Karim Mejri, ex-conseiller auprès du ministre de l’emploi Saïd Aïdi, apporte sa contribution au débat national autour de l’emploi dans une série de 9 articles publiés par Nawaat.org. Dans ce huitième article, il analyse le rôle des associations de chômeurs et leur logique de fonctionnement.
Associations de chômeurs, pour dépasser le syndicalisme revendicatif
Les associations de chômeurs revendiquent la défense des intérêts des chômeurs, ou ceux « qu’on a empêchés de travailler » (معطل عن العمل). Ce néologisme, rendu célèbre avec la floraison de ce type d’associations après la révolution, est parfois traduit en français par « les diplômés chômés », ou encore, chez certains de nos amis marocains « les diplômés en-chômagés ».
Mais au-delà de ces considérations linguistiques, essayons de comprendre la raison d’être de ces associations et leur rôle dans le contexte actuel. Notons tout d’abord que beaucoup de fondateurs de ces associations sont issus de l’UGET et rompus au syndicalisme étudiant. Ces associations se définissent donc comme des « syndicats de chômeurs », alors que rien de tel n’existe dans la loi. Déjà, l’UGET, comme d’autres « syndicats d’étudiants » dans beaucoup de pays, n’a pas les prérogatives légales d’un « vrai » syndicat mais seulement d’une simple association. A ce titre, elle ne dispose pas du droit de grève et ne peut représenter ses adhérents pendant une négociation, par exemple. La question se pose avec plus d’acuité pour les syndicats de chômeurs : comment pourraient-ils s’autofinancer alors qu’ils ne disposent pas de fonds propres (très peu de cotisations) ? Quelles sont les actions qu’ils peuvent engager pour faire pression sur les employeurs potentiels ? Qui sont leurs interlocuteurs pertinents qui peuvent représenter les employeurs potentiels (ministère de l’emploi ? ministère des affaires sociales ? patronat ?) ?
Autant de questions qui rendent compliquée la mission de ces associations, qui se retrouvent finalement sans leviers réels leur permettant d’agir sur la réalité du chômage. Coincées dans un syndicalisme revendicatif, l’action de ces associations est fatalement confinée à la pression sur le gouvernement pour embaucher toujours plus de fonctionnaires. Leur action est rarement dirigée vers le secteur privé, où elles pourraient encadrer leurs adhérents pour une bonne recherche d’emploi : élaboration de CV et lettre de motivation, préparation d’entretien, etc. Pourtant, il y a beaucoup à faire dans ce domaine-là et les structures publiques ne peuvent pas y arriver seules !
Par ailleurs, les actions des associations de chômeurs sont facilement récupérables par les partis politiques. Leurs revendications finissent par se confondre avec les programmes politiques de certains partis, surtout en matière économique et sociale. Les associations de chômeurs n’ont pas toujours fait la part des choses et leur discours est tombé plusieurs fois dans le champ politique, entretenant ainsi le soupçon, à tort ou à raison, sur leurs liens avec les partis d’extrême gauche.
Pendant mon passage au ministère de l’emploi, j’ai connu deux grandes associations qui se disputent la représentativité des chômeurs à échelle nationale : l’UDC (Union des Diplômés Chômeurs) et l’ONPDT (Organisation Nationale des Privés du Droit de Travail). A côté de ces organisations ayant de nombreuses branches régionales et locales permettant de couvrir la quasi-totalité du territoire, plusieurs autres associations ont vu le jour, surtout après le 14 janvier 2011. Bien ancrées localement, ces associations ont souvent essaimé à partir des deux grandes associations nationales. Certaines d’entre elles font un travail remarquable en dehors du cadre revendicatif traditionnel : projets autofinancés par les chômeurs, activités de loisir, forums d’entreprises de la région, etc. Mais malheureusement, au-delà des moyens financiers et matériels qui manquent terriblement, il y a un déficit d’organisation et de capacité à gérer les projets. Nous avons besoin en Tunisie, pour les associations de chômeurs mais aussi pour toutes les autres, de renforcer les capacités de pilotage et d’organisation. Les associations ont besoin d’être encadrées pour une meilleure gouvernance, d’être guidées vers des partenariats utiles et efficaces et d’être accompagnées pour obtenir des financements de la part de bailleurs de fonds.
Dans sa relation avec les associations de chômeurs, l’enjeu de l’Etat est de retrouver la confiance perdue entre tous les acteurs de l’emploi (recruteurs publics et privés, ministère de l’emploi, associations, etc.). Pour ce faire, l’Etat doit chercher à instaurer une relation institutionnelle avec ces associations à tous les niveaux (local, régional et national) et entretenir le dialogue sans pourtant tomber dans une logique de négociations syndicales. Ceci est de nature à établir une confiance durable entre les institutions, et non entre les personnes. Aussi, l’Etat (et plus particulièrement le ministère de l’emploi) doit respecter la pluralité de ces associations et ne pas interférer dans leurs affaires intérieures. Les associations devront de leur côté veiller à ne pas être instrumentalisées par les partis politiques.
En 2011, des chômeurs bénéficiaires de la bourse Amal dans une localité du nord du pays ont décidé de financer, avec l’argent de la bourse, l’activité de leur association. Ils ont donc organisé une série d’ateliers visant à produire un livre qui présente les différents aspects de leur région : sa géographie, son histoire, son agriculture, ses traditions, etc. Dans le groupe, chaque personne a apporté de sa compétence pour enrichir le travail de groupe. Le livre est finalement imprimé en quelques exemplaires, mais au-delà du résultat final, le projet a eu pour effet de stimuler la créativité des membres de l’association et de les impliquer dans un travail d’équipe. Lorsqu’ils présentent leur projet, les intéressés eux-mêmes mettent l’accent sur cette formidable expérience humaine à l’issue de laquelle chacun est sorti grandi. Les individus qui composent ce groupe sont sortis de la posture d’« en-chômagés » pour devenir des citoyens actifs. C’est ce rôle-là que les associations de chômeurs devront jouer à l’avenir.
Prochain article (dernier) : De la nécessaire restructuration de l’appareil de l’Etat pour éradiquer le chômage.
Lire dans le même dossier :
[Part1]: Qu’est-ce qu’un chômeur ?
[Part2] : Le secteur public, objet de toutes les convoitises
[Part3] : Le rôle déterminant du secteur privé
[Part4] : Pour une nouvelle génération d’entrepreneurs
[Part5] : Les autres pistes pour promouvoir l’emploi : société civile, PPP, émigration…
[Part6] : Communiquer sur le chômage, une confiance à reconquérir
[Part7] : Communiquer sur le chômage, une confiance à reconquérir
quel investisseur ( homme qui n’ose rêver que des chiffres positifs) osera investir dans des régions désertes, sans infrastructures, sans environnement agréable ( hôtels, cafés branchés, crèches , jardins d’enfants…..) , avec une jeunesse qui ne s’exprime qu’en sit-in stérile , des grèves improvisés et des routes coupées à tout moments, qui laissent régner un sentiment d’insécurité ; il faut savoir qu’il y as pas plus peureux que la capital . le bassin miniers , la Kassrine et tout le reste de ces régions , ont fait et font tout pour faire fuir le capital, chercher les causes ailleurs, c’est juste s’occuper et passer son temps, car l’ultime rôle d’un état, c’est de créer des lois qui favorisent le terrain à des éventuels investisseurs ni plus ni moins .
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