Ils fondent l’OIDET, tandis que l’opposition en Tunisie demeure désunie
A Genève, les 20 et 21 juin derniers, les exilés politiques tunisiens ont fondé l’OIDET, une organisation internationale revendiquant collectivement leur « droit au retour » dans leur pays. Invités à ce congrès constitutif, les associations de défense des libertés et les partis d’opposition en Tunisie sont, de leur côté, repartis comme ils étaient venus, autrement dit en rangs désunis face à la reconduction plébiscitaire programmée du président Ben Ali à l’automne prochain.
Par Wicem Souissi
Une centaine d’exilés politiques tunisiens, réunis en congrès les 20 et 21 juin dans la capitale helvétique, dont le maire Rémy Pagani les a assurés de sa solidarité, ont fondé l’Organisation internationale des exilés tunisiens (OIDET). Revendiquant un « droit au retour » sans conditions ni marchandages, cette initiative collective entend rompre avec les défections individuelles successives qui ont affecté les opposants en exil consécutivement à une politique de « pardons » activement menée par le pouvoir ces dernières années et au succès se traduisant parfois par de spectaculaires retournements de veste : le cas le plus emblématique est celui du philosophe Mezri Haddad, passé d’une critique d’une rare virulence, notamment dans les colonnes « Rebonds » du quotidien Libération dans les années 1990, à un soutien indéfectible au président Ben Ali depuis le tournant du siècle.
Les congressistes réunis en Suisse, et qui sont en majorité islamistes, comptent aussi en leur sein des militants de gauche, également touchés par la répression qui avait contraint nombre de ses victimes à demander l’asile à l’étranger, principalement depuis le procès contre la mouvance intégriste en 1991. Entouré d’un bureau de six membres élus, Noureddine Khatrouchi, 43 ans, à l’origine de la fondation de cette organisation, a recueilli les trois quarts des voix lors d’un scrutin uninominal le désignant directement président de cet organisme pour un mandat de deux ans. Le nombre d’exilés politiques est évalué à deux ou trois milles personnes, familles comprises, vivant sur les cinq continents. S’inscrivant dans le cadre des législations internationales en la matière, leur action repose aussi sur la Constitution tunisienne dont l’article 11 stipule qu’« aucun citoyen ne peut être banni du territoire national ni empêché d’y retourner ».
Sourdes divergences des opposants sur l’élection présidentielle d’octobre 2009
Parallèlement à cet événement, membres invités à ce congrès constitutif, des figures principales de l’opposition se sont réunies à huis clos, en marge des débats entre congressistes auxquels ils avaient auparavant témoigné leur soutien solidaire. Tranchant avec la transparence du congrès des exilés, cette réunion en catimini s’est conclue par un communiqué traduisant un plus petit dénominateur commun : un consensus mou sur leur opposition au régime. En fait, l’opacité entourant leur rencontre s’explique par des divergences de stratégie quant à la position à adopter face au cinquième plébiscite annoncé du président Ben Ali en octobre prochain. Boycott ou participation ? Appuyée par le leader islamiste Rached Ghannouchi, chef du mouvement Ennahdha, exilé à Londres, l’opposition frontale prônée par Moncef Marzouki, président du Congrès pour la République (CPR), vivant pour sa part en France, est néanmoins isolée. Le Parti démocrate progressiste (PDP) de Négib Chebbi, candidat déclaré à l’élection présidentielle d’octobre 2009, et représenté à Genève par Ahmed Bouazzi, entend préserver son autonomie et refuse de boycotter d’ores et déjà ce scrutin, sans exclure de le faire au regard des conditions électorales, selon qu’elles seront transparentes ou au contraire verrouillées comme à l’accoutumée. Représenté par l’avocat Ayachi Hammami, adoptant une démarche résolument consensuelle, le Collectif du 18 octobre 2005 pour les Droits et les Libertés, groupe issu d’une célèbre grève de la faim dans la capitale tunisienne, est de son côté affaibli par le retrait de ses anciennes locomotives politiques, comme Mustapha Ben Jaâfar. Absents de Genève, la formation de ce dernier, le Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL), et le parti Ettajdid (ex-communiste) concourent pour leur part en présentant des candidats concurrents du président Ben Ali dans une reconduction plébiscitaire jouée d’avance.
Source : par Wicem Souissi, Afrik.com, samedi 27 juin 2009.
Paru: le 24-06-2009
http://elkhadra.over-blog.com/article-33039079.html
Le CNLT est gravement préoccupé par l’escalade de la violence qui cible les défenseurs de droits humains en Tunisie:Aujourd’hui 23 juin 2009, trois avocats, éminents défenseurs de droits humains, dont deux anciens membres du Conseil de l’ordre des avocats ont été violemment agressés par les agents des services de sécurité à leur retour de l’étranger.Maître Radia Nasraoui, présidente de l’Association de lutte contre la torture en Tunisie, ainsi que maître Raouf Ayadi, ancien Secrétaire général du CNLT, de retour de Genève, ont été accueillis à l’aéroport de Tunis-Carthage par un nombre inhabituel de policiers en civil qui les attendaient après le filtre de police. Un douanier a demandé à Raouf Ayadi de le suivre dans un bureau pour une fouille corporelle; devant son refus, et alors qu’il demandait que lui soit précisée la justification légale d’une telle mesure, quatre agents de police en civil se sont jetés sur lui, l’ont plaqué à terre en le battant et déchirant ses vêtements devant tous les voyageurs, puis, l’ont soulevé par les bras et les jambes et l’ont conduit dans une pièce isolée où ils l’ont enfermé, battu en le maintenant à terre et fouillé sous une pluie d’insultes; Au même moment, Radia Nasraoui qui était juste derrière lui et qui a assisté à la scène, avait appelé son mari, Hamma Hammami, qui l’attendait dans la zone d’arrivée; c’est alors qu’un agent parmi les policiers lui tord le bras pour l’empêcher de poursuivre sa conversation téléphonique lui faisant tomber son mobile; elle est elle même poussée à terre, son ordinateur portable jeté à plusieurs mètres plus loin ; les agents se saisissent d’elle et la traînent jusqu’au bureau où elle est fouillée. Maître Nasraoui souffre de contusions au bras droit.A leur sortie de la zone de contrôle, ils ont de nouveau été copieusement insultés par les agents de la sécurité d’Etat qui les suivaient de près; Hamma Hammami, porte parole du PCOT qui protestait contre ce qui venait d’arriver, est lui même violemment bousculé; tandis qu’un autre policier se jette sur Raouf Ayadi et lui donne un violent coup de pied, lui provoquant une entaille au genou. Au même moment, dans un autre aéroport à Sfax (2e ville du pays), Me Abdelwahab Maatar qui revenait de Paris le même jour à été retenu durant plus de deux heures à l’aéroport de Sfax à la suite de son refus de subir la fouille corporelle. Il a eu droit à un traitement similaire à celui subi par maîtres Ayadi et Nasraoui ; un des agents de la police politique l’a frappé au visage et cassé ses lunettes. Rappelons que nombre de dissidents et défenseurs de droits humains sont sujets à cette mesure vexatoire appelée “zero six” (06), du nom de la nomenclature qui apparaît sur le fichier informatisé central de la police et qui consiste à soumettre la personne visée à une fouille corporelle humiliante et à une fouille systématique des bagages, avec confiscation de documents et livres à chaque entrée ou sortie du territoire. Il s’agit là d’un détournement d’une procédure exceptionnelle ciblant des personnes suspectées d’entorses à la réglementation douanière ; Son usage permanent contre des personnes déterminées ne peut avoir de justification et relève de l’arbitraire. Elle est depuis des années devenue une mesure vexatoire visant à intimider les défenseurs et les humilier. Nombre de défenseurs refusent de se soumettre à cette mesure punitive. Le CNLT• Condamne avec la plus grande fermeté cette grave agression sur la personne d’éminentes figures du combat pour les droits humains en Tunisie et assure maîtres Radia Nasraoui, Raouf Ayadi et Abdelwahab Maatar de leur entière solidarité.• Exige qu’une enquête soit ouverte contre les auteurs de ces agressions et leurs commanditaires et qu’ils soient traduits en justice.• Exige que le recours à la mesure vexatoire “zero six” contre les défenseurs de droits humains soit abolie.• Rappelle à l’Etat tunisien ses engagements internationaux et notamment son devoir de protéger les défenseurs de droits humains contre tout arbitraire ou intimidation. Pour le Conseil La porte parole Sihem Bensedrine