Avec 144 articles votés à ce jour, le vote de la Constitution touche à sa fin. En guise de dessert constitutionnel, nous héritons d’une overdose d’instances constitutionnelles, avec un arrière-goût de gaspillage des deniers publics.

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Des instances à la pelle

Commençons par celle qui sera sans doute la plus utile et la moins ornementale, la HAICA, officialisée en vertu de l’article 124 voté le 17 janvier. L’entrée en vigueur de l’autorité indépendante de régulation de l’audiovisuel signe en théorie la fin de la mainmise du politique sur le médiatique. On peut espérer qu’ainsi constitutionnalisée elle sera prise au sérieux par les acteurs du secteur.

Une fois de plus, hasard du calendrier, la loi fondamentale s’écrit comme un écho à des conjonctures et autres faits divers marquants. Parmi ceux-ci, une sortie télévisée de l’humoriste Lotfi Abdelli où l’irrévérence envers la présidence de la République était servie sur le mode très trash de la diffamation mêlée au scatologique.

Autre affaire emblématique du climat ambiant empoisonné par l’intox, les fantasmes autour d’un congrès mondial imaginaire des Frères musulmans dans la banlieue nord de Tunis. Sûrs de leur fait, quelques dizaines de manifestants à la paranoïa bien réelle se sont même rassemblés devant un hôtel de Gammarth, consécutivement à une info relayée par la complosphère anti islamiste qui se nourrit en l’occurrence du mythe du secret de la confrérie.

La palme des Instances aux contours les plus vagues revient ex aequo à l’Instance du « Développement et des droits des générations futures » et à celle de la « Bonne gouvernance et de lutte contre la corruption », articles 126 et 127. De même que l’Instance des Droits de l’homme qui devra se montrer plus effective que les ministères du même nom, créés avant et après la révolution.

Pis, pas moins de 6 autres instances étaient à l’étude via des amendements, dont une instance nationale des jeunes et celle controversée du « Haut conseil islamique ».

A quelques jours du parachèvement de la Constitution, une autre querelle politicienne se profile déjà autour de celui qui aura le privilège historique d’apposer sa signature sur le document : le pouvoir exécutif sortant ou le nouvel arrivant Mehdi Jomâa. Face à l’enjeu symbolique, si Ali Larayedh est poussé vers la sortie avant cette consécration, des élus d’Ennahdha menacent de faire obstruction.

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14 janvier 2014 : cartographie des forces en présence

La capitale fut cette semaine le théâtre des commémorations les plus ternes de la révolution, entre démobilisation et profonde division sociétale. Fatalement politisé, le 3ème anniversaire n’a pas échappé aux affres de la bipolarisation, quoique quatre principales forces s’y livraient cette année à une lutte de récupération.

Pour assister aux célébrations les plus euphoriques, c’est au pied des marches du Théâtre municipal qu’il fallait se rendre, là où les partisans d’Ennahdha ont laissé la place aux LPR, quasiment les seules à raviver le thème initial de la chute de la dictature.

De l’autre côté de la barrière idéologique, l’ambiance est encore au deuil chez l’extrême gauche qui ménage ses efforts pour « sa » commémoration, le 6 février prochain, date pour laquelle un programme est déjà prêt, aussitôt critiqué pour sa teneur festive.

Al Joumhouri s’employait à tirer son épingle du jeu en faisant cavalier seul, avec de la discipline et une marche étonnamment suivie qui contrastent avec les chiffres dérisoires que prêtent les sondages au parti.

Last but not least, comme perché sur son piédestal, Palais des Congrès, Nidaa Tounes tentait de se convaincre qu’il incarne les idéaux de la révolution. Meeting « populaire », pouvait-on lire sur les cartons d’invitation.

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Une nostalgie galvaudée et ringarde

Béji Caïd Essebsi y a joué son numéro habituel : « Nous sommes les détenteurs du vrai islam, l’islam éclairé. Les autres sont des arriérés ». Des propos conservateurs aussi applaudis que les sentiments nationalistes flattés à souhait, contrairement aux allusions à la révolution du 14 janvier 2011 accueillies dans un silence presque gêné dans la salle.

Samedi, comme pour faire oublier cette incursion en terrain miné, Nidaa Tounes, toujours en quête d’une identité politique, s’inventait sa propre révolution en puisant dans de vieux référents historiques. A Monastir, pour Béji Caïd Essebsi, cloné en ersatz de Bourguiba avec accoutrement adéquat, la révolution, « la vraie », c’est celle du 18 janvier 1952…

L’octogénaire est incontestablement dans son élément en évoquant cet ancestral soulèvement du mouvement national, tant l’occasion est opportune pour développer un lyrisme nationalo-populiste. Un registre grotesque de facilité, qui cache mal une absence d’un quelconque programme.

Autant dire que la précampagne électorale s’annonce au ras des pâquerettes.