Lundi 19 septembre 2016, des dizaines de militants de la société civile ont accompagné Lina Ben Meheni devant le Tribunal de première instance de Medenine. Elle comparaissait devant le juge d’instruction pour « outrage à l’égard de fonctionnaires publics », suite à une plainte déposée par Maher Belgacem, ancien chef de la police judiciaire à Jerba et cinq autres agents de la police routière. L’accusée considère ce procès comme « tentative d’intimidation de la part du ministère de l’Intérieur qui veut consacrer l’impunité de ses agents ». L’affaire remonte à la nuit du 30 août 2014 quand les plaignants ont agressé Lina Ben Meheni et ses parents.

Après avoir écouter Lina et ses avocats, le juge d’instruction décide de poursuivre l’enquête afin d’écouter les plaignants et de confronter les témoignages. Les huit avocats de la défense ont démontré, devant le juge, les nombreuses contradictions dans les témoignages des plaignants. « Ils prétendent que c’était Lina qui a commencé par les insulter et qu’ils ne voulaient que se défendre. Ils sont allés trop loin dans leurs mensonges. Ils veulent faire pression pour que elle retire sa plainte. La défense portera plainte pour faux témoignage » promet Mehdi Ben Hamouda, un des avocats de la défense.

Sous protection policière, Lina Ben Meheni avait raccompagnée son garde du corps au district de police de Houmt Souk de Jerba à sa demande la nuit des faits. « Alors que je l’attendais devant le siège du district, des policiers m’ont interpellé. Au départ, ils ont critiqué violemment mes déclarations aux médias sur la violence policière et la corruption de quelques policiers. Puis la discussion a vite tourné aux insultes envers ma personne et aux militants des droits humains en général » se rappelle Lina avant de préciser que les agressions n’étaient pas uniquement verbales. « Quand j’ai répondu à leurs insultes, ils m’ont tabassé avant d’agresser mes parents. Un certificat médical attestant les agressions physiques appuie le dossier de ma plainte » explique Lina.

La blogueuse infirme les rumeurs relatives à la disparition du dossier de sa propre plainte. Elle affirme que « l’affaire reste en cours. J’étais supposée confronter l’agent de police chargé de ma protection à Jerba au moment de l’agression. Mais il n’est pas venu. Le juge d’instruction a du reporter la confrontation ». Elle précise que le dossier perdu est celui de l’inspection du ministère de l’Intérieur où elle a déposé plainte. L’inspection aurait du envoyer deux copies à la justice et au procureur de la République. « Mais le dossier a disparu mystérieusement » ironise Lina.

Le 18 septembre,un collectif de six organisations de la société civile parmi lesquelles, l’ATFD, le FTDES et le SNJT a dénoncé la comparution de Lina Ben Meheni devant la justice en tant qu’accusée alors qu’elle est victime. Pour Hechmi Ben Frej, militant des droits humains, « cette plainte au nom de l’article 25 du code pénal vise à intimider Lina afin qu’elle retire sa plainte et consacrer ainsi l’impunité de la police. Ce n’est pas la première fois que des policiers utilisent cette même méthode pour faire peur aux victimes».

Sur les marches du Tribunal de Medenine, Lina Ben Meheni était entourée de dizaines de militants venus lui exprimer leur soutien. La militante attend la prochaine convocation du juge d’instruction dans les deux affaires: sa propre plainte et celle de ses agresseurs. « Je le fais pour moi mais surtout pour les centaines de victimes anonymes impuissantes face à la machine de l’impunité et de l’injustice. Je retournerais au tribunal de Medenine jusqu’à que justice soit rendue » promet la candidate au prix Nobel de la paix 2011.