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Cette lettre ouverte au président, m’a été transmise  par Saddam Ben Youssef, un étudiant en Licence de lettres françaises à la Faculté des lettres de la Manouba :


J’accuse,

Lettre au président de la république tunisienne Docteur Mohamed Moncef Marzouki

Me permettez-vous de vous écrire dans la langue de Voltaire ? Vous écrire en français, langue menacée, non pas en tant que symbole d’un état étranger ancien colonisateur  , mais le français en tant que signe linguistique qui permettra à l’humain d’ouvrir ses fenêtres pour tous les vents du monde, sans qu’ils l’arrachent de ses racines.

En parlant de racines j’aime bien le burnous mais j’aurais aimé que vous encourageassiez le « safsari » car il est beaucoup plus lumineux que le niqab ce phénomène extraterrestre fruit pourri d’un esprit désuet, dégradé, obscurantiste voire déshumanisé.

Je vous écris monsieur le président pour vous dire que :

J’accuse Monsieur Hbib Kazdagli, doyen de la faculté des lettres de la Manouba qui pensait qu’en arrêtant les cours il gagnerait le bras de fer contre cette bande de salafistes extrémistes.

J’accuse Monsieur Chokri el Mabkhout, recteur de l’Université de la Manouba qui n’a pas dénoncé jusque là le recul et le relâchement des forces de l’ordre.

J’accuse ces jeunes gens qui croient au retour du Khalife comme un gamin, à celui du père noël. Ces jeunes gens qui méprisent El Chabbi car ils méprisent la Poésie car ils haïssent la Vie. Ces jeunes gens je les accuse tous sans exception, filles Mounaqabet et hommes barbus, pour la déception extraordinaire qu’ils ont provoquée.

Vous avez déçu cette ère assourdissante qu’ils ont nommée Révolution. Vous avez déçu le sourire du martyr, ce dormeur du val pour qui la patrie, c’est boire le café de sa mère le soir. Vous avez brisé barbarement le mythe de l’exception tunisienne, terre de tolérance, qui rythmait depuis l’indépendance voire avant,  son ouverture selon la bonté de ses habitants.

Je vous accuse chers frères et sœurs car vous m’avez privé de mes cours pendant deux semaines. Deux semaines de méditation sur la condition humaine, sur la société carthaginoise. Des pauvres et des riches, une gauche éparpillée et une droite frustrée, une masturbation idéologique et une pénétration identitaire, un pluralisme caricatural et un autisme politique. Ou allons nous exactement ? vers l’Epître du pardon ? celle d’El Maari ? ou des mouvements islamistes qui se veulent l’ombre de Dieu sur terre…

J’accuse ainsi le parti Ennahdha qui est en train de jouir de son pèlerinage gouvernemental et n’a pas encore assumé son rôle de dirigeant encadreur des mauvaises situations.

Et je me demande, si c’est ça la renaissance, que serait la chute ? !

J’accuse également les membres de l’Assemblée nationale constituante qui ont transformé la patrie en un feuilleton morbide et insupportable dont nous suivons les épisodes sur la télé. Comment nous allons te voir chère Tunisie si jamais ils coupent l’électricité? Oui voir est un don mais tout voir est un cauchemar ! Ces membres ou ces apôtres qui n’ont pas eu le courage de défendre le modernisme dont la seule incarnation est l’Université qui demeure violée, marginalisée et écartée du paysage politique général.

Je pense avant de passer à la dernière accusation que cet état de siège va se prolonger jusqu’à ce qu’on apprenne l’Autre, des modèles de notre poésie El chebbi, Mnawer smadeh, Moustfa Khraief, Ali Duaagi, Adem fethi, Moncef el whaybi, Awled Ahmed, Kamel Bouagila …
Enfin je vous accuse vous, Monsieur le Président de la République, chef de l’état ,commandant suprême des forces armées, représentant officiel de la révolution, défenseur des droits de l’homme, intellectuel, philosophe et surtout neurologue. Il est temps que vous soigniez vos patients qui sont aujourd’hui une trentaine mais qui souffrent hélas d’une maladie contagieuse : l’intégrisme.

Je vous accuse car vous oubliez « qu’en ouvrant des écoles, vous fermerez des prisons ».

J’ai raté votre excellence des cours sur Rabelais et son humanisme profond, sur Stendhal et sa remise en question du fonctionnement clérical politisé, sur Senghor et la gloire de son Afrique perdue, plus de Kayamagan premier fondateur du continent noir, plus de Reine de Saba avec l’invention du Niqab ! Des cours de grammaire textuelle : comment on passe, en littérature  du texte slogan au texte vision, comment l’auteur tisse son style…

Actuellement cet auteur c’est vous, alors prenez la peine s’il vous plaît de nous écrire un bon récit car on en a marre !

A part ça, avez-vous fixé une date pour la vente des palais présidentiels ?

Saddam ben youssef

Etudiant en troisième année français à la Manouba”