"Ou est la révolution". Crédit : Malek Khadhraoui.

Dix-huit mois après le soulèvement populaire qui a mis fin au règne de Ben Ali, l’un des rares signes tangibles de cet événement est incontestablement la libération de la parole. Le Graffiti, le tag et les différentes formes d’expression de l’art de rue ont été une des matérialisations concrètes de cette libération de la parole et de la pensée.

Sur les murs de toutes les villes et villages du pays, des messages sérieux ou satiriques, mais incontestablement politiques, ont vu le jour, rivalisant d’audace et de créativité.

Cette nouvelle forme d’expression n’a pas tardé à déranger le nouveau pouvoir en place. Nous nous rappelons tous de l’émoi provoqué par la destruction des oeuvres produites lors des sit-in de la Kasbah. Une destruction lâche, survenue sous le couvert de la nuit, effaçant toute trace de ses mobilisations qui ont changé le cour de l’histoire naissante de l’après Ben Ali.

Et voilà que l’on apprend aujourd’hui par le biais de Facebook, qu’une nouvelle atteinte vient d’être perpétrée à Gafsa, berceau de la contestation populaire du pays.

Une des oeuvres peinte sur le mur du lycée Ibn Rached lors de l'opération "Ibda-3 Mil7it". Crédit photo : Malek Khadhraoui/Nawaat.org

Des oeuvres réalisées lors d’une opération initiée par un collectif d’artistes sur les murs du lycée Ibn Rached à Gafsa sous le nom “Ibda-3 mil7it” (commence/crée à partir du mur ). Un jeu de mots pour rappeler que la création s’émancipe du médium et se suffit à elle-même pour exister.

Une autre oeuvre également effacée. Crédit photo : Malek Khadhraoui

Selon un jeune de la ville, un groupe de personnes armées de seaux de peinture ont repeint en blanc le mur du lycée pour y inscrire un message appelant à “faire la prière avant l’heure du jugement”. Toutes les oeuvres réalisées lors de l’opération ont été ainsi détruites.

La colère des jeunes de la ville ne s’est pas faite attendre et le message a très rapidement été raturé, signe du refus de cet acte de terrorisme intellectuel.

Au-delà de l’atteinte à la créativité et à cette forme d’expression, cet évènement symbolise à lui seul l’état dans lequel se trouve ce qu’on ose à peine appeler une révolution.

Les messages contestataires inspirés par les véritables slogans de la révolution, abordant les questions telles que la répression policière, la justice sociale et le rêve révolutionnaire, ont laissé place à des slogans religieux plus proches de la propagande stérile et abrutissante que de la spiritualité.

Comme c’est le cas pour les faux débats sur l’identité et la place de la chariaa dans la constitution, ou encore les limites à imposer à la liberté d’expression qui ont supplanté les vraies problématiques dans le débat public : Les revendications portées par nos martyrs et ceux qui étaient à leurs côtés face aux balles de la police à savoir : travail, liberté, dignité nationale. A méditer…