Depuis plus de 4 ans, nous ne cessons d’entendre l’attribution à la Tunisie de divers prêts et dons. Si certains sont issus d’accords bilatéraux, d’autres rentrent dans le cadre de projets de développement d’organisations internationales. Au-delà des problématiques de la souveraineté des dettes engendrées ou simplement du montant –parfois mirobolant-, c’est leurs critères d’évaluation qui posent problème. Comment ces organisations internationales évaluent-elles leurs aides à la Tunisie ? Comment ces aides sont-elles attribuées ? Et sur quoi se basent-elles ?
L’Agence Française de Développement
L’Agence Française de Développement est présente en Tunisie depuis 1992.
À travers ses financements, elle appuie les autorités tunisiennes dans la mise en oeuvre de politiques de transport, de formation professionnelle et d’emploi, de réhabilitation des quartiers populaires, de gestion de la ville, d’accès à l’eau potable et à l’assainissement, de développement rural et agricole et de préservation de l’environnement. Elle soutient également le secteur privé à travers divers outils financiers et appuie le secteur de la microfinance.La Tunisie est, sur les vingt dernières années, l’un des premiers bénéficiaires des financements du groupe AFD avec 2 milliards d’euros d’engagements. En moyenne sur les six dernières années, les engagements, comme les versements, ont été de l’ordre de 110 millions d’euros par an, avec une aide budgétaire à l’État importante en 2011 au lendemain de la révolution. Site de l’AFD.
Ces aides sont octroyés à travers de nombreux outils de financements :
• des prêts à long terme à des conditions préférentielles, auprès du secteur public (État et entreprises publiques) et privé (banques, entreprises, institutions de microfinance);
• des garanties aux banques (ARIZ) pour favoriser l’accès au crédit des petites et moyennes entreprises (PME);
• des prises de participation dans le capital d’entreprises ou de fonds d’investissement, via sa filiale PROPARCO.Ces instruments permettent de soutenir des projets de nature et de montant divers et d’accompagner les différents acteurs du développement, qu’ils soient publics ou privés.
Dans l’ensemble des projets de l’AFD destinés à la Tunisie, nous trouvons des résultats escomptés à chaque projet. Indépendamment de ces résultats « généraux », il existe des résultats « spécifiques ». Afin de savoir ou non si ces résultats ont été atteints, des indicateurs chiffrés sont mis en place. Cependant, il n’est fait mention à aucun moment de l’évolution des réalisations en cours. Ainsi, par exemple, pour le projet « Programme pour la réduction des inégalités d’accès aux droits en Tunisie phase préparatoire vers une dynamique programme multi-acteurs pour la réduction des inégalités d’accès aux droits en Tunisie », si les indicateurs de réussite du projet sont clairs, les mises à jours quant à sa réalisation ne sont pas disponibles.
Prenons un exemple :
Parfois même, certains résultats escomptés sont tellement vagues, que l’on peine à comprendre les réalisations pratiques.
L’exemple du programme d’appui à la politique de la ville le démontre. Parmi les objectifs de ce programme nous trouvons : « Initier une préparation des outils et de dispositifs en vue d’une action globale et cohérente sur les dynamiques urbaines ». Sans aucune autre explication, ni critères d’évaluations, ni aspects pratiques.
Dans un rapport de l’AFD intitulé : « Méta-évaluation des projets « lignes de crédit » », les méthodologies de suivi sont rarement satisfaisante, et la réalisation des objectifs est difficilement vérifiable :
La réalisation des objectifs est rarement vérifiable à partir du suivi-reporting existant. En revanche, les analyses menées par les évaluateurs sur un sous-échantillon de projets concluent à une efficacité satisfaisante… L’impact des projets financés n’est pas mesurable …. Le suivi-reporting des projets financés par les lignes de crédit est en pratique limité et, la plupart du temps, en deçà des dispositions prises en début de financement. Rapport de l’AFD.
La Commission Européenne
Le 30 avril dernier a été annoncée la convention de financement par la Commission Européenne de 5 programmes.
Les cinq conventions de financement portent sur la réforme de la justice (15 millions €), le renforcement du secteur des médias audiovisuels (10 millions €), la promotion de l’égalité homme-femme (7 millions €), le développement des quartiers populaires (28 millions €), la gestion des frontières et la protection internationale des migrants (3 millions €).
Le site de la Commission européenne rentre un peu plus dans les détails de chacun de ces programmes :
● Le programme de réhabilitation des quartiers populaires en Tunisie est l’un des programmes emblématiques de la coopération de l’UE en Tunisie. « »Lancé en 2012, ce programme concerne 119 quartiers répartis sur 50 communes et conseils régionaux, regroupant environ 200 000 logements et abritant un million d’habitants. »
Ce programme « met l’accent sur l’amélioration des conditions de vie des tunisiennes et des tunisiens, par la réhabilitation et le désenclavement de quartiers populaires défavorisés dans toute la Tunisie. Ce programme permet également de créer des espaces socioculturels et sportifs au profit notamment des jeunes, ainsi que des espaces dédiés à des activités économiques génératrices de revenus. »
● Le programme « Promotion de l’égalité homme-femme en Tunisie » comporte trois volets : le renforcement des capacités du ministère [de la Femme, de la Famille et de l’Enfance] et de ses partenaires, étatiques et non étatiques, en matière d’intégration de l’approche genre ; l’amélioration de la participation de la femme dans la vie économique et publique ; et la lutte contre les discriminations et les violences faites aux femmes.
● Le programme d’appui à la réforme de la justice [PARJ 2] va soutenir plus particulièrement la réforme de la chaîne pénale, l’appui au processus de justice transitionnelle dans le traitement des dossiers par les autorités judiciaires, la mise en place progressive d’un système d’information et le renforcement de l’infrastructure judiciaire, pénitentiaire et des lieux de détention. Il faut rappeler que le Programme d’Appui à la Réforme de la Justice [PARJ 1] est toujours en cours d’exécution.
● Le programme d’appui aux médias audiovisuels en Tunisie vise à consolider les acquis en termes de liberté des médias. Il aura plusieurs axes : l’accompagnement à la modernisation du secteur des médias, en transformant les médias d’Etat existants en médias de services publics au service du citoyen, la professionnalisation des acteurs de l’information, de la régulation et de l’éducation aux médias ainsi qu’un intérêt particulier sera porté au traitement de l’image de la femme dans les médias, et à l’éducation aux médias des jeunes générations ; et enfin le renforcement de l’accès à l’information de proximité et développement de médias professionnels au niveau régional.
● Le programme d’appui au Gouvernement tunisien dans les domaines de la Gestion Intégrée des Frontières et de la Protection Internationale, vise à renforcer les capacités des autorités tunisiennes dans les domaines de la prévention de la migration irrégulière et la mise en place d’un système national d’asile et de protection internationale.
Bien que bienvenue, l’on ne sait toujours pas comment ces aides seront évaluées. Dans la pratique et de façon concrète, comment jugera-t-on de leurs effets ? Quels sont les critères d’évaluations choisis ? Pourquoi cette convention de financement ?
L’on pourra penser qu’il s’agit de simple « courtoisie », tant l’on connait l’impact médiatique de ce genre d’aides et de discours lorsqu’ils sont dépourvus d’effets concrets.
Prenons des exemples concrets :
● Le Programme « Promotion de l’égalité Hommes-Femmes en Tunisie » comporte trois volets certes louables. Cependant l’on voit mal l’application pratique. S’il s’agit de cimenter le volet législatif, il faut rappeler que la Tunisie dispose de l’arsenal juridique nécessaire et adéquat, bien plus avancé que certains pays européens. Là, où il existe un problème en Tunisie, c’est dans l’application de ces dites lois. Or pour leur application, il faudrait déjà une justice forte et indépendante. Ainsi en dotant ce programme de 7 millions d’euros, s’apparenterait à donner « de la confiture aux cochons » tant on ne sait pas comment faire en sorte que les lois s’appliquent.
La porte parole de la Commission Européenne Maja Kocijancic, jointe par Nawaat, ne fait que confirmer cette aide de « courtoisie » :
A titre d’exemple dans le cadre du programme de promotion de l’égalité des sexes et de la « »lutte contre la discrimination et la violence contre les femmes »» plusieurs activités sont déjà mentionnées : des campagnes de sensibilisation seront organisées, le soutien au ministère de la Femme et de la Famille sera assuré, la préparation et la rédaction de la loi pour mettre fin à la violence contre les femmes sera faite, les experts et les professionnels (tels que les avocats, les juges, les services sociaux et les opérateurs de la société civile) seront formés, au moins quatre maisons d’hébergement pour femmes victimes de violence seront mis en place. Maja Kocijancic, Porte-parole de la Commission Européenne.
● Le programme d’appui à la réforme de la justice 2 (PARJ 2) fait aussi penser qu’il s’agit de « simple courtoisie ». D’abord parce que le programme PARJ 1 n’a pas encore aboutit aux effets escomptés. Ce dernier visait 3 objectifs : (1) L’indépendance et l’efficacité de la Justice, (2) l’accès à la justice et au droit, (3) et la modernisation du système pénitentiaire. Or la question qui se posait et qui se pose toujours : comment juger de l’efficacité de ces objectifs ?
Faut-il rappeler que jusqu’à ce jour, et après de multiples contacts, personne au sein du ministère de la Justice n’a le chiffre exact de personnel judiciaire en Tunisie (auxiliaires de justices, greffiers…). Il faut donc savoir sur quelles bases ces aides sont octroyées, s’il n’existe pas de données claires ?
On pourrait encore proposer d’autres exemples de ce genre.
Ce qui est étonnant, c’est que les autorités tunisiennes semblent « toutes oui » à ces aides, sans faire préalablement leur autoévaluation. Certains de ces programmes sont-ils nécessaires ? Nous en doutons. Mais, à supposer qu’ils le soient, comment nos gouvernants acceptent ces programmes sans avoir mené, au préalable, une analyse claire, ni exprimé des besoins précis ?
Un parlementaire européen joint par Nawaat, nous explique :
Soyons clairs : la Convention de Financement fait échos aux besoins éprouvés par les autorités tunisiennes. Plusieurs rencontres ont eu lieu entre la Commission et vos différents Premiers ministres, et les membres du gouvernement. Ces derniers ont chacun d’entre eux exprimés des besoins propres à leurs ministères. En réponse à ses besoins, la Commission a prévue une aide financière et technique afin d’accompagner la Tunisie dans ces défis.
La Commission européenne n’a pas une idée aussi précise sur ce qui se passe en Tunisie que les autorités elles mêmes. Maintenant, le souci c’est que les autorités tunisiennes elles mêmes n’ont pas consciences de leurs priorités. C’est ce qui fait que vous avez l’impression d’une aide de courtoisie.
Quant aux critères d’évaluations, pour tous les bailleurs de fonds le même modèle est appliqué : on impose des conditions, on fixe des résultats généraux, puis des résultats spécifiques avec des indicateurs chiffrés et puis on avise en fonction des événements. Par exemple, L’Union Européenne a octroyé une aide à la Tunisie en 2009 échelonnée sur 5 ans. Or en 2011, la révolution a éclatée. Nous n’avions pas d’autres alternatives que de rééchelonner la durée mais aussi les objectifs de cette aide.
Pour la porte-parole de la Commission Européenne, Maja Kocijancic, jointe par Nawaat, elle rejoint le parlementaire que nous avons contacté, le choix des programmes se produit dans le cadre de l’exercice de programmation entre la délégation de l’UE à Tunis et les autorités tunisiennes en se basant sur la Politique Européenne de Voisinage mais aussi sur l’accord de Partenariat Privilégié entre la Tunisie et l’UE :
Les secteurs prioritaires, les objectifs principaux, les résultats et les dotations financières indicatives sont décrites dans le document et sont basés sur une vaste consultation avec les parties prenantes tunisiennes et internationales afin de répondre aux priorités fixées par le gouvernement et les difficultés rencontrées par le pays et sa population.
Dans la continuité de 2011-2013, l’aide de l’UE à la Tunisie en 2014 – 2015 se concentre sur les trois secteurs prioritaires suivants:
1. Les réformes socio-économiques pour une croissance inclusive, la compétitivité et l’intégration;
2. Renforcement des éléments fondamentaux de la démocratie;
3. développement régional et local durable.Un appui complémentaire pour le développement des capacités et de la société civile peut également être fourni en dehors de ces secteurs prioritaires.
Par conséquent, les cinq programmes spécifiques, signés par le commissaire Hahn le 30 Avril lors de sa visite à Tunis, ont été conçus et élaborés conjointement par les autorités tunisiennes et l’Union européenne sur la base des documents de politique et de programmation mentionnés ci-dessus.
Pour chaque programme des discussions approfondies et des consultations avec les différentes parties prenantes prennent place afin de prendre en considération les aspects pertinents et d’assurer une large participation.
Quant aux critères d’évaluations, tous les programmes de l’UE prévoient un budget spécifique pour les activités de suivi et d’évaluation. Il existe une fiche d’évaluation type appliquée pour chaque programme : « L’info-fiche de chaque programme fournit quelques détails. Une évaluation interne est prévue pour chaque programme. Dans certains cas, les audits externes et les évaluations sont planifiées. Les activités de suivi et d’évaluation pour chaque programme sont en ligne avec les politiques définies par l’UE », nous explique-t-elle.
En étudiant ces documents l’on se rend compte que les critères d’évaluations et de monitoring semblent être assez précis afin de parvenir aux résultats escomptés. Malheureusement, ce n’est pas à ces organisations internationales qu’il faut jeter la pierre, mais bien aux responsables tunisiens qui, jusqu’à présent, acceptent les aides tous azimuts sans dresser au préalable une liste de priorités, engageant financièrement le pays dans des programmes finalement pas si prioritaires qu’il n’y parait.
Comme formulé par l’ancien ministre des Affaires Etrangères français Hubert Vedrine :
La Tunisie n’a pas besoin d’aide, elle n’est pas en train de couler. Elle a besoin, par contre, de partenaires solides et sérieux. Je pense que l’Europe, sur le plan privé et public, serait prête à faire plus, mais elle ne sait pas exactement quoi faire. C’est aux responsables tunisiens de bien exprimer leurs besoins et les domaines de partenariat possibles.
Bottom line: Il me semble que les chefs de guerre au pouvoir font tout pour pousser ce pays de singes castrés vers la banqueroute. Ce qui se passe à Tunisair, TunTel et le CPG le confirme. La mafia nationale comme internationale se grince déjà les dents depuis plusieurs années. Le gâteau du secteur publique de la grande Bougnoulie est appétissant (des centaines de milliers de hectares de terres fertiles, des compagnies publiques à gogo, etc.). Il parait que ce peuple de crétins va le payer cher et très bientôt!
على_طريق_اليونان
ذوقوا_ما_كسبت_أيديكم
شعب_القردة_المخصية