Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.
Ahmed Mestiri

Aujourd’hui, le gouvernement vient de faire une faute grave, une faute très grave.

Aujourd’hui plus que jamais, le temps n’est plus à la réflexion angélique, le temps est à la rupture. La rupture avec les réflexes d’un temps révolu, d’un temps où celui qui trône sur la casbah a toujours raison, d’un temps où celui qui tient la matraque a le droit de faire peur à un peuple opprimé, un peuple martyrisé, un peuple dont le droit le plus fondamental qu’est l’expression de sa souveraineté est bafoué.

Nous étions conscients que la lutte pour notre liberté et notre dignité venait juste de commencer un certain 14 Janvier et que nous aurons à faire face aux vrais sacrifices dans les prochains mois, mais voilà que nos démons du passé ressurgissent, que ceux qui se sont autoproclamés comme uniques constructeurs de l’avenir ont sonné l’arrêt de la récréation et nous sortent encore une fois le chantage de la matraque.

Nous avons appris des erreurs du passé, nous avons appris de nos anciens que l’on ne peut faire confiance aux chambellans des dictateurs pour nous donner la démocratie, nous avons appris que la liberté ne se donnait pas mais qu’elle se prenait, parfois, toujours, par le don du sang. Nous avons appris de ne plus jamais donner des chèques en blanc.

Le peuple Tunisien, depuis qu’il est tunisien, et même avant, a toujours fait preuve de tolérance, de pragmatisme, de patience, mais ce n’est pas pour autant un peuple naïf. Si ce peuple s’est tu pendant si longtemps, c’est tout simplement parce qu’il pense à l’utilité de chaque goutte de sang versée pour une noble cause. Nous ne sommes pas des enragés, nous n’avons jamais été des jusqu’au-boutistes, mais aujourd’hui l’heure est grave, notre révolution est prise dans l’étau des cabinets noirs, notre révolution est menacée.

Ahmed Mestiri a su dire non à Bourguiba, mais surtout à des chiens enragés qui n’acceptaient pas que leur mainmise sur le pays puisse passer par les urnes. Ahmed Mestiri a su convaincre et a gagné, mais les chiens du sérail ne lâchent pas facilement. Quand ces chiens se sont sentis menacés, ils font appel au même Mestiri qui rend toute initiative démocratique crédible, il a su convaincre et a gagné, mais les chiens du sérail ne lâchent pas facilement. Quand le nouveau brigadier tente de se rendre crédible par les urnes, il fait encore une fois appel au même Mestiri, cet homme accepte encore une fois, en compagnie d’autres hommes valeureux, de faire épargner au pays un bain de sang, mais les chiens du sérail ne lâchent pas facilement. Et voilà que nous sommes en 2011, voilà que nous avons perdu plus de 40 ans de notre vie et nous sommes toujours au même point.

Mais cette fois, plus que jamais, nous n’accepterons plus les chantages du sérail, nous n’accepterons plus les menaces des donneurs de leçon, nous n’accepterons plus de déléguer aux anciens tortionnaires et aux suppôts des anciens tortionnaires le droit de s’approprier unilatéralement de la chose publique.

Citoyens nous sommes, et nous avons bien l’intention de le faire savoir au monde entier. Citoyens nous sommes et nous avons aussi bien le droit que n’importe qui de sauver notre révolution.

A l’état actuel des choses, la sacralité des textes tunisiens tient uniquement à la moralité de ceux qui les détiennent. Nos institutions ne sont pas encore au niveau des attentes du peuple et tiennent uniquement à l’intuitu personae de celui qui en est provisoirement garant. Nous n’accepterons donc pas de nous taire sous prétexte de légitimité. Il n’y aucune légitimité quand ceux qui nous gouvernent nous sont imposés par la force des choses. Nous accueillons ainsi avec toute la bienveillance du monde l’idée d’un conseil de sauvegarde de la révolution.

Légitimité vous dites ? Je vous réponds que dans ces temps de la traitrise, du complot, ces temps de la honte, la légitimité est à celui qui a souffert, celui qui a donné sa liberté pour la notre, celui qui a sacrifié sa vie pour la notre, la légitimité est à celui qui reste vigilant et honnête politiquement.

Le message de Mestiri est clair, plus de confiance aveugle, plus d’angélisme et plus de chèque en blanc.

Devant l’impossibilité d’une transparence poussée à l’extrême de cette chose horrible qu’est le gouvernement de transition, nous avons besoin d’un contre pouvoir. Si vous ne voulez pas d’un gouvernement de la rue, il faut accepter une structure de vigilance, une structure, qui, s’il est vrai n’arrivera jamais à représenter tout un peuple, parviendra tout de même à le représenter davantage durant cette phase décisive.

La révolution ne se fait pas tous les jours et je ne veux risquer de voir son idéal s’évaporer par cette chose de transition qui n’a pas été capable d’annoncer sa feuille de route. Et nous ne lâcherons pas, nous n’allons pas nous résigner encore une fois.

Si demain, la force démocrate m’appelle pour manifester le droit pour un conseil de sauvegarde de la révolution, je serai au premier rang.

Le blog de Mohamed Madhkour