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tahrir-30-juin

Le peuple égyptien vient de donner un démenti cinglant aux politologues-météorologues qui, pour apprécier les révolutions arabes, passent allègrement du printemps à l’hiver… ainsi qu’aux géopolitologues-horticulteurs qui, au lieu d’analyser ces dites révolutions, s’amusent à compter fleurette avec des bouquets de jasmin…

La deuxième phase en cours de la révolution égyptienne – il ne fait plus de doute désormais qu’il s’agit bel et bien d’une révolution qui vise le changement du système et la transformation de la société – a suscité diverses réactions qui, peu ou prou, s’appuient sur la trilogie : légitimité, légalité, démocratie.

Au niveau international, la plupart des pays se murent dans un silence attentiste, hormis l’Arabie Saoudite, qui félicite le nouveau président avant même qu’il ne prête serment, appliquant à la lettre la logique de « l’ennemi de mon ennemi, le Qatar, est mon ami », et l’Allemagne pour qui l’éloignement de Morsi est un « échec majeur pour la démocratie ». Faut-il rappeler à nos amis allemands que les élections sont nécessaires mais non suffisantes pour la démocratie… ? Faut-il revenir sur le parcours démocratique d’un certain dictateur ?

Mais il est un pays-jumeau dont les réactions sont attendues et hautement symptomatiques en raison de sa similitude avec l’Egypte, c’est la Tunisie.
En effet, dans les deux pays, des bouleversements semblables se sont succédés à quelques semaines d’intervalle : mobilisation exceptionnelle du peuple dans la rue, départ du dictateur, et des élections qui ont porté les islamistes au pouvoir.

A l’annonce de la destitution de Morsi, les Tunisiens sont descendus dans la rue pour exprimer leur solidarité avec le peuple égyptien, qui exulte et fête le départ des frères.

Pendant ce temps, les deux principales composantes de la Troika qui gouvernent en Tunisie y vont chacune de sa déclaration et de son analyse de la situation.

A tout seigneur, tout honneur : Ennahdha, le parti islamiste, par la voix de son guide-résident, Ghannouchi, alias Kheriji, exclut la possibilité d’un scénario semblable en Tunisie et dissuade la jeunesse tunisienne de perdre son temps à caresser l’espoir de réaliser un tel rêve. Et Monsieur Ghannouchi d’insister sur les différences entre les deux pays : les deux armées sont différentes, les deux partis islamistes sont différents et surtout Ennnahdha est un parti « démocratique » et « consensuel » qui « a fait beaucoup de concessions » ; il a même renoncé à distinguer entre « croyants et mécréants »… Bref, Le parti islamiste œuvre pour une « démocratie fondée sur la légitimité, le consensus et le débat ». Ce que la peur peut parfois faire dire.

Quant au CPR, ou du moins ce qu’il en reste, le parti de Moncef Marzouki, il renoue avec la rhétorique « droit-de-l’hommiste » de son fondateur et condamne le « putsch militaire », accuse « toute l’élite égyptienne » et dénonce le silence de la communauté internationale, voire celui des Nations unies…
Nous avons là une illustration du double langage de ces deux formations : la démocratie, la modération à l’usage externe et sur le terrain, l’arbitraire, l’intolérance et l’autoritarisme.

Légitimité

Certes, il y a eu des élections en Egypte et en Tunisie qui ont porté les islamistes au pouvoir, qu’ils exercent seuls ou en coalition. Mais les élections et les urnes suffisent-elles pour donner une légitimité illimitée ?

Il faut d’une part considérer la compétence des élus dans l’exercice de leur mandat. Dans les deux pays, les élus ont brillé par leur incompétence, et au lieu de répondre aux attentes de leur peuple, ont mobilisé leur énergie à islamiser la société et à mettre la main sur tous les rouages de l’Etat avec la ferme intention de s’installer au pouvoir pour toujours.

D’autre part, il faut examiner attentivement le déroulement desdites élections : réalité du corps électoral, composition des listes, taux de participation, moyens financiers, …

Or, il est de notoriété publique qu’en Tunisie, les listes électorales étaient incomplètes et désuètes, que la participation était faible et que les moyens étaient disproportionnés, et enfin que certaines méthodes s’apparentaient à de la corruption et à de l’achat de voix… Si on ajoute à cela la déviation par rapport aux objectifs des élections et le non-respect du délai, la légitimité en prend un sacré coup. Car après tout, le gouvernement, le président de la République et l’ANC sont illégitimes depuis le 23 octobre 2012 !

Légalité

Ils sont non seulement illégitimes mais en plus illégaux. En effet, au lieu de se dépêcher de rédiger une constitution, ils se sont mis à organiser l’Etat en dehors de tout appareil de contrôle ; et dire que M. Marzouki appelle de ses vœux une Cour constitutionnelle internationale ! C’est même la seule idée que contient le livre qu’il a commis et publié récemment en France.

Démocratie

Morsi avant son départ, Ghannouchi et Marzouki, parlent de démocratie et se présentent en démocrates ; or vivre en démocratie, c’est pouvoir dire ses opinions sans risquer sa vie ou la vie de ses proches…En Tunisie, la preuve par Chokri Belaïd !

Enfin c’est connu, la démocratie, « c’est le pouvoir du peuple par le peuple, pour le peuple », et le peuple délègue et retire sa souveraineté à qui il veut, quand il le veut. Le peuple a fait Morsi il y a un an, et ce mercredi 3 juillet, il a décidé de le défaire. C’est lui aussi qui a fait Ennahdha…