Crédit photo : Selmen ARTS: "La Jeunesse Tunisienne ne sait plus où donner de la tête"

Depuis le dernier meeting de Béji Caïd Essebsi, nouveau rassembleur des RCDistes rebaptisés Destouriens, Ennahdha s’est mis en état d’alerte. Sachant que sur la scène politique, aucun parti ne semble faire vraiment le poids contre les islamistes, la réapparition spectaculaire de l’RCD sous l’appellation « L’Appel de la Tunisie » inquiète beaucoup les membres d’Ennahdha et ses sympathisants.

Le RCD et Ennahdha, ayant deux anciennes machines bien ancrées dans tout le territoire tunisien, sont entrées en guerre, en préparation aux élections législatives prochaines qui auront lieu en 2013. Cependant, depuis huit mois, la troïka guidée par Ennahdha, ne cesse d’intégrer les Rcdistes qui étaient bien impliqués dans des affaires sordides sous le régime Ben Ali. Plusieurs exemples sont à énumérer.

Au niveau de la sécurité, Habib Essid, un ancien « clou » du ministère de l’intérieur, ayant même travaillé au cabinet de Abdallah Kallel, l’un des ministres des plus répressifs de l’ère ZABA, a été nommé le 17 avril 2012 conseiller auprès du Chef de gouvernement chargé des affaires sécuritaires.

Rappelons que sous les ordres de ce même ministre, et pour la première fois dans l’Histoire de la Tunisie, les forces de l’ordre ont attaqué les manifestants à l’intérieur d’une mosquée. C’était le 15 juillet 2011. Jusqu’à aujourd’hui, M.Essid n’a jamais été ennuyé par la justice.

Au niveau du secteur des médias, le scandale retentissant du gouvernement Jebali a fait échouer la “Consultation nationale sur les médias“. En effet, le 27 avril, le Premier ministère, sous l’égide du « ministre non déclaré de la communication » Lotfi Zitoun, a invité plusieurs hommes de propagande du régime Ben Ali. Ces personnalités étaient conviées, paradoxalement, pour « réformer les médias ». Parmi eux, se trouvaient Ridha Mellouli, Mohamed Hamdane et Nadhir Azouz, des professionnels de la propagande et de la diffamation.

Au niveau de la justice, le jeu pervers du ministre Nourreddine Bhiri qui court-circuite à longueur de temps les actions des juges intègres, en se réunissant avec le Syndicat des Magistrats,- dont plusieurs font partie des putschistes de 2005- a commencé à se faire voir.

Sentant le danger (certains membres du bureau politique du parti Ennahdha ont même mis sur leurs photos de profil le visage de Bhiri comme signe de soutien), le ministre sacrifie plus de 80 juges en interférant dans le pouvoir judiciaire et enfonçant par là la justice dans la dépendance au pouvoir exécutif.

Au niveau du Premier ministère, les caciques de l’ATCE, outil de propagande, de désinformation et de censure par excellence, continuent à travailler à la Direction Générale de l’information et de la communication sous l’égide de Ridha Kasdaghli, dont le second ne serait que Ali Trabelsi.

S’il fallait revenir à tous les exemples d’intégration des rcdistes les plus nocifs, il aurait fallu écrire des registres entiers. Contrairement aux promesses de rupture avec l’ancien régime autoritaire de Ben Ali avant le 23 octobre 2011, Ennahdha a choisi la continuation en favorisant ses intérêts et son maintien au pouvoir.

Pire encore, bien que la société civile, notamment le Labo Démocratique ait proposé le traitement des archives de la police politique, le parti au pouvoir a refusé catégoriquement de le faire.
Dans une émission sur la chaîne Attounissia au mois d’avril dernier, Lotfi Zitoun déclare que « le gouvernement ne va pas procéder à des jugements » sous prétexte que « toutes les administrations ont été atteintes par la dictature. »
Le ministre de l’intérieur (d’Ennahdha aussi) refuse qu’on se penche sur ces archives pour « sauvegarder la dignité de beaucoup de Tunisiens et surtout de leurs enfants ».

Prenant les Tunisiens pour des abrutis, et passant outre les techniques d’experts et les projets étudiés des autres expériences internationales dans le domaine du traitement des archives de la police politique, les réponses du gouvernement Jebali sont d’ordre populiste. Procédant à un cynisme et une arrogance sans limite, et après avoir intégré non pas de simples rcdistes mais des corrompus de l’ancien système, bloquant en parallèle le processus de la réforme de la justice et la lutte contre l’impunité, le parti au pouvoir joue actuellement « l’effarouchée » devant le retour fracassant de l’RCD-PSD.

L’initiative de Beji Caid Essebsi gênerait en effet énormément le processus de recyclage des rcdistes par Ennahdha, surtout en leur « piquant » les hommes d’affaires qui pourraient soutenir et financer les prochaines élections. Au mois de juin dernier, Ridha Saidi, ministre délégué auprès du Premier ministre chargé des Dossiers économiques, après avoir attaqué à maintes reprises le gouvernement BCE, a annoncé la levée d’interdiction de voyage pour 20 hommes d’affaires, figurant sur une liste de moins de 100 personnes. Les explications exhaustives quant à cette décision tardent à venir …

Un bras de fer des intérêts pour récupérer la machine bien rodée de l’RCD va se durcir crescendo jusqu’aux élections législatives de mars 2013. Optant pour l’exclusion politique, le parti islamiste refuse l’exclusion judicaire au lieu de recourir à la justice pour dénoncer les corrompus notoires du régime Ben Ali. En parallèle, le travail de diffamation contre l’RCD s’est intensifié dans les médias par le biais des politiciens d’Ennahdha, en récupérant sans cesse les slogans de la Révolution dont les buts ont été cyniquement ignorés par ce même parti.

Ainsi, à cause de la politique anti-révolutionnaire que mène le gouvernement Jebali, le sentiment de déprime gagne de plus en plus la société et surtout sa jeunesse qui a été mis à l’écart des décisions relevant de l’avenir de la Tunisie. Le travail de la société civile ainsi que ses revendications sont assimilés à des caprices. Lors de la séance plénière à l’Assemblée Constituante au sujet de l’affaire Baghdadi Mahmoudi, Hamadi Jebali balaie d’un revers, toujours avec son sourire narquois, l’appel d’Amnesty International section Tunisie. Entre un RCD technocrate et une nahdha rcdiste et islamiste, le choix ne serait pas des plus agréables à prendre, sauf si une troisième voie se présente au cours des mois à venir.