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Vendredi 8 juillet 2016, Imed Ghanmi a succombé à ses brûlures à l’hôpital Habib Bourguiba à Sfax. Le 5 juillet, une patrouille de police l’arrête à Sfax et confisque sa marchandise. Selon ses proches, Imed a été agressé et malmené par des policiers au poste de police. Humilié, il décide de s’immoler par le feu devant ses agresseurs.

Durant les deux dernières semaines, plusieurs violences policières ont eu lieu entre Tunis et Sfax. Le nombre global des plaintes déposées à l’Organisation contre la torture en Tunisie durant le mois de juin a diminué par rapport aux mois de mai et mars. D’après l’OCTT, ce recul est du, probablement, à la présence de l’avocat au cours de la garde à vue. Mais cette réforme n’est pas suffisante explique le rapport de l’OCTT. Cependant, l’OCTT considère cette réforme insuffisante. L’organisation a souligné l’inexistence des moyens matériels et humains pour la prise en charge médicale dans les prisons et les centres de détentions. Dans son rapport qui énumère quatre cas de torture, l’OCTT recommande aux pouvoirs judiciaire et exécutif de respecter la loi lors des arrestations, de protéger les victimes qui portent plainte contre des policiers, d’ouvrir des enquêtes sérieuses et indépendantes sur les tortures et d’offrir un traitement médical gratuit aux victimes de torture.

Père de trois enfants, Imed Ghanmi, 43 ans, doctorant en mathématique, enseignant universitaire contractuel à Mahdia puis à l’INSAT de Tunis. Son contrat arrêté, il décide d’entretenir un petit commerce de tabac à Bizerte pour subvenir aux besoins de sa famille. « Il attendait la soutenance de son doctorat en septembre » explique Ahmed Ghanmi, frère de Imed.

Le soir même, avant qu’il ne s’immole, Imed appelle son ami et l’informe en pleurant que les policiers l’ont violemment tabassé, son nez saignait. Il demande son aide pour retourner au poste de police afin de porter plainte. Les policiers l’humilient encore une fois, devant son ami, refusent d’enregistrer sa plainte et refusent de lui rendre sa marchandise. À ce moment, mon frère s’immole au sein du poste de police devant les mêmes policiers qui l’ont agressé. affirme Ahmed Ghanmi.

Le 26 juin 2016, Mehrezia Mahfoudh, 73 ans, a été agressée par son voisin, un policier, à cause d’une dispute avec son fils. La dame tabassée sauvagement d’après les médecins de l’hôpital Habib Bourguiba à Sfax a survécu à une crise cardiaque et souffre actuellement d’un traumatisme psychologique. Mejdi Kaanich, fils de Mehrezia, affirme que le policier agresseur essaye de persuader ses collègues ainsi que les témoins de clore le dossier de la plainte. « Il a menacé nos voisins qui étaient prêts à témoigner en notre faveur. Il a réussi à voir le PV d’interrogatoire de ma mère alors qu’il est accusé dans cette affaire », dénonce Mejdi avant d’ajouter : « nous savons que les enquêtes sur les dépassements de la police n’aboutissent pas souvent. Mais nous n’allons pas lâcher ».

La veille de l’Aïd, le 4 juillet, Wejdi Bouzayane, 27 ans, était la victime de torture dans deux postes de police à Sfax. « Je rentrais chez moi en taxi quand j’ai vu un ami arrêté sur sa moto par un groupe de braqueurs. Je me suis arrêté pour venir à son aide. En m’approchant, un des inconnus me bouscule brutalement en criant je suis policier » témoigne Wejdi avant de préciser qu’aucun des agents ne portait un uniforme et que leur voiture était aussi civile. Les « policiers » emmènent Wejdi au poste de police de la cité Al Ahbab où ils le tabassent violemment puis le transfèrent au poste de Sidi Bahri. « C’est là où ils m’ont torturé avec le câble d’un ordinateur » assure Wejdi. Sur son dos, les traces de la violence sont encore visibles.

« Ce n’est pas la première fois que les agents de la police m’agressent. Il y a quelques semaines, l’un d’entre eux m’a directement menacé de mort si jamais il me croise à nouveau au centre ville » raconte Wejdi avant d’ajouter « je ne peux pas porter plainte parce que je n’ai aucune pièce d’identité et parce qu’ils sont forts et peuvent réellement me mettre en prison sous n’importe quel prétexte ».

Avant Imed Ghanmi, Amani Youssefi, 19 ans de Sfax et Hamed Abdelaoui, 22 ans, de Sousse se sont immolés par le feu en 2014 pour les mêmes raisons et dans les mêmes circonstances. Les enquêtes sur leurs morts ont été classées. Ces nouvelles victimes craignent le même sort pour leurs plaintes. À quand l’impunité ?