1523083_688301344536028_1403031360_o

Une fois n’est pas coutume, l’essentiel de l’actualité politique de la semaine prend sa source dans l’enceinte de l’Assemblée constituante. Après plusieurs mois de léthargie et de blocages partisans, la machine parlementaire s’emballe enfin. Un rythme effréné dont se félicite le président de l’ANC, mais qui passionne peu l’opinion publique. Trop peu trop tard ?

Petits arrangements entre élus

20 réunions en une semaine. C’est la cadence marathonienne à laquelle s’est réunie la Commission des consensus avant de finaliser ses travaux. En clair, il s’agit d’anticiper, en les déminant en amont, tous les volets litigieux qui pourraient ralentir l’adoption de la Constitution article par article, un processus qui sera entamé dès le 3 janvier 2014.

Samedi 29 septembre, face à un panel médiatique des grands jours, Mustapha Ben Jafâar ne tarit pas de superlatifs pour qualifier l’aboutissement miraculeux à des compromis sur l’ensemble des points conflictuels de la constitution.

A y regarder de plus près, cet état de grâce ressemble davantage à une fausse joie. Le consensus a été obtenu au prix de tournures telles que « cet article n’est pas modifiable », affublant désormais les articles 1 et 2, laissant au lecteur l’impression d’un texte inutilement autoritaire, manquant de foi en ses idéaux.

La même insécurité identitaire transparait dans la modification du préambule : en remplaçant « sur la base des enseignements de l’islam » par « conformément à l’attachement de notre peuple aux enseignements de l’islam », les conservateurs enregistrent une petite victoire, au prix d’une formulation qui parle au nom du peuple et au détriment des minorités.

D’autres modifications de dernière minute reviennent à des notions aussi vagues et problématiques que « la bienséance » qui tentent d’encadrer les libertés individuelles dans l’article 48, ce qui laisse présager d’incontournables âpres débats en séance plénière à partir de vendredi prochain. Du moins si suffisamment d’élus ne se voilent pas la face en présence d’un texte frileux, bien deçà des aspirations de la révolution.

Quand on veut on peut, telle pourrait être malgré tout la devise des parlementaires cette semaine placée sous le signe des heures sup’, et qui a étonnamment permis l’adoption expéditive de la plupart des volets de la loi des finances 2014 pourtant riche en controverses, hésitant entre plus de justice sociale et une politique fiscale plus libérale.

Le même zèle a contre toute attente permis aux élus d’approuver à l’unanimité une batterie d’amendements de la loi relative à l’Instance Supérieure Indépendante pour les Elections, en immunisant les travaux de la commission de tri et en décidant l’accélération de l’élection des membres de l’ISIE, « finalisée au plus tard le 7 janvier 2014 ».

La palme de l’antihéros de la semaine revient à Mongi Rahoui, contraint de restituer l’ensemble de ses rémunérations estivales de parlementaire au trésor public. C’est le prix d’un coup d’éclat de trop, où le sensationnaliste élu d’extrême gauche s’est indigné du montant des émoluments de ses confrères reportés sur l’exercice 2014, alors même qu’il boycottait les travaux de l’ANC jusque récemment.

Le bateau Nidaa Tounes prend l’eau

Dans un registre plus « politicard », si l’encombrante ombre du magnat Faouzi Elloumi continue à alimenter des luttes de clans à l’intérieur de Nidaa Tounes sur le plan national, c’est à l’étranger que de nouvelles dissensions ont éclaté au grand jour cette semaine, dans la fédération France Nord du parti.

Hautement stratégique, cette représentation a fait les frais d’une gestion verticale de son congrès du 22 décembre, selon des centaines d’adhérents frondeurs qui après avoir été tenus à l’écart dénoncent le parachutage d’un admirateur de l’ex régime, Adel Jarboui, élu coordinateur.

Face au délitement du parti de Béji Caïd Esebsi et aux difficultés de l’Union pour la Tunisie qui peine à convaincre al Joumhouri de continuer l’aventure, une autre faille pourrait venir du Front Populaire, avec les premiers signes annonciateurs d’une scission.
« Nous nous présenterons seuls aux prochaines élections », et « les circonstances nous ont poussés à une alliance avec Nidaa »… l’auteur de cette distanciation nette est Hamma Hammami, interviewé cette semaine par le journal libanais al Safir.

1486548_706811169343012_2045719157_n


Ennahdha maintient le cap

Interrogé sur les priorités de son parti, Rached Ghannouchi affirme : « en ce moment, nous aspirons moins à faire campagne qu’à assainir le climat pré-électoral », visiblement soucieux de se doter d’une image de parti responsable et toujours aux commandes.

Si les trois présidences se sont abstenues de commenter la classification en Egypte des Frères musulmans en organisation terroriste par le nouveau pouvoir militaire, ce développement a été abondamment abordé lors du meeting national des Jeunesses d’Ennahdha où la pré campagne bat son plein.

Lors d’un long entretien accordé à France 24 le 25 décembre, Ghannouchi continue à entretenir une certaine ambiguïté sur l’engagement d’Ennahdha à respecter la feuille de route du Dialogue national, se contentant de rappeler que le parti a officiellement signé le document, tout en esquivant les épineuses questions de la révision des nominations administratives et de la dissolution des LPR. Une leçon de communication politique.