Mercredi 11 janvier 2012, trois jours avant la date commémorative de la Révolution tunisienne, l’apparition de Ali Laaridh à l’avenue centrale de Tunis devant le ministère de l’Intérieur a été historique. Autant qu’on s’en souvienne, aucun autre ministre de l’intérieur n’a été aussi acclamé dans la rue ou entrepris un contact direct de la sorte avec les citoyens. Suite au sit-in des agents des unités d’intervention prévu ce matin à 10 heures dans les casernes pour contester la mutation de leur DG Moncef Laajimi, M.Laaridh est sorti s’adresser à plus de 2000 Tunisiens venus le soutenir.

Après des décennies de répression, où le policier était devenu symbole du « corrompu barbare », où dans cette même avenue, une révolution a vu le jour, le ministre s’est adressé à la foule :

Une police républicaine, travaillant non pour un régime ou une oligarchie mais pour le peuple tunisien, tel a été l’objet du discours.

Dans un acte de solidarité avec la décision du ministre concernant la mutation de Laajimi de son poste de DG des unités d’Intervention, les Tunisiens se sont rassemblés devant le ministère. Ce rassemblement a constitué une sorte de bras de fer aux agents des Unités d’Intervention, dont le chef est impliqué dans le procès des martyrs.

Aucun étendard d’un parti politique n’a été brandi mais une forte présence d’islamistes et de femmes voilées a été notable. La manifestation s’est déroulée dans une atmosphère joviale où des chants révolutionnaires et des slogans appelant à l’assainissement du ministère ont été scandés.

Par ailleurs, les positions des deux syndicats, que ce soit celui Abdel Hamid Jarrey ou de Kchaou ont démontré une dissension tangible quant à la manière de traiter avec la décision du ministre. Le SG des forces de l’ordre, contrairement à celui du syndicat général des fonctionnaires de la direction générale des unités d’intervention, a appelé à renoncer au sit-in. Néanmoins, Lasaad Kchaou a maintenu l’appel. En cette fin de journée, il a été décidé de nommer Moncef Laajimi en tant que chargé de fonctions auprès du MI alors que tout le monde croyait qu’il avait été limogé.

Le sit-in d’aujourd’hui auquel a appelé le syndicat général des fonctionnaires de la DG des unités d’intervention a démontré une fois de plus la « loyauté » des agents des unités d’intervention à leur chef Moncef Laajimi qui- en signe de protestation de la décision de Laaridh-se sont retirés hier de leurs postes pendant deux heures. Rappelons que le 27 juin 2011, suite à la nomination de Laajimi en tant que DG des unités d’intervention, ses agents, -qui ont été sous ses ordres, entre autres durant les événements de la Révolution, l’ont même hissé sur leurs épaules. Néanmoins, contrairement à la position de Lasaad Kchaou, Addel Hamid Jarrey, SG des forces de l’ordre a rappelé une fois de plus qu’une telle loyauté ne doit en aucun cas être vouée à une personne mais à la Tunisie et au service du peuple.

Ainsi, depuis la chute du dictateur Ben Ali, trois ministres sont passés par ce lugubre bâtiment du MI, à savoir Ahmed Friaâ (12 janvier- 27janvier 2011), Farhat Rajhi (27 janvier-28 mars 2011) et Habib Essid (28 mars-24 décembre 2011). Toutefois, avec la venue de Laaridh (24 décembre 2011)- où pour une fois, une grande manifestation se passe d’une manière pacifique, sans jets de bombes lacrymogènes- cette période transitoire, post-dictatoriale, semble se débarrasser, progressivement, des caciques de l’ancien régime pour s’ouvrir sur une nouvelle ère, celle d’une réelle réforme.

NB :
Abdel Hamid Jarrey : Secrétaire Général des forces de l’ordre
Lasaad Kchaou : Secrétaire Général du syndicat des fonctionnaires de la direction générale des unités d’intervention
MI : Ministère de l’Intérieur