Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.

Je ne vais pas m’étendre sur l’échange entre la députée et le ministre. Tout juste vais-je reprocher à Mme Abbou de tout mélanger dans ses griefs (corruption, politique d’endettement, pillage des ressources naturelles, loi de réconciliation, etc.). Quant à M. Abdelkafi, il a eu tort d’adopter un ton autoritaire et paternaliste en demandant à ses opposants de se taire. Ce qui m’intéresse, c’est que l’incident a été une nouvelle fois l’occasion d’une campagne de dénigrement visant la députée d’Attayar. Partie des réseaux sociaux, la campagne a été relayée par la presse bensimpsonienne (pour reprendre l’expression du caricaturiste Z). A ce propos, il faudrait que l’on m’explique un jour la plus-value journalistique des articles qui ne font que reprendre un statut Facebook, public de surcroit ! Côté politique, le Bloc National, un nouveau groupe parlementaire réunissant d’anciens députés de Nida Tounes dont certains sont passés par la case Machrou’ Tounes, s’est fendu d’un communiqué dénonçant les propos de la députée, sans toutefois la citer nommément.

Que reproche-t-on à Mme Abbou ? Des faits avérés comme ses relations avec les iniques LPR, un discours qui touche certaines couches conservatrices ; des choses discutables comme sa prétendue négation du terrorisme en Tunisie et d’autres totalement fausses comme son « silence » sous la Troïka (insulte suprême chez nos champions de la modernité, dont les amis gouvernent aujourd’hui avec Ennahda) et son soutien absolu des islamistes. Par ailleurs, on lui reproche les actions réelles ou supposées de son mari, ce qui est une étrange conception assez curieuse de ceux qui ne jurent que par LA femme tunisienne.

Pourtant, une simple recherche sur internet permet de réduire à néant les fantasmes des procureurs de Mme Abbou. En juillet 2012, celle qui est encore au CPR, désavoue le président Marzouki et vote contre la nomination de Chedly Ayari à la tête de la Banque Centrale. Toujours sous la Troïka, c’est elle qui a violemment attaqué la version du 1er juin 2013 de la Constitution, y voyant un texte potentiellement théocratique empli de l’idéologie des Frères Musulmans. Ces attaques dont les auteurs se disent démocrates et résistants sont inquiétantes. Au moment où le Parlement est dominé par une majorité écrasante et où les députés opposants sont au mieux une trentaine, au moment où les opposants au projet de loi de « la réconciliation » sont entravés, harcelés, il n’y a rien de glorieux à se faire le relais d’un pouvoir à la tentation hégémonique.

Je dénonce volontiers les emportements de Mme Abbou, certains de ses excès verbaux peuvent parfois brouiller le message qu’elle porte. Je ne lui pardonne pas ses déclarations homophobes, même si sur ce sujet, la plupart des élus progressistes ne sont pas franchement en pointe sur la défense des homosexuels. Mais force est de constater qu’il s’agit d’une élue qui travaille ses sujets et qui porte des combats essentiels en cette période où la transition démocratique et les idéaux de la révolution sont plus que jamais menacés. La Troïka n’existe plus depuis 2014. Il serait temps de s’en rendre compte.