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Stratégie dominante ou coopération et confiance ?

On suppose d’abord que les deux candidats aux présidentielles disposent de l’ensemble d’information sur le contexte/terrain commun et que les deux personnes se connaissent très bien. Aussi que chacun a la possibilité (théorique et pratique) de coopérer (choix C) ou d’adopter une attitude et un comportement déviant ou opportuniste (choix O). Enfin, pour une question particulière, on suppose que chacun prend sa décision sans pouvoir observer la décision prise par l’autre.

Pour simplifier, les résultats

(Mc, Sc) veut dire que Marzouki choisit de coopérer, et que Essebsi opte pour le même choix et coopère. Ainsi pour une question ou un sujet particulier, les deux candidats choisissent librement et spontanément de coopérer avant même de connaître quel choix va prendre l’autre candidat. Dans ce cas, chacun gagne 5 points (5,5) de sorte que le gain collectif s’élève à 10 (5+5). Si par contre on a un choix (Mc,So) c’est-à-dire Marzouki coopère et Essebsi adopte une attitude ou une stratégie opportuniste alors le gain est (-10,10) c’est-à-dire Marzouki perd 10 points et Essebsi gagne 10 points. Ici le gain pour la communauté est nul (10-10= 0). Même résultat si Marzouki se comporte en opportuniste, Essebsi perd 10 et la Tunisie ne gagne rien. Si le deux adoptent une attitude opportuniste (Mo,So) alors chacun perd 5points (-5,-5) (dans l’exemple souvent cité de la théorie de jeux, chaque prisonnier qui n’avoue pas prendra 5 ans de prison ferme) et la communauté en perdra 10 points, c’est la plus grande perte aura lieu lorsque chacun pense à son intérêt personnel ou celui de son parti. Ainsi d’après ces hypothèses, la coopération est la stratégie la plus payante et la plus intéressante aussi bien pour les deux candidats que pour la collectivité. Mais si chacun pense à son intérêt personnel, il peut trouver la « stratégie dominante » la plus payante et la plus intéressante pour lui et son parti. Cette stratégie de domination encourage l’attitude opportuniste –ce qui semble être le cas, malheureusement.

Mais si on parle coopération en politique, de quelle coopération parlons-nous ? (alors que le cadre général est celui de la compétition ou de la concurrence telle sur un marché ou sur un terrain de sport et non pour une fonction de responsabilité comme celle d’un président de la république ?) Idéalement et en principe, puisqu’il s’agit de l’intérêt de tous les tunisiens et de la Tunisie, on a tous besoin d’une stratégie coopérative pour maximiser l’intérêt collectif. Dans la pratique, chaque candidat prétend qu’il est le (seul) garant de la réalisation de cet intérêt général et ainsi les électeurs finissent par croire qu’il ne peut y avoir lieu à une coopération. Dans notre imaginaire collectif, c’est une course et que le meilleur gagne ! Quel avenir avec ces croyances et cette conception de la politique ?…

On pourra fort supposer que l’un des candidats gagne avec un écart de 0,1% (50,1%) et que 49,9% de ceux qui ont voté acceptent (bon gré mal gré) le résultat et pourront mieux se préparer dans cinq ans.
Or la réaction aussi bien du gagnant que du perdant ne peut en aucun cas être prévue… l’incertitude risque d’altérer les choix.

Doit-on alors définir, cadrer et traduire une coopération ? Sa signature est-elle suffisante pour qu’il y ait une coopération réelle ? C’est aux tunisiens de répondre à ces deux questions.

Si d’après les expérimentations, il y a au moins 25% des individus qui préfèrent être coopératifs plutôt qu’opportuniste, c’est qu’une certaine conviction en la coopération demeure. Un dilemme de 2 prisonniers est d’abord un dilemme parallèle aux convictions et aux motivations de l’action.
L’affrontement stratégique est une grave ignorance et un biais relatif à des fausses considérations de la nature humaine. L’Homme n’est pas un loup, il peut aisément choisir à ne pas obéir à la loi de la jungle, à ne pas croire à l’évolutionnisme et au darwinisme social. Que les lois du plus fort n’ont pas à s’ériger en normes sociales et fondement de la morale. Qu’on peut mieux vivre ensemble sans passer par ces fausses lois de confrontation et de compétition sans fin et souvent sans finalité convenables. On ne souhaite jamais qu’une fausse 99,57% puisse écraser le plus grand nombre de la population.

Quel dilemme entre Principes et Intérêts ? Si un pays trouve intéressant d’augmenter sa production de gaz à effet de serre (parce que cela procure de la croissance, de l’emploi et du revenu à sa population ou plutôt à ses industriels) il sait pourtant très bien que les résultats de son attitude égoïste et de ses actions sont désastreux pour la collectivité et enfin de compte pour lui-même. La signature de contrats contraignants pourra très bien réduire les risques de « tragédies des biens communs » mais reste toute la question de « qui assure le contrôle » ? Le vrai problème de l’économie et de la politique est essentiellement en lien avec la Morale.

Revenons à cette course aux présidentielles. Beaucoup ne sont pas rassurés d’un climat de confiance et de transparence. Marzouki (Essebsi) ne peut pas vérifier certaines actions réalisées (ou propos dits) par Essebsi (Marzouki). De plus l’un d’entre eux pourra disposer de plus d’information que l’autre et pourra ainsi très bien les dissimuler ou les manipuler à son avantage. Instrumentalisation, récupération, ruse, logique de détour, hypocrisie et mensonge… des vices privés pour justifier faussement l’intérêt et le bien publics…

Quant aux électeurs, ils sont de trois catégories :

1. Les adeptes des émotions en politiques, ceux qui ont des préjugés et ne sont pas prêts à changer leurs avis. Ces sont la majorité des électeurs ;

2. Les opportunistes qui votent en fonction des intérêts matériels et immédiats (on pourra les estimer de 5 à10%) et

3. Les votants cherchant à filtrer leurs décisions par des critères de principes majeurs et intérêt général, ces sont des véritables votants libres.

Le taux de ceux qui ne votent pas pèse seulement sur la légitimité symbolique. Si les deux premières catégories ont déjà choisi leur candidat, la troisième catégorie attend la veille même des élections, observant l’attitude et la stratégie de deux candidats. Je suppose que le candidat qui montre plus d’attachement aux valeurs et aux principes séduira plus cette troisième catégorie et augmentera sa chance de devenir président. Les facteurs exogènes et les surprises de derniers moments ne sont pas ici pris en compte. On veut bien croire à la démocratie même si on n’en a pas beaucoup de confiance aux attitudes des Hommes. Notre premier problème est de nature éthique ou morale : La Confiance, qui peut fournir des garanties pour le bâtir et sait bien l’entretenir ?