés. La seconde raison, liée à la première, est que pendant la période de prospérité qu’a connue le graffiti en Tunisie entre 2017 et 2020, les artistes étaient rémunérés pour leurs œuvres, souvent financées par le pouvoir.

Abdallah Tekaya ajoute :

« Durant les cinq dernières années, le nombre d’événements et de soutiens a diminué. Par ailleurs, l’État a tenté de canaliser le graffiti, qui est un art pourtant difficile à contrôler, à travers des projets officiels, à l’image de ceux qu’il a lancés pour peindre les murs du pont de la République. Dans le même temps, les autorités cherchaient toujours à imposer les artistes plasticiens qui leurs sont acquis, en les encourageant à envahir les espaces habituellement occupés par les graffeurs. Elles les ont sortis des galeries d’art pour les orienter vers les murs et l’espace public, pour mieux surveiller les messages véhiculés par les fresques, tout en écartant les vrais graffeurs de leur territoire. Résultat : des œuvres murales qui respectent les règles de l’art plastique classique, mais qui sont dépourvues de l’esprit de l’art du graffiti. »

Graffiti sur une gare abandonnée dans la ville de Sbeïtla (Centre-ouest), reproduite par la Poste tunisienne comme motif pour un timbre – Heat Hit d’Ameni Ghimagi et Ilyes Louati

L’art du graffiti en Tunisie a suivi une trajectoire circulaire. Il a commencé par des inscriptions au charbon contre le régime de Ben Ali, puis a connu des hauts et des bas, accumulant les expériences, et se nourrissant des rêves des jeunes des quartiers populaires et de la passion des « virages » des stades. Il a longtemps affronté l’interdiction et la criminalisation, puis les tentatives de récupération.

Après une période de renaissance et de rayonnement, il fut à nouveau surpris par le retour de la censure et de l’autoritarisme, l’obligeant à renouer avec les anciennes tactiques : des écrits dénonçant la confiscation des droits et des libertés, et la re-policiarisation de l’espace public…. Des tags écrits à la hâte sont rapidement repeints, et leurs auteurs sont poursuivis. Tandis que leurs téléphones et leurs correspondances électroniques sont dument fouillés, en flagrante violation de leur vie privée.


Ce dossier a été réalisé dans le cadre des activités du réseau Médias indépendants sur le monde arabe. Cette coopération régionale rassemble Assafir Al-Arabi, BabelMed, Mada Masr, Maghreb Émergent, Mashallah News, Nawaat, 7iber et Orient XXI.