Aujourd’hui, après la prière du vendredi, des centaines de fidèles musulmans sont sortis manifester leur colère contre la chaine Nesma TV à cause du film Persepolis qu’elle a diffusé et qui a été accusé de blasphématoire. Le départ a démarré de la mosquée El Fath (près du passage). De Bab El Khadhra jusqu’à Beb Souika (à Tunis) des hommes et des femmes criaient : « Le peuple est musulman et ne capitule pas », « Le peuple veut un califat islamiste », « Dieu est le plus grand »


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Prenant des témoignages de quelques personnes sur les lieux, certains m’ont dit que le parti Tahrir (parti non autorisé appelant la khilafa ) s’est incrusté à la manifestation initiale contre Nesma TV pour appeler à un Etat islamique (au califat), ce qui a fait que plusieurs manifestants ont fini par se désolidariser de la marche.

Certains verront en ce qui se passe une montée d’un extrémisme religieux ; il y a une semaine je pensais la même chose. En effet, après 7 jours de reportage avec France Inter et plusieurs interviews avec des dirigeants de partis islamistes, d’étudiants, de musulmans, d’athées et de la société civile en général, j’ai été très inquiète quant à la montée de l’islamisme en Tunisie.

Quand on posait des questions d’ordre général autour de la démocratie et de la justice, les avis étaient similaires : tout le monde est pour le respect de l’autre. Cependant quand on posait des questions plus précises autour des libertés individuelles, la majorité des Tunisiens interviewés (dans le Grand Tunis) faisaient savoir clairement qu’ils étaient pour l’application de la chariaa…

Prenant un peu de distance, je me suis rappelé les témoignages que j’écoutais depuis des années de ces hommes et femmes persécutés sous le régime de ben ali, dont le crime était d’être musulman. Je me suis alors remise en question et compris que ces manifestations, défendant ce qu’on appelle « l’identité arabo-musulmane », est en fait une revanche et un fait naturel après tant de répression due aux années de gommage identitaire enduré par les musulmans tunisiens. Ainsi après ces années de traumatisme psychique d’une société, où “le refuge spirituel” en lui-même a été attaqué, les Tunisiens ont tout simplement une soif incroyable de spiritualité et d’assurance quant à leur religion. Je me suis rendu compte aussi qu’un peuple comme le nôtre ne tombera pas dans une phase extrémiste et que ces manifestations s’estomperont avec le temps.

Le seul danger reste ces hommes religieux qui appellent à imposer la chariaa et à faire du Coran notre constitution. L’un de ces hommes est l’imam de la mosquée El Fath qui a provoqué, pernicieusement cette manifestation, en niant après dans une vidéo circulant sur facebook. Son nom est Nourreddine Khadimi. Nous Tunisiens, on n’est pas des anges, mais la plupart d’entre nous sommes musulmans et en tant que tel, on sait pertinemment que la règle d’or de l’islam est « Non de contrainte en religion », ce qui fait que notre Etat adopte l’arabe comme langue et l’islam comme religion mais ne l’impose à personne.

Le rôle des savants musulmans, écartés malheureusement de la société par Bourguiba, est d’ordre primordiale pour appeler à calmer les esprits, à la non violence, au respect de l’autre et surtout à la mission dont le prophète Muhammed (SAAS) a été le porteur : « parfaire les plus nobles traits de l’éthique ».

J’appelle tous mes amis à comprendre ce qui nous arrive et à ne pas tomber dans la phobie de l’autre, de ne pas être guidé par des obscurantistes ou des islamophobes qui feront tout pour nous posser vers la haine.

Soyons tolérants, soyons tunisiens !