Enième weekend de tractations politiciennes à Tunis : Ennahdha et le Front Populaire tiennent chacun leurs états généraux pour déterminer leurs positions respectives en matière de consignes de vote au second tour de la présidentielle. Il s’agit dans les deux cas de réunions où le diable est dans le détail, car pour l’essentiel, l’issue de ces consultations internes est quasiment connue d’avance : ni l’un ni l’autre partis ne soutiendra la candidature de Moncef Marzouki.
Or, le soutien plus ou moins explicite à Béji Caïd Essebsi puise ses motivations dans l’actualité parlementaire de la nouvelle Assemblée, mais aussi dans des considérations d’ordre idéologique. Chacun se repositionne en fonction de ses intérêts à court terme (postes ministériels) mais aussi de sa vision du monde.
Assemblée des représentants, séance du 4 décembre : le parti majoritaire hérite de la présidence du Parlement, le deuxième parti en termes de sièges, Ennahdha, hérite de la vice-présidence, et l’UPL, troisième, est gratifié de la seconde vice-présidence. Derrière cette implacable et banale logique apparente se cache en réalité la refonte du paysage politique tunisien. Moins de quatre ans après la révolution de la dignité et du pain, la famille élargie de la droite fait main basse sur l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).
Premier parti à enclencher cette dynamique droitière, les néolibéraux d’Afek Tounes avaient instinctivement vu en Béji Caïd Essebsi le partenaire naturel de leur programme économique, et lui avaient rapidement donné leur soutien la veille du premier tour.
Les variantes religieuse et « berlusconienne » de la droite se sont cherchées plus longtemps mais ont fini par se trouver.
Première personnalité Ennahdha à être réhabilitée sous la coupole de l’ARP, Abdelfattah Mourou incarne le versant le plus pragmatique au sein du Mouvement. Après avoir été détenu au début des années 90, Mourou avait accepté de cesser toute activité politique et a pu continuer de pratiquer son métier d’avocat. Le cheikh de 66 ans appartient à ce qu’il est convenu d’appeler la bourgeoisie tunisoise.
L’autre personnalité promue au premier plan, Noureddine Bhiri, nouveau président du bloc parlementaire Ennahdha, partage de nombreux points communs avec Mourou, dont la continuité au barreau de Tunis et les négociations non-stop avec l’ancien régime : « il maintiendra durant les années de répression le rôle d’émissaire et de facilitateur entre les différents islamistes, leurs familles, les pouvoirs publics mais aussi la machine Ben Ali », rappelle Wajdi Limam.
Deux lectures peuvent être faites du rapprochement en passe d’être opéré aujourd’hui entre modérés des deux camps islamiste et RCD-Nidaaiste. La première, angéliste, y voit le règlement de vieux contentieux historiques, avec l’institutionnalisation définitive de l’islam politique tunisien à l’image de « l’islamisme du Makhzen » marocain, une reconnaissance à laquelle Ennahdha aspirait depuis ses débuts sous la dénomination MTI.
La seconde lecture, plus méfiante à juste titre, y voit moins un apaisement salutaire et démocratique qu’un arrangement se faisant « aux dépens du peuple », du moins au détriment des demandes sociales de la révolution, sorte de restauration avec simple intégration au passage de l’islamisme.
Cette dernière lecture est corroborée par l’ascension et la consécration de l’UPL, droite affairiste version tunisienne du berlusconisme, qui présidera donc périodiquement le premier Parlement post-révolution…
Vendredi, Slim Riahi a convoqué une conférence de presse où il a lu, sans conviction, un script justifiant son alignement sur le soutien à la candidature de Béji Caïd Essebsi au deuxième tour. « Nous avons rencontré les deux candidats et nous estimons que pour les volets de la politique étrangère et des investissements nationaux, le candidat Marzouki ne correspond pas à nos convictions », affirme le milliardaire… comme si l’UPL, sa formation âgée de trois ans à peine, vitrine politique de ses holdings financières, était sous-tendue par une quelconque pensée ou idéal sociétal.
Avant que Nidaa Tounes ne se distancie de la coalition UPT, et plus récemment du Front Populaire (aucun hommage à Belaïd et Brahmi ne fut rendu par Mohamed Ennaceur en séance inaugurale, a souligné Mbarka Brahmi), les partis satellites d’Errahil pouvaient encore justifier leur alignement sur Nidaa Tounes par le prétexte du « sauvetage du mode de vie » moderniste.
Il est clair aujourd’hui, étant donnée de surcroit la facilité avec laquelle s’opère l’entente cordiale entre leaderships Ennahdha – Nidaa, que le dénominateur commun le plus fort et signifiant de la nouvelle majorité parlementaire est bien le crédo « fiscally conservative » (fiscalement conservateur), une droite pure et dure dont l’avènement avait été en quelque sorte préparé par la technocratie transitoire du gouvernement Mehdi Jomâa.
Poussé dans l’opposition presque contre son gré, le Front Populaire devrait tôt ou tard retrouver sa vocation initiale, pensée par Chokri Belaïd, de projet alternatif et iconoclaste, pour peu qu’il se débarrasse des vues essentialistes avant tout anti islamistes qui l’ont jusqu’ici conduit à un comportement bienveillant vis-à-vis des destouriens, ancien ennemi de son ennemi.
Esseulé mais ayant capté des centaines de milliers d’électeurs Ennahdha restés loyaux à la révolution, Moncef Marzouki pourrait devenir malgré lui, et quelle que soit l’issue du second tour, le chef de file de la plus grande force d’opposition du pays. Un ralliement (et une avancée progressiste) de grands pans des bases nahdhaouis à un universaliste humaniste séculier qu’Ennahdha, débordé par son allié d’hier, ne verrait pas d’un bon œil en ce 32ème Conseil de la choura.
Surtout si le président sortant venait à créer un nouveau parti politique trans-idéologique, à l’image de la tradition française de la gauche catholique, révolutionnaire, tourné vers le social, mais non nécessairement libertaire.
Serait-ce trop demander à l’auteur de cet article d’être plus clair, d’utiliser des termes simples à la portée de tous, de faire moins de circonvolutions qui noient ses idées dans un incommensurable dédale. Surtout les derniers paragraphes concernant le FP et Marzouki sont incompréhensibles…qu’a-t-il voulu dire ? mystère…. dommage….
Bravo Seif, un article très intéressant qui fait la différence a se qu’on lit et on voit sur les medias du 7 Novembre.
Je pense que la Tunisie est le seul pays du monde ou la droite a plus que 75% des sièges d’un parlement et même les figures du front populaire (Hamma, Rahoui etc.) veulent devenir partie de la droite, histoire de privilèges et d’argent.
Ennahda va essayer à tout prix à affaiblir Marzouki pour s’assurer d’une victoire d’Essebssi avec qui elle veut partager le pouvoir. Elle court cependant un grand risque, les monarchies du golfe qui financent Essebssi et ses medias Nesma et co. Peuvent demander la peau d’Ennahda et Ghanouchi, Mekki et Laraiyidh peuvent se trouver de nouveau en prison.
Marzouki n’a aucune chance de reporter les élections car les medias, l’administration, la « justice »supportent Essebssi/RCD qui vont faire tout pour gagner même en falsifiant des résultats (Ils ont demandé a Ennahda de retirer ses observateurs et Atid leur appartient, son chef fait de la propagande contre Marzouki sur Nesma). Marzouki a comme vous dites une bonne chance de devenir un leader de l’opposition. Il peut réunir les partis de centre-gauche : Aljoumhouri, Ettakatol, l’alliance démocratique, le courant démocratique et CPR pour former une vraie alternative démocratique.
Merci.
Vivement l’avènement d’une vrai gauche socialiste ( ça ressemble à un pléonasme mais quand on pense au PS français on se dit qu’il vaut mieux préciser) mais qui je l’espère respectera les valeurs arabo-musulmane de notre pays. Je dis bien respect.
L’équipe de trans-battus dont vous parlez illustre bien votre article qui est tout sauf en phase avec ce que le peuple a voté le 26 octobre et ce que va faire le 21 décembre c’est à dire élire BCE le premier président de la 2ème république tunisienne. Le reste est de l’aveuglement et comme l’écrivait Heidegger”l’aveuglement est pire que la cécité”
Marzouki battu,il quitera la scène politique car il n’a aucunement l’étoffe d’un politique,seule l’aide
d’Ennahdha l’a propulsé à Carthage,c’est une erreur de l’Histoire !
Comme le vent a tourné, et avec lui la météo politique, surgit un nouveau ton nettement plus modeste dans la prise de parti. On entend des critiques contenues adressées au champion d’hier qui devait rendre plus bleu le ciel et l’avenir radieux.
Les contorsions et les louvoiements d’Ennanhdha, que ses résultats médiocres – médiocres se dit du rapport entre ce qui était attendu, et le résultat sorti des urnes- contraignent à la modestie et à la prudence montrant son vrai visage coutumier des combines et des opportunismes, désormais bien moins attrayant et moins défendable.
Les électeurs restés “loyaux à la révolutions” (rien de moins) se seraient portés en masse sur le nom de monsieur Marzouki, lors du premier tour. Affirmation hasardeuse, essentialisant l’électeur Nahdhaoui comme révolutionnaire…(il y aurait utilité de relever l’implicite de ce genre de truisme), que contrebalance l’aveu que Ennahdha se range dans le camp du conservatisme.
Bien évidemment, pour tenir la gageure, on établit une frontière entre l’électeur de Ennahdha et son leadership, recours classique à la notion de rupture entre la base, incarnation de la pureté idéologique, et le sommet toujours pris dans les tractations et préoccupations tacticiennes…
A tout prendre, je préfère le ciel bariolé d’un monde divers où cohabitent les hommes avec leurs passions les plus diverses, à un ciel pur d’un quelconque Royaume dont les clés seraient entre les mains des prècheurs de Vérité.
Merci pour une analyse pertinente, qu on partage vos perspectives ou non.
Desormais aucun force politique, meme sous forme d un nouveau parti unique constitué par deux partis, Nida et Ennahda , ne pourra mater le peuple tunisien qui continuera a vouloir eriger une société democratique, un etat de droit. et un partage equitable des richesses et des chances entre les regions et les citoyens. En s alliant a l ancien regime, Ennahda finira par faire harakiri et de par contribuer a la fin de l Islam politique en Tunisie. Le seul projet societal des elites de la dictature est remettre la meme charrette embellie cette fois ci sur les roues et Ennahda se maintenir sous une forme ou une autre au pouvoir et non asseoir un projet societal qui a long terme pourrait l aider a se maintenir au pouvoir et ne pas etre éradiquée par ses alliés
d aujourdhui . Le pays s chemine donc vers un scenario de revolutions permanentes…
Bonne description des clivages politiqueset un peu idéologique. c’est fait, notre pays va être gouverné par une droiteà 2 visages; Une droite qui appliquera unliberalisme économique qui sera devastateur pour les classes sociales défavorisés.Et une droite réctionnaire qui essayera d’étendre l’idéologie religieuse pour survivreun peu de temps encore.Quand au clan de Marzouki, soit il disparaitra definivement, ou alorsil s’alliera aux terroristes fascistes.