Affrontements entre des réfugiés africains et les habitants de Ben Guerdane en mai 2011. Aujourd'hui plus d'une centaine de réfugiers organisent un sit-in à Tunis pour trouver une solution à ceux qui demeurent sans aucun satatut à la veille de la ferméture du camp. Crédits photo : Camille Lambrecq

Le HCR Tunisie organisait ce jeudi 22 mars 2013 une conférence de presse pour faire le point sur la situation du camp de transit de Choucha et pour présenter sa stratégie dans le cadre de la fermeture. Le camp fermera en juin, le HCR démonte et laisse derrière lui une situation mitigée.

Les responsables l’affirment : la situation générale est satisfaisante et les autorités tunisiennes sont coopératives. Des déclarations en contradiction avec la réalité du terrain : entre l’absence de cadre juridique encadrant le statut de réfugié dans le pays, le mécontentent de la part des réfugiés et la discrimination, difficile de voir une situation stable se mettre en place pour les réfugiés. La situation des personnes déboutées étant encore plus difficile, ces dernières n’ayant pas de statut, elles sont « invitées » par les autorités tunisiennes, à rentrer chez elles.

La situation générale

« C’est une fierté de pouvoir fermer un camp » déclare Ursula Aboubacar, représentante du HCR à Tunis. Forcément. Fermer veut dire que le travail est fini. Pourtant à Choucha nombreux sont ceux qui ne sont pas satisfaits de leur situation.

La camp de Choucha est un camp avec une situation particulière explique Ursula Aboubacar : les réfugiés qui se sont retrouvés dans ce camp de transit n’étaient pas originaires de pays voisins. Il s’agissait surtout de migrants venus de loin et qui travaillaient en Libye. Lorsque la crise a éclaté la plupart des migrants ont pu être renvoyés dans leur pays d’origine grâce au travail de l’Organisation Internationale pour les Migrants ainsi que celui des autorités des pays concernés.

Et puis il y a ceux qui n’ont pas pu ou voulu rentrer chez eux et qui ont demandé à bénéficier du droit d’asile. Ainsi bon nombre de migrants ont bénéficié du statut de réfugié et ont été réinstallés dans différents pays, la situation de la Tunisie a l’époque ne permettant pas la prise en charge d’autant de réfugiés.

Au mois de mars 2013 le HCR Tunisie a recensé 1044 personnes vivant encore dans le camp de Choucha. Parmi elle 815 ont le statut de réfugié, dont 600 doivent être réinstallées. Il restera entre 300 et 400 personnes ayant le statut de réfugié non réinstallées et qui devront s’intégrer en Tunisie. Dans le camp aujourd’hui il y a 222 personnes n’ayant pas le statut de réfugié. D’autres sont sortis du camp et vivent en milieu urbain. Ces personnes sans statut ne sont pas sous le mandat du HCR et les autorités tunisiennes les ont invité à rentrer dans leur pays d’origine.

Les perspectives 

Pour les réfugiés amenés à s’intégrer en Tunisie Mme Aboubacar est optimiste : « il y a un effort de la part de toute la société tunisienne pour que ces personnes puissent s’installer dans la société. »

Le HCR explique que les réfugiés qui resteront en Tunisie bénéficieront d’une assistance humanitaire, qu’ils sont accompagnés afin de devenir autonomes, que les plus vulnérables bénéficient d’un accompagnement particulier et que chaque réfugié possède un certificat attestant de son statut de réfugié et qui a été accepté de manière informelle par les autorités.

Une réunion interministérielle a régulièrement lieu. Elle est présidée par le ministre des Affaires sociales, en collaboration avec le ministère de la Santé et de l’Education pour que les réfugiés aient accès à tous les services. De ce point de vue les autorités sont exceptionnelles, il est rare de voir un tel appui et une telle solidarité,
a déclaré Mme Aboubacar.

Un programme de formation professionnelle a été mis en place pour donner des compétences aux réfugiés afin qu’ils puissent être indépendants et autonomes. Ils sont 90 a en profiter à Gabés et Ben Guerdane. Les réfugiés sont accompagnés dans leur recherche de logement, ont accès aux soins de santé ainsi qu’à l’éducation. C’est en tout cas ce vers quoi la situation doit tendre.

Pourtant dans les faits la situation n’est pas si simple. Les réfugiés non réinstallés préféraient partir. Ainsi il y a deux semaines environ des réfugiés Erythréens ont organisé un sit-in pour protester contre les discriminations subies du fait de leur appartenance religieuse. Le représentant du HCR à Zarzis explique avoir mené une enquête et que ni les professeurs, ni les collègues des réfugiés ne disent ne les avoir discriminés. Il s’agirait d’un “subterfuge” des réfugiés pour pouvoir être installés ailleurs.

Actuellement des réfugiés Palestiniens sont en gréve de la faim. Un simple « mouvement d’humeur » pour le responsable HCR de Zarzis. Il y a quelques temps des réfugiés qui se trouvaient dans un bus et qui voulaient se rendre à Tunis ont été arrêtés et reconduits de force par la police au camp, tout en étant malmenés. Pour la représentante du HCR si les autorités jugent que pour des raisons de sécurité le bus ne peut pas circuler elles ont leur raison.

Par ailleurs dés l’ouverture du camp il y a eu des tensions entre la population locale et les migrants ce qui n’a pas permis de développer un climat de confiance sur place. Si les réfugiés non réinstallés ne veulent pas rester en Tunisie c’est en parti du fait de leur rejet par les populations locales.

Quant à l’acceptation informelle du certificat de réfugié étant donné le vide juridique rien n’indique que ces personnes seront autorisées à s’établir en Tunisie à l’avenir.

En fait il semble surtout que le HCR soit coincé : obligé de laisser derrière lui des gens qui ne sont pas vraiment bienvenus, dans un pays où les autorités ont d’autres préoccupations que de prendre soin d’étrangers, le HCR ne peut incriminer les autorités tunisiennes pour leur manque de réaction.

Car deux ans après la crise libyenne il n’existe toujours pas de cadre juridique en Tunisie qui protégerait les réfugiés. La Tunisie a bien signé la convention de Genève mais pour le moment l’instabilité du pays et les changements politiques font que rien ne garanti le respect d’une telle convention.

Depuis février 2011 et l’ouverture du camp de Choucha beaucoup a été fait mais la situation mitigée sur le terrain contraste avec le discours positif du HCR. Une position que l’on comprendre au vu de l’instabilité de la Tunisie depuis le 14 janvier, en effet les autorités tunisiennes n’ont pas pour priorité de légiférer sur le statut de réfugié et le HCR n’a pas de pouvoir coercitif. Mais cela ne justifie pas le fait de minimiser la réalité de la situation des réfugiés qui sont encore présents en Tunisie.