Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.
Taoufik Ben Brik (AFP)

J’ai lu, avec effarement et colère votre dernier pamphlet sur le Nouvel Obs. N’étant pas spécialement adepte de votre style, ou de son absence, je m’intéresse néanmoins aux personnes prétendant présider à nos destinées ce qui semble être votre intention. J’ai toujours eu du respect pour votre courage, assisté à des manifestations de soutien pour exiger votre libération, mais je dois avouer qu’en lisant le ramassis de termes orduriers et outrageants que vous nous avez servis hier, je me suis dit « quel gâchis, quel mépris !!! ».

Ainsi, autoproclamé « Prophète de la Révolution », vous vous livrez à une sévère critique du Premier Ministre et du Gouvernement. Que dénoncez-vous ? L’immobilisme sécuritaire, le chaos total dans lequel le pays est plongé, les promesses plus que douteuses faites aux manifestants ? Non. Rien de tout cela, vous préférez vous adonner à une pratique nauséabonde, lâche et d’un niveau extrêmement bas : attaquer la personne du Premier Ministre. Peut-être pensez vous qu’en décrivant ses rides, son pyjama, vous alliez résoudre la grave crise humanitaire que traverse le pays. Votre description de sa maison, basée sur des ouï-dire, cachait-elle subtilement une solution pour ces jeunes qui ont fait la révolution et qui se retrouvent encore une fois chômeurs, contraints d’attendre que l’on serve en priorité les pauvres cadres qui n’ont pas été augmentés depuis deux ans ? L’action de Ghannouchi est-elle tellement parfaite que pour le critiquer, vous n’avez trouvé d’autres moyens que de vous attaquer à sa personne et à sa famille ?

Vous me direz, une personne publique doit s’attendre à ce genre d’attaque. Vous portez peut-être la parole du peuple. Vous rappelez, avec fierté être originaire des régions de l’intérieur, cette origine vous donnant, de facto, le droit de parler au nom des révolutionnaires. Mais là où le bât blesse, c’est quand, non content d’avoir passé en revue les membres du gouvernement en leur servant des paroles d’une vulgarité dont vous seul avez le secret, vous vous permettez d’insulter ces personnes en les stigmatisant et en les affublant de clichés aussi minables qu’insultants : ainsi, la « bonne » de Ghannouchi serait de Kasserine et « l’odeur des aisselles des jeunes de Kasserine, de Tala ou de Sidi Bouzid » donneraient la nausée à Ghannouchi. Quel respect pour ces héros !!! Quelle considération pour les martyrs !!! Je pense que vos geôliers vous ont transmis le respect de la vie et de la dignité humaine et qu’ils vous manquent tellement que vous faites tout votre possible pour les retrouver, car rappelons-le, ces paroles sont passibles de prison, aussi bien chez Sarko que chez Chichi.

Monsieur, vous-vous réclamez de Montaigne et de la Boétie, les avez-vous seulement lus ? Et si oui, étiez-vous sobre ?

Le fait d’avoir combattu avec acharnement Ben Ali et d’avoir payé le prix fort pour ce militantisme sincère vous honore. Vous êtes un authentique opposant, votre courage et votre témérité ne sont plus à démontrer. Mais, force est de constater que ce genre d’écrits méprisants vous met au même niveau que ces opportunistes qui se sont fait opposants et chantres de la démocratie et des droits de l’Homme après la chute de ZABA.

La lecture de ce pamphlet m’a rappelé les sordides articles de presses de bas étage sous l’ancien régime où des pseudos-journalistes, n’ayant comme talent qu’une vulgarité à toute épreuve, portaient atteinte à l’honneur d’une des femmes les plus respectables de Tunisie, Mme Sihem Ben Sedrine. Elle, au moins, a su garder sa dignité avant et après la chute du dictateur. A méditer…

PS: Ce droit de réponse m’a été refusé par le Nouvel Observateur et je suis toujours en attente d’une réponse d’un quotidien francophone tunisien.