plan-de-developpement-tunisie-2016-2020

La note de synthèse du plan de développement 2016-2020 (voir document plus bas) était le sujet de débat entre économistes, investisseurs et décideurs, mardi 6 octobre 2015, au Centre des Études et des Recherches Économiques et Sociales (CERES). Après neuf mois de tractations, la version actuelle du document est censée illustrer la vision stratégique de la Tunisie dans les domaines économique et social.

Pour Taoufik Rajhi, président du Conseil des Analyses Économiques et ancien conseillé du parti islamiste, Ennahdha (qui a proposé sa nomination à la tête du conseil) « la note de synthèse est une réelle rupture avec le passé ». Le plan de développement 2016-2020 est centré sur la lutte contre le chômage, l’augmentation du taux de croissance, la lutte contre la pauvreté et la croissance du PIB.

Abdeljalil Bedoui, expert en économie de développement affirme que le projet gouvernemental est « optimiste mais obsolète » Car « à la base, l’équipe qui a rédigé la note de synthèse a totalement raté le diagnostic en limitant son observation à l’exposition des chiffres et données actuelles (conséquences d’un historique lourd en mauvaise gestion) qui ne permet pas de changer la situation économique présente. Il faut, évidemment, expliquer les raisons et dévoiler les vérités et les responsabilités qui ont mené à la décadence économique actuelle » explique Bedoui, qui affirme par ailleurs que la note de synthèse ne considère pas la politique de régulation de l’État à sa juste valeur. En fait, depuis les années quatre-vingt, l’État se limite à la régulation marchande qui a prouvé, partout dans le monde, son incapacité à créer et redistribuer les richesses. Changer la situation économique passe, impérativement, par le changement radicale de l’intervention de l’État dans l’économie.

Au lieu de mettre en question les postulats économiques imposés, depuis des décennies, par le régime déchu, comme la régulation marchande, les économistes auteurs de la note de synthèse continuent à fermer les yeux sur le plus urgent, c’est- à-dire, mettre en place des politiques globales sectorielles (distinction entre les activités, liaison entre différents domaines, réformes sérieuses touchant les racines des problèmes…) qui pourront sauver l’économie,argumente Bedoui.

Autrement dit, la note de synthèse du plan de développement 2016-2020 continue dans la même démarche artisanale de réanimation temporelle de quelques secteurs. Rappelons, ici, les mesures de soutien inconditionnel aux secteurs privés (subventions, crédits sans garantis et avantages…) sans imposer des termes clairs de partenariat ni faire un bilan complet des retombées de cette politique. Ces mesures figurent, encore, dans le plan stratégique de développement dans une continuité absurde d’épuisement de ressources de l’État.

Même si la note de synthèse du plan de développement actuel promet un important rôle de l’État dans l’économie nationale, elle n’explique pas les mécanismes qui seront mis en place pour le garantir. Selon les détracteurs de ce document qui guidera toutes les étapes suivantes de planification de développement, le pouvoir maintient la même politique de privatisation « sauvage » subventionnée par l’argent du contribuable. « La note nous parle d’un secteur d’économie solidaire sans nous expliquer ses modes de financement. Il sera probablement financé par la Zakat, dans le cadre de l’innovation financière », ironise Abdeljelil Bedoui, faisant allusion aux compromis faits entre les quatre forces politiques au pouvoir dans la mise en place du plan de développement.

Jameleddine Aouididi, industriel frondeur au sein de l’UTICA , rappelle que la note de synthèse a complètement oublié d’évoquer l’agriculture qui concerne 16% de la population active.

Je me demande pourquoi, dans sa réflexion sur le futur de l’économie tunisienne, le comité de rédaction ne mentionne pas les milliards dépensés à fond perdu sur les sociétés offshore qui ont été exonérées de taxes. Je pense qu’il est temps pour les Tunisiens de parler clairement de l’intervention étrangère dans la planification stratégique de notre économie,ajoute-t-il.

La note de synthèse du plan de développement 2016-2020 est supposée être finale, selon la présidence du gouvernement. Taoufik Rajhi assure que les remarques des intervenants seront prises en compte ultérieurement sans donner un délai de révision. Cependant, des révisions de forme seront insuffisantes pour dénouer la langue de bois du document qui nous rappelle le temps révolu des « visions clairvoyantes» imposées par la dictature.

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