Par Ilyes Saanouni,

En démocratie, la politique est l’art de supprimer les mécontentements.
En dictature, la politique est l’art de supprimer les mécontents.
En démocratie frelatée, la politique est l’art de sauver les méchants …

(Citation de Latzarus enrichie par Faouzi Mahbouli et complétée par mes soins)

Mercredi 18 Mai 2011. 13h. Je déjeune avec une charmante amie aux Fontaines et elle me raconte son 14 Janvier. Elle est inquiète pour la Tunisie. J’essaie de la calmer, de partager mon indéfectible optimisme sur ce sujet. Quelques heures auparavant j’étais au Consulat général de la Tunisie à Paris d’où je ressortais agréablement surpris par la sympathie dont font désormais preuve les fonctionnaires tunisiens sur place. A ce moment-là tout va pour le mieux, on en est pas encore au report des élections, les thuriféraires du régime de Ben Ali sont à la caserne militaire, les messages d’espoirs affluent de partout. Tout va pour le mieux.

Jeudi 11 Août 2011, Quoi de neuf docteur ? : Ennadha brille de milles feux, des traitres essaient de réduire à néant les efforts réalisés pour promouvoir ces élections du 23 Octobre et les anciens affreux et affreuses (à commencer par la disgracieuse et colérique Saïda Agrebi) jouissent d’une liberté injustifiée.
Chapeau.

Le gouvernement est illégitime, certes, mais ce n’est pas en prônant un anarchisme à deux dinars que le schmilblick avancera. Après 23 ans d’une dictature clownesque, faire du chichi pour 7 mois de plus ou de moins n’est pas d’une pertinence transcendante, surtout si ce délai permet d’embrayer la transition démocratique.
Sérieusement, les péquenots en question veulent quoi ? Un référendum pour savoir s’il faut revoir cette constitution ?
De la perte de temps et d’argent. Et quand, comme la Tunisie, les caisses de l’Etat ne débordent pas vraiment, un dinar dépensé doit être un dinar utile – ne serait-ce que pour essayer de soutirer à Standard & Poor’s une note un peu plus flatteuse que le BBB- qui nous a été dernièrement attribué …

Mesdames, bientôt vous serez cocues avec la bénédiction d’Allah !

Qui dit gouvernement illégitime dit ici, fatalement, gouvernement incompétent. Je ne veux pas revenir sur l’épisode minable de la fuite en toute légalité de la grosse Saïda mais sur les conséquences, bien plus dramatiques que de laisser un tas de graisse en furie effrayer les passants des rues parisiennes. Quand on ne croit plus en rien, on a deux solutions : le suicide ou la religion. Les mauves, idiots jusqu’aux bouts des ongles des pieds, ont réussi à détruire d’un revers les efforts déployés par Ben Ali pendant 23 ans pour lutter contre l’islamisme. Excellent ! Maintenant, les barbus prospèrent dans un océan de bêtises et d’idioties et proposent de réintégrer la polygamie dans la future Constitution. Un bras d’honneur à l’Histoire. RCD, Ennadha, même combat.

Les femmes apprécieront.

Pour ma part, 4 fois plus d’occasion de faire la bamboula… ça n’a pas de prix. Merci Ennadha ! Désormais, nous ne serons plus obligé de nous marier par amour !

Un jour, la Tunisie sera une vraie puissance émergente mais pas demain ! Aujourd’hui, y’a censure…

La dernière fois que j’ai entendu quelqu’un phraser au sujet de la censure sur Internet, c’était en décembre 2010 et c’était la girouette des Ben Ali, en la personne de Mezri Haddad, qui justifiait le bienfondé de la censure sur la toile tunisienne. Je tiens à noter une petite incohérence avec les objectifs de Ben Ali à l’époque qui voulait que son pays soit pionnier dans l’économie de la connaissance… mais enfin, avec les girouettes on n’est pas à une incohérence près “n’est ce pas ?” ! En tout cas, je considérais, avec la fin de la censure sur le Net, que la Tunisie avait fait un pas de géant vers l’exploitation des connaissances et des immenses potentialités d’Internet. Mais comme on peut assimiler la finesse de la prise de décision des nahdaouis à celles des mauves, je pense que nul n’a été surpris par le retour de la censure des sites pornographiques sous l’impulsion des avocats barbus. Haha ! Brillante idée !

[Pause “j’étale ma culture”] : l’ancien préparationnaire que je suis se trouva, un jour de Novembre 2009, à la Fnac devant cette bible qu’est Sexe, drogues et économie . La plume est agréable, on rigole franchement sur certains passages et on trouve surtout des études aux conclusions surprenantes pour faire la nique à ceux qui veulent la fin des sites pornographiques dans le monde Arabe – c’est bien connu, le sexe, c’est “haram”.

L’étude, conduite par Todd Kendall (économiste américain), montrait qu’il y avait lieu d’établir une corrélation entre le développement de l’accès à Internet et la baisse (spectaculaire) du nombre de viols – et on sait tous qu’Internet, quand on grandit dans un pays où les “bonnes à marier” doivent être vierges comme Marie, c’est très utile pour apprendre “ça”.

Je ne sais pas pour vous, mais je suis d’avis qu’il vaut mieux des enfants qui apprennent la vie sur le Net que des DSK en puissance… (et des futures Nafissatou qui pourrait être la fille de votre voisin).

Le terreau pour enfanter des nostalgiques de Ben Ali (ou des nihilistes confirmés) est prêt

Je crains que la stabilité chancelante, les clowneries des partis qui bénéficient d’une couverture médiatique importante et le sentiment naissant que la révolution a été volée aux Tunisiens ne fassent naître, chez certains, une nostalgie de l’ère de Ben Ali.

Concrètement, sous Ben Ali, on avait peur mais on avait un peu d’espoir (surtout nous, les geeks qui étions ravis d’être censurés et qui refaisions le monde – et la nique aux ingénieurs de l’ATI en passant) et « sous Ben Ali, au moins, on avait pas peur de mettre des bikinis sur la plage. » En gros on n’avait pas la liberté de penser mais on avait celle de se rincer l’œil … c’est pourtant pas difficile de tendre vers les deux données….

Enfin, j’ai senti que le monde allait s’écrouler dernièrement quand je suis allé voir, par curiosité, la page fan de Rached Ghannouchi : 145 000 fans en 6 mois seulement !

Ben Ali en comptait 225000 à la fin du mois de décembre 2010.

Y’a quelque chose de mimétique dans tout ça … puis la Tunisie ne trouvera pas son salut dans l’islamisme.

Quelque soit votre avis, je ne m’excuse pas de ne pas être rassuré par les attaques des islamistes qui s’en prenne à l’art et à la culture. Provocation ou pas provocation, je lisais hier dans les couloirs du métro une citation de Pompidou : « L’art doit discuter, doit contester, doit protester».

Ah mais pardon ! Tout un monde sépare Pompidou du maléfique couple Ghannouchi/Mourou.

Passer de Ben Ali à Ghannouchi, c’est aller de Charybde en Scylla.

Enfin, je dis ça, je ne dis rien …