Je viens de m’entretenir avec une personne faisant partie du personnel du CHU de Sfax. Cette personne m’a relaté une histoire qui s’est déroulée le 22 février alors qu’il était en service.
Vers 2 heures du matin, deux policiers, un en uniforme et l’autre en civil, débarquent dans le service des urgences de l’hôpital en transportant un jeune homme évanoui et présentant, sur tout le corps, des blessures visibles. Le policier, qui, selon le témoin, été très nerveux, demande à voir un médecin en urgence. Le médecin de garde du service des urgences, découvre alors un jeune homme d’une trentaine d’année portant des vêtements à moitié déchirés et maculés de sang et dont la tête, notamment le cuire chevelu, et le visage, présentaient plusieurs blessures et contusions.
Selon le témoignage de mon interlocuteur, toutes les personnes présentes étaient horrifiées par le spectacle quand le médecin a hotté les vêtements du jeune homme. En plus des bleus qui lui couvraient une bonne partie du corps, toute la partie du bas du dos présentait des blessures profondes et des plaies ouvertes au niveau de l’anus et du bas de l’abdomen. Le médecin constate avec frayeur les dégâts sur le conduit anal du patient mais également, les lésions internes qui affectent le rectum et le côlon. Le médecin de garde envisage immédiatement le recours à la chirurgie mais doit attendre le lendemain pour pouvoir le faire. En effet, pour éviter les complications pour une opération aussi délicate, le patient devait être à jeun. Il s’emploie alors à soigner les blessures de la tête et du haut du corps et ordonne ensuite le transfert immédiat de la victime au bloc opératoire.
L’équipe du matin prend ensuite le patient en charge et le Professeur Mohamed Ben Amor, chef du service chirurgie du CHU de Sfax, pratique alors une « colostomie », une opération qui consiste à relier le gros intestin à la paroi de l’abdomen pour permettre ensuite de le relier à un système d’évacuation des selles en replacement du conduit anal. Il tente de réparer les blessures causées ailleurs sur le système digestif et constates des dégâts tels, que certains seront « certainement irréversibles ». Selon le médecin qui c’est confié à son équipe : « les dégâts causées sur le conduit anal et sur l’anus sont tellement considérables, que je ne sais pas si une « anastomose » est encore possible (opération consistant à rétablir la continuité de l’intestin)…de toute façon l’opération n’est envisageable qu’après la cicatrisation des blessures et cela, à mon avis ne sera pas possible avant plusieurs mois… ». En attendant le patient est pour l’instant à l’hôpital sous surveillance médicale, mais sa vie, toujours selon l’avis du médecin, « n’est plus en danger ». Le médecin de garde a, quant à lui, estimé que « le fait que ce jeune homme nous est arrivé en vie à l’hôpital est un miracle en soit, tant les blessures étaient sérieuses ».
Mais alors qu’est il arrivé à ce jeune homme ? La question a déjà été posée par le médecin qui avait reçu les deux policiers transportant la victime, ou plutôt à l’un deux, puisque le policier en civil s’est éclipsé à l’instant même où le personnel médicale avaient récupérés le patient. D’abord se refusant à tout commentaires et visiblement nerveux et exaspéré par les questions du médecin, le policier fini par déclarer : « mes collègues avaient été appelés à intervenir sur une bagarre qui avait dégénéré. Arrivés sur les lieus, ils ont du faire appel à la force pour séparer les jeunes qui se battaient violemment. Ils se sont alors, une fois l’intervention achevée, rendu compte des blessures de ce jeune homme ». Le médecin insiste alors sur le fait que dès que la victime avait repris conscience, elle n’avait de cesse de crier que se sont les policiers qui l’avaient mis dans cet état, après l’avoir « passer à tabac ». Le policier avoue alors qu’ils (ses collègues) n’étaient pas vraiment sur de ce qui c’est passé » en rajoutant qu’ils ne savaient pas « qui a frappé qui » !
Toujours selon mon interlocuteur, visiblement choqué et ému par ce qu’il avait vu, « la cause de cette blessure au niveau du conduit anal n’est pas du à l’insertion d’un objet comme on le pensait au départ surtout qu’on avait déjà vu dans nos services des victimes de ce genre de sévices. En se basant sur les déclarations du policier et la nature des blessures engendrées, il semblerait que cela aurait été causé par plusieurs coups de pieds violents avec la pointe de la chaussure au niveau du postérieur et du bas du ventre de la victime ». Quant aux déclarations du policier il n’y croit pas un mot : « l’attitude du policier est suspecte. Bien que je ne pense pas qu’il soit l’auteur de cette agression, il savait très bien ce qui s’était passé et il essayait visiblement de couvrir cette bavure.»
Pour le moment, personne ne sait avec certitude pour quel motif ce jeune homme aurait été torturé, ni dans quelles circonstances cela aurait été fait. Ce qui est sur c’est qu’il n’était pas en détention ou en garde à vu au moment des faits. Je n’ai pas non plus d’information sur son identité. Sur les policiers tout ce que je peux dire aujourd’hui c’est que le policier en uniforme est un quinquagénaire de grande taille aux cheveux poivre et sel faisant partie de la police locale.
Les auteurs de cette abominable agression. Seront-ils un jour inquiétés pour leurs actes ? Rien ne nous laisse aujourd’hui l’espérer à part la volonté du médecin de « faire un rapport à ses supérieurs hiérarchiques » et son engagement de témoigner dans le cas ou la victime souhaiterait porter plainte.
Mais pour cela, faut-il que la victime porte plainte et que la justice tunisienne, dont chacun connaît la passivité devant de telles affaires, en tienne compte.
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