EditoIl est vrai et pour être honnête, dans notre pays, les théories révolutionnaires sont servies à toutes les assiettes et cuisinées à toutes les sauces idéologiques. Chacun mijote son petit plat sur le feu doux de la phraséologie qui, comme chacun la sait, ne mange pas de pain. Mais de toutes les recettes la mixtion servie par les gamelles gauchistes demeure certainement la plus dépourvue de goût.

La grande famille de notre gauche nationale croit dur comme fer que la solution miracle à tous les maux de la société tunisienne, qu’ils soient politiques, économiques ou sociétaux, consiste à s’attaquer directement à la tête du régime. Un soulèvement populaire généralisé, « une révolution », pour utiliser un terme à la mode, qui ébranlerait le pays et décapiterait d’un seul coup le pouvoir en place. Toujours selon les mêmes, sans tête, le régime est sensé s’effondrer comme un château de carte. Le pays se débarrasserait alors, comme par magie, de ce qui fait notre malheur depuis des décennies. Nos institutions joueraient pleinement leurs rôles et un vent de pluralisme et de démocratie soufflerait sur notre belle Tunisie !

Bien évidement, à première vue cette croyance peut paraître séduisante, surtout pour les partisans du moindre effort et tous ceux qui espèrent, le moment venu, être portés par la vague. Cette idée l’aurait été encore plus si les élans révolutionnaires de notre « élite » bien pensante seraient le fruit d’une profonde réflexion nourrie par les spécificités tunisiennes et non mue par les résidus poussiéreux des idéologies par lesquelles ils justifient leurs existences. On aurait certainement adhéré à cette « vision » si on ne connaissait pas, depuis le temps qu’on le subit, la nature profonde du système en place qui, justement, pour se préserver donne l’illusion de tirer sa force de sa tête alors que ce qui fait sa pérennité se sont ses rouages. Enfin, et c’est de loin le facteur le plus déterminant, cette idée aurait gagné en crédibilité si elle aurait acquis, depuis le temps qu’ils l’a professent, une once de crédit aux yeux des tunisiens, premiers concernés par « un soulèvement » dont ils sont censée être la composante principale.

Pour ce « combat », pour le moins ambitieux pour de si minuscules formations politiques, aucun mode d’emploi n’est fourni. Pire encore, rien de se qui prépare un tel événement, à savoir des objectifs clairs élaborés aux seins de structures crédibles et en interaction avec les citoyens et leurs réalités…, n’a été jusqu’alors entrepris. Ils crient à tous ceux qui veulent l’entendre qu’il faut couper la tête mais ils ne savent toujours pas comment ! Quant au pourquoi…évitant les sujets sensibles ! Alors devant l’impuissance de ces « guides révolutionnaires » et de leurs camarades à faire émerger une prise de conscience généralisée de cette nécessité et compte tenu de l’échec cuisant des actions jusqu’alors entreprises à ce titre, il leur est nécessaire de revoir leurs pompeuses prétentions à la baisse.

Alors pour exorciser, ne serait-ce qu’un moment, cette obsession de la décapitation, et à défaut de pouvoir atteindre la tête, ils pourraient bien commencer par se poser la question de savoir à quoi pourrait bien servir le petit orteil ? La question est essentielle en elle-même ! A rien, me direz-vous et vous auriez sans doute raison dans le cas où celui-ci se porte bien et ne soufre d’aucune anomalie. Supposant maintenant que sur ce petit orteil si méprisé, une grosse ampoule c’est formée. Une de celles qu’on développe après une semaine de marche avec des chaussures de fabrication tunisienne, surtout celles qui portent des noms à consonances italiennes. Les atroces souffrances que vous inflige le mal qui affecte cet orteil vous obligent à marcher en vous appuyant sur la partie gauche du pied. Du coup vous attrapez mal sous le gros orteil et sous son coussinet, qui supportent tout le poids du corps au moment de l’appui pour lancer le pas.

Conséquences, terribles mais inévitables, de ce qui précède, vous vous collez une tendinite à la voûte plantaire et une autre au tendon d’Achille en essayant de soulager l’avant du pied. Cela fait si vite si mal que votre cheville en est toute endolorie, tout comme l’extérieur du mollet qui ne tardera pas à souffrir de crampes. Ce qui vous incite à mois appuyer sur la jambe endolorie et vous oblige à marcher en vous déhanchant ! Evidemment vous le ressentez au niveau des genoux et des reins. Aussi tôt se sont les côtes et en suite la nuque qui en souffrent. C’est forcément le moral qui en prend un coup et vous cessez, alors, d’avancer !

Vous l’aurez sans doute compris, loin de vouloir dissuader les amateurs de randonnée pédestre ni ceux des chaussures de fabrication tunisienne aux noms à consonances italiennes, il serait utile et même salutaire pour cette opposition d’admettre que faire la révolution c’est avant tout révolutionner leurs approches du problème. Sur ce sujet malheureusement ils leurs restent beaucoup à apprendre. D’autres, par contre, l’ont déjà compris et se retrouvent par conséquence aux premiers rangs pour récolter, le moment venu, les fruits de leur longanimité…

Malek Khadhraoui
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