Outre la version intégrale (voir ici-bas), voici un résumé vidéo de l’exposé du rapport de Mouna Mtibaa concernant la propriété des médias audiovisuels privés en Tunisie. Exposé ayant eu lieu au sein des locaux de l’association YAKADHA. Le rapport a été introduit et conclu par Kamel Labidi, ancien président de l’Instance indépendante chargée de réformer l’information et la communication (INRIC).

 


Contrairement aux fréquents constats relatifs à cette « nébuleuse bien tunisienne » au sein de laquelle prospèrent nos médias, Mouna Mtibaa a plutôt cherché à être factuelle au sein d’un rapport qui a eu le mérite de présenter un travail d’enquête conséquent. Ledit travail est, il est vrai, très bien documenté. La démarche du chercheur est appréciable, tant les affirmations de l’auteur sont systématiquement sourcées. L’objet de ce papier n’est pas de se prononcer sur le travail de l’auteur, mais de relever les nombreux éléments excipés, démontrant à quel point la situation est préoccupante.

Et l’aspect dramatique n’est pas tant dans l’interminable liste de dysfonctionnements et de violations de la loi pointés par Mtibaa, mais plutôt dans cette nonchalance invraisemblable avec laquelle tout un pays, ses institutions comprises, réagit à ces violations.

Le public d’abord, qui constate puis se complaît dans le « tous pourris !» ; les administrations aux hauts responsables d’une couardise stupéfiante, dès qu’il s’agit de rendre public ce que pourtant la loi prescrit ; les tribunaux terriblement lents lorsqu’il s’agit d’ordonner, sous astreinte, l’accès à des documents, une lenteur tellement dommageable pour l’intérêt général ; la HAICA qui refuse, aussi incroyable que cela puisse paraître, de rendre public ce que la loi prescrit, etc.

En somme, un affligeant cercle vicieux au sein duquel le tout s’imbrique pour faire de la loi une vitrine pour les macaques.

Il y a quelques jours déjà, à l’occasion de l’affaire iWatch/Nessma, nous avons publié un billet d’humeur sur la page Facebook de Nawaat intitulé «Médias et déontologie : Nous sommes tous complices !» où nous écrivions :

N’y voir dans le dernier scandale de Nessma qu’une affaire de plus relevant de la HAICA ou des tribunaux, c’est, encore une fois, se mettre le doigt dans l’œil, comme nous le faisons si bien depuis 50 ans en Tunisie.

Nos médias ne pratiqueront jamais une déontologie autre que celle que nous méritons. Nous avons tous contribué à l’enracinement d’une tradition, aujourd’hui cinquantenaire, qui a fait peu de cas des violations des règles qui régissent le secteur de l’information. C’est cette tradition qui va, entre autres, mouler le degré de tolérance sociale desdites violations de la loi et de l’éthique. Cette même tolérance qui va, à la fois, forger et servir de réceptacle à une certaine pratique de la déontologie journalistique.

Un cadre professionnel sain ne se bâtit pas sur des slogans d’un semblant d’éthique. Il se forge surtout au travers de cette capacité à enraciner une culture populaire qui tend à rendre inacceptables, voire insoutenables, aux yeux de l’opinion publique les violations du droit et de la déontologie. C’est de cette perception sociale de la transgression que dépendra -aussi- l’effectivité du discours éthique, plutôt que des slogans martelés doctement. Ni les Tribunaux ni la HAICA ne seront jamais en mesure de sanctionner, comme il se doit, ce que l’opinion publique tolère. Et elle a trop toléré depuis 50 ans !

Quand cette même opinion publique tolère que ses députés viennent sur des antennes pour s’en prendre scandaleusement à la HAICA, quand des responsables de partis politiques font pareil devant les crachoirs de ces mêmes médias, quand des Borhène Bsais ou des Abir Moussi reviennent pour occuper des temps d’antenne pour s’en prendre aux processus de la transition démocratique –avec toutes ses carences que personne ne nie-, c’est que, indiscutablement, nous sommes, et nous demeurons complices de cet état désastreux de nos médias et de la déontologie qu’ils pratiquent !

Le public observe passivement ou, au mieux, se complaît dans le « tous pourris ». Les médias publics (radios et TV nationales), hormis quelques exceptions, dorment toujours en matière de débats publics sur le devenir de nos médias. La formation universitaire en matière de journalisme est dans un état catastrophique… Et comme si cela ne suffisait pas, il ne reste guère plus que les débats bidonnés en compagnie de démagogues à la Boughaleb et Laamari, servis par la grande prêtresse Belkadhi… quand ce ne sont pas ces « diners de cons » dont parlait si bien T. Mekki.

Quant aux politiques, Il ne faut pas s’attendre à grand-chose, tellement ils sont racoleurs en termes de temps d’antenne, quitte à taper sur la HAICA !

D’où viendra le salut ? Peut-être -encore une fois- de la pression de la société civile. De celle qui « n’a d’autre choix que celui d’être optimiste » quant au changement à opérer. Ce même optimisme éloquemment formulé par mon ami Larbi Chouikha :



 

Version intégrale de l’exposé.