Tous les cinq ans, ils se persuadent que “c’est la dernière fois”. La dernière fois qu’ils laissent “l’artisan du changement”, selon la terminologie officielle, se maintenir au pouvoir, à coups d’amendements édictés à la veille des élections pour écarter tout rival sérieux. Mais voilà vingt-deux ans que cela dure. Autant les Tunisiens nourrissaient des illusions, au soir du 7 novembre 1987, après que M. Ben Ali, alors premier ministre, eut déposé Habib Bourguiba, devenu sénile, autant ils n’en ont plus aujourd’hui. Et, dimanche soir, ils le savent : quel que soit leur vote, Zine El-Abidine Ben Ali sera reconduit à la tête du pays pour un cinquième mandat, avec un score frôlant les 95 %.
Pourtant, l’impopularité de cet homme de 73 ans est frappante. Des trois pays du Maghreb, le régime tunisien est sans doute celui qui est le plus mal aimé de sa population. Même en Algérie, le pouvoir n’a pas droit à un tel mépris… Pour le touriste de passage, c’est à n’y rien comprendre. A première vue, la Tunisie est propre et belle. Routes, aéroports, services, tout fonctionne plutôt vite et bien. Tous les foyers tunisiens ou presque sont raccordés à l’eau et à l’électricité ; 80 % de la population est propriétaire de son logement (au prix d’un lourd endettement) ; il y a peu de bidonvilles. La scolarisation et les soins, même imparfaits, sont accessibles à tous. Les femmes bénéficient des mêmes droits que les hommes (sauf en matière d’héritage).
Le pays, géré par une équipe de bons technocrates, affiche également chaque année des taux de croissance honorables, de l’ordre de 5 %. Et pourtant, il est difficile de rencontrer des Tunisiens qui se disent heureux…
Dimanche 25 octobre, Rachid ira voter. Mais “pas pour “lui””, dit-il sèchement. Autrement dit, pas pour le candidat Ben Ali. Plutôt que de boycotter les urnes, ce père de deux enfants, 55 ans, fonctionnaire dans les chemins de fer, ira faire un tour dans l’isoloir, pour “ne pas se faire remarquer”. Mais à l’abri des regards, il votera blanc. Ce qui l’exaspère ? Pêle-mêle, le chômage (14 %), en particulier celui des jeunes diplômés. Les salaires trop bas (le salaire minimum est de 250 dinars, soit 130 euros). Les passe-droits. Le racket des petits fonctionnaires, des policiers notamment. L’obligation d’adhérer au parti au pouvoir, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), pour bénéficier d’aides telles qu’un emploi, une bourse, un permis de construire, etc.
Ce maillage étouffant de la société par le RCD et ses affidés – comités de quartier et indicateurs -, Rachid et sa femme le vivent de plus en plus mal. Tous deux s’inquiètent pour leurs enfants. “Qu’est-ce que nous allons leur léguer ? Un pays où l’Etat de droit n’est qu’un mot en l’air ?”, s’interrogent-ils avec anxiété et colère.
Mais un autre sujet domine toutes les conversations et alimente la frustration générale : la main-mise de “la famille” sur le pays. Comme le dit Rachid, “après un petit verre – car le vin ça dégage tout ! -, on vous avouera la vérité : on en a marre !”. Marre, précise-t-il, des frères, des gendres, des neveux, des Trabelsi, Chiboub, Ben Ali, El-Materi, “de tout ce clan familial qui ne cesse de grossir et de s’accaparer les richesses du pays”.
“La Tunisie connaît une croissance indiscutable depuis vingt ans, mais qui profite de façon très inégalitaire à la population. D’où la rancoeur que vous constatez. Nous sommes aujourd’hui dans une société duale, ce qui est nouveau. Il y a ceux qui profitent du système et en vivent extrêmement bien, et ceux qui enragent d’en être exclus “, analyse Tarek, un homme d’affaires prospère. Pour lui, le président Ben Ali excelle “à prendre le pouls du petit peuple” et à réagir au moment adéquat. Il lâche du lest quand monte la pression et décrète, par exemple, des hausses de salaire, pour éviter tout dérapage social sérieux ou prolongé. C’est cette capacité à deviner “jusqu’où il peut aller” qui, conjuguée au clientélisme et au maillage policier de la société, expliquent, en bonne partie, son maintien à la tête du pays.
Voilà longtemps, en tout cas, que le chef de l’Etat a compris que ses partenaires européens se contenteraient d’une démocratie en trompe-l’oeil en Tunisie. “Les droits de l’homme ? Après vingt-deux ans de bénalisme, la jeunesse s’en fiche ! A la limite, elle nous donne tort de continuer à mener cecombat. Elle estime que nous sommes bien bêtes de ne pas profiter du système “, se désole la sociologue Khadija Chérif, membre de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), découragée comme beaucoup d’autres de sa génération. “Les étudiants sont totalement dépolitisés. Pour eux, la réussite passe par l’argent, non par l’effort ou les études”, confirme l’universitaire Larbi Chouikha.
Résignés, indifférents, mais par-dessus tout tenaillés par la peur, les Tunisiens attendent. Quoi ? Ils ne le savent pas très bien. Que “la mort”, “un coup d’Etat “, voire “un attentat”, disent-ils un peu gênés, presque honteux, viennent les délivrer de cette soumission à un régime qui leur pèse, mais pas au point de se révolter. Grâce à la chaîne d’information qatarie Al-Jazira – “notre oxygène”, disent-ils -, ils n’ignorent rien de ce qui se passe chez eux, en dépit du muselage de la presse nationale. “Tout a une fin”, disent-ils de temps à autre, comme pour se rassurer.
Imperturbable, le pouvoir, lui, peaufine son langage à destination de l’Occident. “Nous souffrons d’un déficit d’image, par manque de savoir-faire en communication. C’est cela, notre principale faiblesse”, soupire ainsi Zouhair Mdhaffar, ministre délégué auprès du premier ministre, chargé de la fonction publique, avant de poursuivre benoîtement : “Nous sommes une démocratie émergente. Nous savons que nous avons encore des progrès à faire dans ce domaine. Mais pourquoi donc êtes-vous si sévères avec la Tunisie ? Vous feriez mieux d’apprécier notre bilan global au lieu de vous attacher à des petits détails !”
Dehors, pendant ce temps, les défenseurs des droits de l’homme subissent un harcèlement quotidien, rendu possible par une administration et une justice aux ordres. “Petits détails”, sans doute, que les tabassages en règle, et en pleine rue. Les filatures vingt-quatre heures sur vingt-quatre (y compris pour les journalistes étrangers). Les interdictions arbitraires de sortie du territoire. Les détournements de courrier, en particulier électronique. La surveillance des lignes téléphoniques. Le filtrage policier à l’entrée des domiciles privés. On n’en finirait pas de dresser la liste des méthodes employées par le régime…
“Détails” aussi, ces campagnes de diffamation, menées semaine après semaine par une presse de caniveau, contre toute voix discordante. Exemples choisis. Selon Kol El Nass et Al Hadath, deux journaux arabophones proches du pouvoir, Khemaïs Chammari, ancien député, est “un vendu et un corrompu”. Hamma Hammami, porte-parole du Parti communiste des ouvriers de Tunisie (POCT, interdit), est “un salaud fanfaron”. Le docteur Moncef Marzouki, ex-secrétaire général de la Ligue tunisienne des droits de l’homme, est “un drogué”. Quant à Maya Jribi, secrétaire générale du Parti démocratique progressiste, (PDP, légal), l’une des très rares femmes à avoir eu l’audace de se lancer en politique, elle n’est rien d’autre qu’une lamboua (“putain”).
Florence Beaugé
* Ce reportage a été réalisé au début du mois d’octobre, avant que l’envoyée spéciale du Monde, de retour en Tunisie, ne soit refoulée à l’aéroport de Tunis, le 21 octobre.
OUIIIIII ! je ne peux contenir mon cri de joie, les bulletins blancs font des petits et mes amis en Tunisie tiendront leurs promesses et il y en aura beaucoup plus. Merci à tous les Tunisiens qui peuvent se connecter sur Nawaat et font multiplier cette manifestation active de ras-le-bol. Votez blanc!
Alyssa
cordonnees de Florence Beauge demandees (courrier elctronique et telephone)
Merci Florence pour avoir decrit le fait que tous les tunisiens sont conscients de cette dictature abominable. Je voudrais ajouter le fait que toutes les donnees sur l’economie ne peuvent etre verifiees et le pays est en realite au bord de la “faillite”.
l equilibre de chaque pays reside dans la presence d une opposition parlementaire, une opposition solide,et l alternace est le moyen de maintenir l Etat dans une spirale de progres et de developpement, ici CDU,SPD, en Angletaire Parti du travail + les conservateurs, en France, RPR+ UDF, etc,les bases de la survie d une democratie c est le pluralisme politique et partizane,et la liberte de Presse,il faut que l Admisistration Tunisienne cesse de traiter des partenaires politique comme des traitres et doit essayer de les integrer dans le systeme pluraliste,continuer a mener un bateau dans une tempete tout seul et en jetant dans la mer les “surplus politique” on court le risque que cette tempete se transforme en naufrage et que tout le bateau prend coule, pour le moment notre democratie adolescente dakhalet ila kaat al inaach, et prend l eau de tout bord.Il faut une reanimation de cette Democratie par les Dr Hamami ,Dr Najib Chebbi,Dr Ben Jaafe.l Analyse scientifique du journal le monde est parfait, le danger viendra d une revolte dans les regions les plus demunis, a Tunis ca va encore.Chrab ,Harim, wa Taraji.on vit pas mal avec .
Je ne peux comprendre que les journalistes occidentaux nous servent la lithanie du “miracle tunisien” en matière de santé économique, elle le doit à trois facteurs essentiels:1) sa géographie, des kilomètres de plages et la diversité de ses paysages, 2) sa proximité avec l’Europe, 3) le niveau d’éducation de son peuple et sa jeunesse, et désolée pour vous mais cela on ne le doit pas à Ben Ali. Ne détournez plus votre regard de l’essentiel: la collaboration de ZABA avec les USA pour guerre anti-islamiste avait comme contrepartie d’une part un pactole que la grande smala s’est partagé au prix des souffrances des Tunisiens et les beaux rapports des institutions d’indexing qui vendent ce service. Aussi bien S&P que le WEF ou encore le FMI perçoivent des honoraires pour envoyer leurs experts faire des rapports complaisants.
Attend Attend, Ya Alyssa je n aime pas trop quand tu derappes,une guerre antiIslamiste a Tunis, c est trop flou, c est abstrait et ce n est pas une analyse scientique, relis l article du journal “le Monde”les USA sont contre Alkaida ,contre les Talibans,qu ils ont cree de toute piece, mais tu veux dire quoi par Islamiste, il y a dans les Islamistes ,Hamas, Jounoud Allah ,Ansar al Islam ;les deux factions en Somalie qui s entre tuent? Aldawahri? les freres Musulmans dont les representants de ce mouvement ont ete invite lors de son discours au Caire ? izb addwa Almaliki en Irak qui sont sont leurs allies strategiques ?des “Islamistes”en Giordanie 45 ans allies du regime et adversaire irreductible des progressites ?,Ezib Ettahrir , ou bien Assalafia al jihadia, tu les definies comme quoi ? des representants des masses populaires ? des representants des couches les plus defavorises,quel projet de societe propose ces “Islamistes” sibik min kalmit Islamiste” inti theb daghdagh “awatef anass al bousata wal machbouhin ? “ma zaoued alina hata wahed bi iddine,nous sommes tous musulmans depuis 1500 ans et nous faisons nos prieres reguliairement,, laisse la religion de cote quand tu fais des analyses politiques,la croyance c est une affaire entre la personne et Dieu,le soutien des USA comme nation imperialiste a l administration Tunisienne “sa zone d influence” releve essentiellement de la collusion d interet dans le systeme capitaliste,la soumission du “sud au nord” en contre partie d un soutien “mutuel” et des interets financíers,la Tunisie est un marche et consommateur des produits “nord” plutot tres proche de la France en acceptant le projet” Medit” Sarkosy;, encore une fois il me semble que tu manques beaucoups d information sur le dossier “Islamistes”et aussi en tant que connaisseur de l islam politique et de leur historique tache de sang et de complots, je te conseille de ne pas t approcher avant de t informer et d etudier profondement ce Mouvement et ce contencieux tres complexe qui te depasse un peu, autre chose il n y a pas de miracle ecomique pour en expliquer l orgine et les motifs , le taux de croissance d un pays ou bien l exedent de la balance des comptes ou l exedent budgetaire n a jamais ete un indice “social” de prosperite des couches populaires les plus demunis.le plus beau cadeau qu on puisse offrir a une administration reactionnaire c est de leur dire qu se reclame de L Islamisme et surtout dans ces circonstances.Ya Sami,j espere que tu me sencures pas.
moi je veut simplement dire que la tunisie est un super beau pays chaque annee j y passe 2 mois et franchement je passe de bonne vacance. La seule chose c est les chose qui se passe et qui sont grave sans que nore president fasse quoi que se soit pour lui c est plus important de condamner une personne qui a sorti son nom en disant quelque chose de pas bien que quelqu un qui a tuer et je dis pas sa pour rien j ai vu. voter voter mais a quoi sa sert pour que sa soit a 98 % ou pour que les gens soit plein de panique a l idee que ben ali sache qu il ont voter blanc. pffff
Ya Samia Oukhti ” la revolution est le seul mouvement de l histoire qui avance par ses defaites “Rosa Luxemburg”. Famma azzabadou fa yadhahabou joufan wa amma man yanfaou annass fa yamkhtou fil ardhi (sadaka Allah Al adhim )il faut continuer a lutter pacifiquement,et la nuit finira par se dissiper,le sacrifice c est le sweul moyen pour retablir et conquerir nos droits et vivre heureux et liberes
@ Zbiss Melek:
billahi depuis quand on t’as censuré sur nawaat ou censuré qui que ce soit? pourquoi alors finir ton commentaire d’en haut en ajoutant une phrase, de très mauvais goût, me priant de ne pas te censurer.
ياخي ريتني شادد مقص في يدي؟؟؟؟
et voilà, maintenant ça va devenir une mode sur nawaat, il y a toi, ce Anonyme_rcd et khammar qui sont en train de m’accuser, évoquant un problème, inéxistant, de censure sur nawaat.
ربي يهديك و برا
Billehi ya si Melek Zbiss, minnek net3allem, w rani ma qoltech haja okhra… sami me comprend entre autres. Je crois connaitre les mouvements de l’Islam politique bien mieux que toi, tu sembles avoir omis dans ta liste le TTP (Tehrike Talebane Pakistan) de loin le jihadiste le plus actif que j’ai même cotoyé aussi bien dans la zone tribale qu’au coeur de l’action en Afghanistan. Je ne citerai pas non plus de Lashkare Tayyiba au Kashmir. Sauf que contrairement à toi, je connais également la politique occidentale qui n’est pas publiée dans les livres Bestsellers :)
Mais laissons cela de coté, tu ne me conseilles pas de m’approcher…à partir de quelle distance en centimètres cela devient-il dangereux? tu me fais rire, wallahi!
et pour être plus explicite, l’occident s’en fout royalement de quel mouvement il s’agit, il ne fait pas dans le détail, toutes les mouvances qui prennent leur idéologie dans l’Islam sont terroristes et à combattre âprement, avec la complicité des régimes en place.
En tant que musulmane ayant vécu parmi les militants jihadistes, il y a une grande part de mensonges à leur encontre, mais je reconnais ne pas être toujours d’accord avec certaines de leurs théories. N’empêche, ils ne sont pas plus dangereux que les ultra religieux israéliens et les humiliations subies par la femme, toujours subalterne chez les Babyloniens notamment fait passer les tant controversés burqa ou foulard pour une plaisanterie. Quand le mari de celle-ci meurt, c’est son frère qui l’épouse et on ne lui demande pas son avis. Si elle ne lui plait pas et décide de la répudier, cela se passe lors d’une cérémonie publique avec rabbin, famille et compagnie, elle au milieu du cercle, accroupie et tête baissée, honteuse et misérable tandis qu’il lui lance sa chaussure en criant je te répudie tu n’es pas digne de moi! Véridique.