Hélène Flautre

Présidente de la sous-commission des droits de l’Homme

Bruxelles, le 02 septembre 2005

A l’attention de Madame Rudi Ubeda

Présidente de la Délégation Maghreb

Madame la Présidente,

Chère Madame Rudi Ubeda,

Dans le cadre de notre prochaine visite de la délégation Maghreb en Tunisie (14-18 septembre 2005), je souhaiterais, en ma qualité de Présidente de la sous commission des droits de l’homme, attirer votre attention ainsi que celle des membres de la délégation sur plusieurs situations particulièrement préoccupantes en terme de droits de l’homme relayés par des organisations internationales tels que la Fédération Internationale des Droits de l’homme et Reporters sans frontières.

Il s’agit du cas de l’avocat tunisien et défenseur des droits de l’homme Mohamed Abbou condamné, en mars dernier, à une peine de trois ans et demi de prison pour avoir critiqué son pays sur Internet. Cette peine a été confirmée en appel en juin dernier sans que ni lui ni ses avocats n’aient pu répondre des accusations dont il est l’objet, à savoir la publication de fausses informations sur Internet et une prétendue agression sur l’une de ses consoeurs. L’avocat mandaté par Reporters sans frontières a déclaré à la sortie de l’audience que les “droits élémentaires de la défense n’avaient pas été respectés”. Pour protester contre ce procès jugé inéquitable et contre cette condamnation injuste, Mohamed Abbou, sa famille et ses avocats ont entamé une grève de la faim de plusieurs jours suite à la confirmation de sa peine en appel. Reporters sans frontières a écrit début août au Ministre tunisien de la Justice et des Droits de l’homme pour lui faire part de ses plus vives préoccupations quand à l’état de santé de Maître Abbou. Cette lettre est restée sans réponse à ce jour.

Par ailleurs, la situation des “Internautes de Zarzis” condamnés en juillet 2004 à de lourdes peines de prison (entre 19 et 26 ans) continue d’inquiéter les organisations internationales. Pour rappel, ces jeunes garçons originaires de la ville Zarzis dont le seul crime a été de s’envoyer des e-mails et de se rencontrer sur Internet, ont été notamment accusés de fomenter des attentats terroristes en utilisant le net comme moyen de communication. De nombreuses irrégularités de procédures avaient été relevées notamment par l’observatrice judiciaire co-mandatée par la FIDH, le réseau euro-méditerranéen des droits de l’homme (REMDH) et Avocats sans frontières faisant clairement douter de la véracité des faits reprochés. La FIDH avait considérée que l’inobservation des normes internationales relatives au droit à un procès équitable avait été d’une gravité telle que la détention des internautes était de nature arbitraire. L’organisation des droits de l’homme a d’ailleurs saisie le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire suite à la confirmation des peines d’emprisonnement. J’ai été en contact dernièrement avec une des mères des internautes ainsi qu’avec un de leurs avocats qui m’ont fait part de leurs inquiétudes vis-à-vis de leurs mauvaises conditions de détention ainsi que leur état physique et psychique. La plupart de ces jeunes gens sont incarcérés à Tunis.

Lors de l’audition en sous-commission des droits de l’homme de Madame Jilani, Représentante du Secrétaire général de l’ONU sur les Défenseurs des droits de l’homme, la situation des défenseurs des droits de l’homme tunisiens avait notamment été abordée. Les cas de Maître Abbou et des internautes de Zarzis avaient d’ailleurs été soulevés à cette occasion.
Enfin, je me permets de vous rappeler que la Tunisie sera cet automne le pays hôte du Sommet mondial de l’ONU sur la société de l’information. Les organisations internationales des droits de l’homme ont publié d’ailleurs à cet effet de nombreux communiqués de presse soulignant le fait que ce sommet se tiendrait dans un pays où le simple droit à l’information n’existe pas.

Il me paraît, par conséquent, important que notre délégation puisse transmettre ses plus vives inquiétudes quant à la situation de ces personnes auprès de nos homologues tunisiens et que nous demandions aux autorités tunisiennes l’autorisation de rencontrer ces personnes en prison ; notamment en application des lignes directrices de l’UE pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, pour ce qui concerne le cas de Maître Abbou. Je pense qu’il est de notre devoir de parlementaires de soutenir quand cela est possible les valeurs universelles des droits de l’homme auxquelles nous sommes tous profondément attachés au sein de notre Institution.

Très cordialement,

Hélène Flautre