Un document qui circule sur Facebook avec la photo, le nom et l'adresse de certains artistes appelant à les capturer "Morts ou vifs"

Omar Ghedamsi, secrétaire général du syndicat des artistes tunisiens nous a informé aujourd’hui que 27 artistes tunisiens ont reçu des menaces de mort. Suite aux événements de l’exposition Le Printemps des arts au Palais Abdellia, une vague d’appel au meurtre pour “mécréance et atteinte au sacré” a été lancée via les réseaux sociaux et les tribunes des mosquées.

Vendredi 15 juin, lors d’une conférence de presse organisée par des artistes tunisiens au cinéma Le mondial à Tunis, Mme Jalila Baccar, M. Ghedamsi, Mlle Selma Karoui, M. Lasaad Ben Hassine (SG des écrivains tunisiens) et Fayçal Sawabi (artiste peintre) ont exprimé leur indignation face un ministre de la culture qui donne des notions erronées de l’art. En effet, M.Mabrouk, sociologue de profession, a déclaré le 12 juin que « l’art doit être beau et n’a pas à être révolutionnaire ».

En conséquent, les organisateurs de la conférence ont demandé la démission du ministre et ont déclaré qu’ils déposeraient une plainte contre lui, le ministre de l’intérieur, le ministre des affaires religieuses et l’huissier de justice qui est venu avec les salafistes lors de la dernière journée de l’exposition à Abdellia.

Par ailleurs, l’indignation des artistes s’est surtout portée sur le silence du ministre face aux appels au meurtre. Sana Tamzini, une peintre bien active dans les quartiers populaires, s’est adressé aux présents pour leur rappeler que la démission du ministre est le dernier de ses soucis face à la priorité de protéger les artistes menacés de mort dont certains avaient quitté le pays. Prenant le micro, elle a crié sa colère clamant avant tout une protection émanant de la justice. Ainsi, selon elle, cette histoire s’est transformée en une question de survie.

Conscient du danger qui les guettent, le syndicat des artistes tunisiens a dénombré vingt sept artistes qui ont été directement menacés de mort pour avoir touché au « sacré ». Ils sont actuellement en réunion avec des avocats pour rassembler tous les documents nécessaires aux plaintes.

L’un de ses appels au meurtre qui a été le plus retentissant contre les artistes a été celui de M.Houcine Labidi, imam et président du Comité scientifique de la Mosquée de la Zitouna, qui a appelé trois fois « à faire couler le sang des mécréants qui osent s’attaquer aux choses sacrées de l’islam ».

Après avoir soutenu l’effervescence populaire vindicative contre les artistes en omettant de condamner les appels au meurtre, Nourreddine Khadimi, ministre des affaires religieuses (et imam de la mosquée El Fath qui a appelé à manifester contre le film « blasphématoire » Persépolis) a qualifié les propos de l’imam Labidi “d’inadmissibles”. Suite aux déclarations de M.Laabidi, il a été démis de ses fonctions.

Il a été aussi décidé que désormais, l’imamat sera choisi par le ministère des affaires religieuses, le ministère de l’intérieur ainsi que le ministère de la justice.

Par ailleurs, le ministre de la culture Mehdi Mabrouk a déclaré dans une émission télévisée qu’il ne demandera pas pardon pour sa position contre les artistes de l’exposition Le printemps des Arts au Palais Abdellia. Selon lui, ces artistes ont sciemment touché au domaine du sacré d’autant plus qu’ils “sont pour la plupart des autodidactes qui produisent de l’art médiocre”.

Le ministre de la culture a aussi rajouté que la plupart des artistes tunisiens, que le peuple et le gouvernement le soutiennent dans sa position et qu’il ne sera pas démis de ses fonctions.

Ainsi, en Tunisie, la transition post-Ben Ali et la Révolution tunisienne, n’auraient, semble-il, de soucis que « les choses sacrées » qui seraient persécutées par des mécréants qu’on voudrait égorger ou leur retirer leur nationalité tunisienne. Exprimer ses croyances ou sa mécréance est un interdit islamique dans un pays qui se dit« tolérant pourvu qu’on ne dessine pas le nom d’Allah avec des fourmis ». Car voir le nom de Dieu près des poubelles qui jonchent tous les coins de rue en Tunisie ne choquent nullement les Tunisiens que lorsque les artistes s’en prennent. De la logique illuminée des défenseurs de Dieu… Entre temps, les problèmes de l’enseignement, du chômage et surtout de la justice sont quasi oubliés dans le flux d’actualité imbibé d’appels au meurtre de plus en plus récurrents.

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