Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.

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Beaucoup de monde a trouvé excellente l’arrivée du Vieux à l’aube de la nouvelle année. L’élite s’est déchargée du fardeau de la révolution ; on n’a plus de reproches à se faire envers et à propos des martyrs. André Malraux, préfaçant le Sanctuaire de William Faulkner décrit à merveille :

on sait fort bien que les détectives n’existent pas; que la police ne relève ni de la psychologie ni de la perspicacité, mais de la délation… il suffit de lire les mémoires de chef de police pour voir que l’illumination psychologique n’est pas le fort de ces personnes, et qu’une «bonne police» est une police qui a su mieux qu’une autre organiser ses indicateurs.

Tout le monde reconnait que la situation de la Tunisie est meilleure que celle des autres pays du printemps arabe.

Le Nida, la Nahda et autres, ont tous adopté le modèle new libéral Franco-Anglais : tout pour le patronat, rien pour les salariés, et l’aumône pour le reste de la population. La seule différence est : qui prend quel poste. Il n’y a rien à changer dans la société car la société n’existe pas; c’est une invention des utopistes et des frondeurs.

D’ailleurs il n’y a ni classes ni régions ! Il n’y a que la Tunisie des consommateurs. Ce qui bloquait tout était le déficit de la réconciliation et les nouveaux venus; or, avec Bajbouj et l’entente de quartette tout baigne. Nous pouvons maintenant être gouvernés par la partie de la droite qui ressemble à la gauche qui ressemble à la droite. Du même coup l’UGTT va se dégonfler, car c’est bien l’absence de droite et de gauche que souhaite un pays qui déjà ne croit plus aux élections, et ne s’intéresse qu’aux affaires. Quant à Marzouki et les frondeurs, ils ne regardent pas l’avenir mais le passé que fut la révolution. Les grands problèmes sont derrière nous; il suffisait de reconnaitre que personne ne peut ni ne veut les résoudre pour rassurer notre chère classe moyenne. Prendre l’ombre pour l’objet, une illusion que Diderot dans Jacques le Fataliste illustre par la scène du chien qui mord la pierre qui l’a frappé faute de pouvoir trouver celui qui l’a jetée sur lui. Il était grand temps de faire admettre par tous que la seule solution est la Grande coalition entre le Nida et la Nahda.

La question à mille dinars est : est-il important de gouverner ensemble ou par alternance ? Personne ne pense que Bajbouj est pire que Ghannouchi. Quant à Hamma, ce capote-chef, qui n’est pas doué pour la politique, il s’est rapproché des Karoui&karoui, il a l’habitude des montagnes russes. Bien sûr, il ne pouvait pas être élu, mais l’important était de sortir la tête haute, c’est à dire de barrer la route à Marzouki; Chacun est content pour l’autre camp, qui est en fait aussi le sien, celui des réalistes.

Les médias contre-révolutionnaires agissent avec effet immédiat et agressif, s’adressant aux instincts et aux sentiments à l’état primaire dans leurs formes les plus élémentaires.

Le plus dur est fait : faire admettre par la majorité des votants (c.-à-d. 14% du peuple) qu’il n’y a rien à faire !

Bienvenue à la violence de l’état et à la complexité des mécanismes psychosociaux de la peur.

Tout ce que voulaient les rebelles Tunisiens, Égyptiens, Libyens, Yéménites et Syriens c’était introduire la liberté et la justice partout où l’arbitraire des pouvoirs avait tant régné. Quatre ans après, se donner encore la peine de nier le triomphe de la contre-attaque israélo-émirats contre la révolution est le seul scandale en pareilles matières.

Mais la liberté souveraine est issue d’un grand processus de civilisation irréversible, et dont aucune exception, fût-ce la plus inquiétante ou la mieux argumentée ne pourra arrêter le cours. Une liberté, chez nous aussi, sera fortement inscrite dans les institutions et les mœurs.

Ou alors, un jour pas si lointain nous irons, à travers les ruines herbues de notre “Namath”, chercher notre pâture, un fusil à la main.