(Madrid) – Le journaliste tunisien dissi­dent Taoufik Ben Brik a été condamné le 26 novembre à six mois de prison ferme par la justice de Ben Ali. La veille, il avait été privé de visites : ni sa famille ni ses avocats n’ont eu le droit de le rencontrer. Alors qu’ils protestaient devant l’entrée de la prison contre le refus des autorités – tous les détenus ont normalement le droit de recevoir leurs familles et leurs avocats -, ses principaux soutiens ont été chassés par les forces de l’ordre. Le 24 novembre, les avocats d’un autre journaliste emprisonné, Zouhaïer Makhlouf, n’ont quasiment pas pu plaider au cours de la deuxième audience de son procès. Lorsqu’elle se déplace à pied, Sihem Bensedrine, une autre journaliste, a toujours une moto qui la suit. Quelquefois, le motard s’approche très près et va même jusqu’à la bousculer avec son engin. C’est justement ce qui s’est passé le 23 novembre. Plus tard, elle n’a pas pu aller jusqu’au journal El-Tejdid, la police lui en ayant interdit l’accès. Même chose lorsqu’elle a voulu rendre visite à Sana Benachour, une autre militante de l’opposition. La surveillance autour des domiciles des journalistes, des avocats et de presque tous les militants est devenue impressionnante. Des véhicules, des équipes qui se relaient vingt-quatre heures sur vingt-quatre, des filatures, des écoutes. Tout y passe !

En empêchant les opposants de se rendre visite les uns aux autres, non plus seulement sur les lieux de travail mais maintenant à leurs domiciles, Ben Ali veut les empêcher de communiquer. Ce harcèlement concerne Lotfi Hadji, le correspondant d’Al-Jazira, Lotfi Sidouni, Omar Mestiri, Ziad Elhani, les avocats Raouf Ayadi et Mohamed Abou, la militante des droits des femmes Khedidja Cherif, et bien d’autres…. Aucun n’a accès à Internet, tous leurs téléphones sont sur écoute. Même lorsque l’on tente de les joindre de l’étranger, les appels sont détournés et sonnent dans le vide pour les priver de tout soutien international et les empêcher de décrire la situation en Tunisie.. Leurs courriels, quand ils parviennent à leurs destinataires, sont lus par la police politique, et il n’est pas rare que le contenu soit changé par les sbires de Ben Ali. On y trouve des vulgarités, des insultes, des menaces… Bref, le harcèlement est permanent et tourne à la persécution. Les capitales occidentales ne réagissent toujours pas. Prompte à donner des leçons de démocratie et de respect des droits de l’homme partout sur la planète, la France de Sarkozy et de Kouchner se mure dans un silence assourdissant face aux agissements du dictateur Ben Ali.

El País

Courrier international, no. 996, jeudi 3 décembre 2009