Mise à jour du 30 mars à 16h30
L’Assemblée des représentants du peuple a clôturé, tard dans la matinée de ce mercredi 30 mars, l’élection des membres de l’Instance nationale de la prévention de la torture. Contre toute attente, Radhia Nasraoui et Imen Triki n’ont pas été élues par les députés. Selon une source de l’ARP, Radhia Nasraoui a récolté seulement 35 voix sur 165 votants. En tête de liste des membres représentants de la société civile, Messaoud Romdhani et Lotfi Ezzedine membres de la LTDH ont été élus à l’unanimité. En troisième position, l’avocate Marwa Raddadi, membre de Liberté et équité et présidente de l’association Al Insan, élue avec 148 voix, suivie de la juge Afef Chaabene avec 139 voix et le fils du vice président de l’ARP, Abdelfatah Mourou, l’avocat Dhia Eddine Mourou avec 124 voix. La cinquième membre représentante de la société civile est Hamida Dridi, membre du bureau exécutif de la LTDH a été élue avec 117 voix.
Fathi Jarray, ex ministre de l’Education dans le gouvernement de Mehdi Jomaa (124 voix) et Radhia Halouani (150 voix) ont été élus dans la catégorie des professeurs universitaires. Nebiha Kéfi (156 voix) et Touhami Hafi (153 voix) ont été élus sur la liste des juges à la retraite. Les deux avocats élus par l’ARP sont Noura Kouki avec 155 voix et Tahar Kadachi avec 150 voix. Dans la catégorie des médecins, les élus sont Mohamed Yassine Bidous avec 150 voix, Lamia Fathallah avec 148 voix et Slim Annabi avec 140 voix. La spécialiste de l’enfance élue pour l’instance est Saida Mebarek, déléguée régionale de l’enfance à Ben Arous, élue avec 152 voix.
L’Assemblée des représentants du peuple élit aujourd’hui, mardi 29 mars, l’Instance nationale pour la prévention de la torture. Le 10 mars, la commission des élections a retenu 48 candidats parmi les 142 dossiers reçus. Les 16 membres qui seront élus prendront en charge le dossier de la torture pour un mandat non renouvelable de 6 ans . Après leur élection, les membres doivent choisir leur président. Mis à part quelques figures de la lutte historique en faveur des droits de l’homme, les candidats sont en majorité inconnus.
Liste de la société civile
Dans la liste de la société civile, 6 membres seront élus parmi 18 candidats sélectionnés. Parmi les plus connus, Radhia Nasraoui, Imen Triki, Hamida Dridi, Dhia Eddine Mourrou et Messaoud Romdhani. Si les observateurs de la société civile estiment que Radhia Nasraoui a de très fortes chances d’être élue comme présidente de l’Instance, d’autres doutent que la majorité parlementaire islamiste-Nidaa laissera la place à d’autres candidats qui ne la représentent pas. Radhia Nasraoui, préside depuis 2003 l’Association tunisienne de lutte contre la torture. Elle est depuis 2014, membre du sous-comité de lutte contre la torture à l’ONU. Alors qu’elle est proche du Front populaire, minoritaire au parlement, Mme Nasraoui n’est pas en bon terme avec la majorité. En effet, durant les cinq dernières années, elle n’a épargné aucun gouvernement avec ses déclarations et ses rapports alarmants sur les atteintes aux droits de l’homme et l’impunité des crimes de torture.
Plus jeune, mais aussi plus controversée, Imen Triki fait partie des candidats les plus soutenus au parlement. Elle a des chances de remporter une place privilégiée dans l’Instance grâce au soutien du groupe Nahdha. Mais pas uniquement, car l’avocate et présidente de l’Association liberté et équité, depuis 2011, est parmi les rares à prendre la défense des détenus accusés de terrorisme quand ils sont victimes de torture. Après les diverses polémiques et compagnes contre Imen Triki, son éventuelle élection ne passera pas sans critiques.
Fils de l’avocat islamiste Abdelfattah Mourou, un des fondateurs du mouvement Nahdha, Dhia Eddine Mourou était le président de l’Association des jeunes avocats de 2011 à 2013. Connu pour sa défense de la légitimité de l’Assemblée nationale constituante, Dhia Eddine Mourou a même tenu une conférence de presse, le 21 septembre 2012, pour justifier la prolongation de la mission de l’ANC. Fin 2012, il a été nommé membre représentant de la société civile au sein de la Haute instance des droits de l’homme et des libertés individuelles.
Du coté de la mouvance de la gauche militante, les deux candidats Hamida Dridi et Messaoud Romdhani sont les plus connus de la liste des associations. Hamida Dridi est membre du bureau exécutif de la Ligue tunisienne des droits de l’homme. Massoud Romdhani, , est enseignant, syndicaliste, militant de la LTDH. Il est connu pour avoir présidé le comité de soutien des habitants du bassin minier durant le soulèvement de 2008. De la LTDH, se présente aussi Salemi Amari, chokri Thouibi et Lotfi Ezzedine.
Afef Chaabene, actuellement, juge à la Cour de cassation à Tunis et membre de l’Association des magistrats tunisiens. Elle est la seule juge en exercice candidate à l’Instance. Afef Chaabene a fait parler d’elle, en 2012, quand elle a dénoncé, publiquement, Saida Akremi, avocate islamiste et épouse de Noureddine Bhiri, à l’époque ministre de la Justice, pour une affaire douteuse lié à la libération de deux clients de Akremi contre l’avis de la magistrate Chaabene.
Le reste de la liste des candidats représentants de la société civile est divisé entre des anonymes et des militants proches du bloc parlementaire islamiste comme Habib Korbi, universitaire spécialiste en droit international, Marwa Raddadi, avocate, membre de Liberté et équité et présidente de la jeune association Al Insan ; Hassine Bouchiba, président de l’association Dignity ( Al Karama ) et Nozha Ben Fredj, membre du Réseau tunisien de la justice transitionnelle et présidente de l’Association internationale du développement durable qui travaille en étroite collaboration avec le Centre d’études Islam et démocratie de Radhouan Masmoudi.
Les représentants des corps professionnels
Les universitaires
Les six candidats de cette catégorie sont tous des des sociologues. Le seul candidat qui affiche un parcours politique est Fathi Jarray, ministre de l’Education nationale dans le gouvernement de Mehdi Jomaa (2014-2015).
Concernant les spécialistes dans la protection de l’enfance, nous notons la présence de Saida Mebarek, déléguée de l’enfance à Ben Arous dans la liste des trois candidats.
La liste des juges retraités
Sur les six juges retraités sélectionnés, le juge Touhami Hafi, ancien président du Tribunal de première instance de Tunis, fait polémique. En effet, en 2011, Hafi, a été chargé du dossier du président déchu Ben Ali et de son épouse. Le premier procès sous sa direction était jugé expéditif selon des observateurs de la société civile internationale.
Les avocats
le nom de Tahar Kadachi figure dans la liste des candidats représentants des avocats mais aussi dans la liste des avocats qui ont porté plainte contre Nessma en 2011 suite à la diffusion du film Persépolis.
Les médecins
Le seul médecin connu parmi les neuf candidats médecins est le psychologue Ahmed El Euch, ancien militant proche de Nahdha. En 2009, Il est rentré en Tunisie après des années d’exil en France. El Euch a été condamné à quatre ans de prison.
L’indépendance du pouvoir politique est primordiale pour préserver la crédibilité et l’efficacité de la nouvelle Instance. Les élus de la nation sauraient-ils entendre les multiples appels pour élire ses membres selon les critères de compétences et d’intégrité ?
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