Leur combat contre le despotisme a commencé depuis quatre ans. Elles ont sacrifié leur travail, leur sécurité et leur santé. Les ouvrières de SEA Latelec-Fouchana, une filiale du groupe français aéronautique Latécoère, ont entamé une grève de la faim, depuis neuf jours, à Tunis. Après plusieurs actions, sit-in, conférences, grèves et négociations, Sonia Jebali et Monia Dridi ne trouvent ni issue ni soutien à leur cause. Elles ont décidé, alors, d’entamer cette grève pour revendiquer leur droit au travail.
« Notre droit à réintégrer notre usine n’est pas à négocier. Malheureusement, l’Union Générale des Travailleurs Tunisiens a accepté de signer un PV qui ne nous arrange pas et qui ne respecte pas nos droits. Nous ne voulons pas d’indemnisation quelque soit la somme proposée, mais reprendre le travail à l’usine comme nos collègues », explique Sonia.
En fait, ce sont Sonia Jebali et Monia Dridi qui ont initié un syndicat de base à Latelec–Fouchana, et sont les seules ouvrières qui n’ont pas réussi à réintégrer leur usine. Leur démarche impardonnable, aux yeux de la direction de l’usine française basée en Tunisie, fut d’avoir initié un syndicat et de militer pour les droits des travailleurs. Les deux grévistes sont accompagnées de deux ouvrières licenciées injustement par la direction pour les mêmes raisons.
Les ouvrières ont commencé leur grève de la faim dans les locaux de l’inspection du travail à Tunis. Après deux jours, l’inspection force les grévistes à partir en appelant les forces de l’ordre à la rescousse. Au cinquième jour, sans aucun retour de la part de l’UGTT ou du gouvernement, les grévistes décident d’aller solliciter la protection et l’aide de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme. « La ligue a refusé d’héberger notre grève, mais nous a promis de suivre le dossier à travers son avocat Salah El Ourimi », s’énerve Sonia. Actuellement, la grève de la faim se poursuit au sein des locaux de l’UGET, là où les anciens de l’UGET et militants de l’UDC font leur grève de la faim depuis dix jours pour exiger leur droit au travail comme le prévoit le dernier amendement de la loi relative à la justice transitionnelle.
Pour rappel, depuis 2005, ces ouvrières ont été embauchées dans des conditions misérables et injustes. Leurs salaires ne dépassant pas les 200 dinars par mois, elles étaient victimes de harcèlement moral et sexuel, d’intimidations et de racisme. En 2011, les ouvrières s’organisent dans un syndicat qui a réuni la majorité de la main-d’œuvre de l’usine. C’est à ce moment-là que les patrons français ont commencé à déployer toutes les méthodes de pression pour diviser le mouvement et faire taire les voix contestataires. Au bout de plusieurs mois de lutte, les ouvrières ont réussi, en mai 2012, à obtenir gain de cause en recouvrant une partie de leurs droits (augmentation de salaire, payement des heures supplémentaires et couverture sociale ) et la réintégration des ouvrières et ouvriers licenciés pour donner l’exemple.
À la fin des négociations, seules les deux syndicalistes manquaient à la liste des ouvrières réintégrées.
« Sous prétexte que nous avons causé énormément de perte au groupe français aéronautique Latécoère, les patrons ont exigé notre élimination. Ils considèrent les syndicalistes comme des éléments perturbateurs et veulent protéger les autres ouvriers de nos idées. Autrement dit, ils ont réussi à bafouer les droits syndicalistes et ils ont imposé ça à l’UGTT qui a signé pour donner son accord sur notre licenciement et ne soutient plus nos actions légitimes », déplore Sonia.
Devant la fragilité de leur situation en tant qu’ouvrières d’usine, les grévistes n’ont pas d’autre choix que la pression politique et médiatique. Le cadre législatif n’aide pas, non plus, à garantir leur droit. En effet, le code des investissements mis en place par Ben Ali donne plusieurs avantages aux investisseurs étrangers. Actuellement en discussion, ce code ne sera pas soumis à la révision des avantages octroyés aux investisseurs. Les facilités accordées au capital étranger (exonérations fiscales sur le rapatriement des bénéfices, baisse de droits de douane pour les industries délocalisées, cession de terrain à prix modique, enfin création de zones franches à imposition minimale ou nulle) prouvent, encore aujourd’hui, qu’en plus de ses avantages, l’investisseur étranger attaque les droits syndicaux et porte atteinte à la dignité des ouvriers. Le gouvernement « technocrate » est visiblement engagé dans ce même élan de favoritisme aux investisseurs aux dépens des droits des travailleurs.
Malgré leur état de santé fragile et en constante détérioration, les ouvrières et leur comité de soutien continue la bataille avec une grande détermination. Avec le soutien de leurs collègues d’usine et leurs collègues français (dans la filiale mère), elles ont imposé un énième tour de négociations qui commence vendredi 27 juin avec des représentants du groupe aéronautique Latécoère.
Latelec, filiale du groupe Latécoère fournissuer du géant Airbus et de Dassault aviation, peut se féliciter de la bonne santé financière et industrielle de ce groupe qui affiche un chiffre d’affaires en croissance de 5,5% au titre du premier trimestre 2014.
Si l’on en croit le discours managérial du groupe, “la réussite du groupe est intimement liée à celle des hommes et des femmes qui le composent”, et puisque son “ambition est de répondre aux besoins de (ses) nos collaborateurs”, on pourrait en attendre un comportement plus soucieux du droit d’expression et de revendication de ses “collaborateurs”.
Las, il se montre plus attentif à pourchasser les syndicalistes au mépris des droits syndicaux élémentaires inscrits dans la législation Tunisienne. Il s’avère davantage porté à enfreindre le droit, avec l’assentiment des pouvoirs publics et de la centrale syndicale UGTT, qui croient sauvegarder les emplois par une surenchère de facilités et avantages dignes de républiques bananières, héritage de la dictature qui a livré le pays aux appétits voraces d’entreprises étrangères.
Aucun développement social, économique et culturel ne peut voir le jour dans un tel contexte. Car, un pays qui choisit un tel modèle confie son destin à des choix hasardeux et précaires tout en s’aliénant la confiance de son peuple. Le secteur du tourisme, dans sa crise durable, en présente un exemple édifiant.
Il faut savoir que techniquement comme technologiquement, Latecoere est un sous traitant d’Airbus et d’EADS, eux mêmes sous la houlette des principaux financeurs que sont les états. Si d’apparence ce sont des entreprise dites (privées), il n’est pas étonnant que toute la partie des processus de production à faible valeur ajoutée ai été ramenée d’Europe (particulièrement la France) vers la Tunisie pour gagner en marge, souvent via des accords que même le gérant local ignore. Ce sont des accords d’Etat à Etat. Par ailleurs si ce transfert à lieu c’est à la fois pour des raisons politiques, économiques (pour les deux parties), législation molle voire son absence et bien sûr stratégique. Donc moi je dirai à ces deux dames, au lieu de s’acharner à retrouver leur poste, il vaut mieux rebondir à partir de cet échec pour recréer leur activité, au mieux syndicale. Fonder un organisme d’adhésion syndicale sur une niche bien particulière aux problèmes des travailleurs de la sous-traitance étrangère en s’entourant de personnes du métier et de juristes bien aguerris. Comme cela elle comble à la fois les lacunes de la législation locale et trouve une réelle aura interne comme externe.