LGBT

Plus unis que jamais, la communauté LGBT a célébré pour la première fois, le 17 mai, la Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie.  Un seul événement, organisé à El Theatro par les 34 associations du Collectif pour les libertés individuelles, au cours duquel les jeunes LGBT ont présenté un bilan de la lutte contre l’homophobie, des témoignages de personnes homosexuelle et transsexuelle, des spots de sensibilisation ainsi que des performances de théâtre et de poésie.

« Maintenant les associations se disputent entre elles : qui a défendu le premier la communauté LGBT, qui a osé dénoncer l’homophobie le premier ? La honte a changé de camp !» ironise une des militantes avant le début de la cérémonie. Une centaine de personnes s’entasse dans le fumoir. Les trois générations de militants des droits humains partagent cigarettes et anecdotes. Depuis plus de deux ans, ils ont appris à se connaître et à plaider ensemble la cause LGBT.  Après des années de militantisme caché, « les orphelins » de la société civile sortent en pleine lumière et reçoivent le soutien des organisations progressistes. Le 24 octobre 2015, un front LGBT a été créé au sein du Collectif pour les libertés individuelles qui réuni, entre autres, EuroMed ( coordinateur du collectif ), l’ATFD, Beity, la Coalition pour les femmes de Tunisie, le réseau Doustourna, MST Sida de Tunis et les associations LGBT comme Damj, Shams, Chouf, Mawjoudin et Without restriction.

Cette effervescence est le résultat d’un cumul d’événements marquants comme la création de l’association Shams, l’affaire Marwen et le test anal en septembre 2015, la déclaration de l’ancien ministre de la Justice Mohamed Salah Ben Aissa contre l’article 230, les propos homophobes de Béji Caid Essbsi à la télévision égyptienne, le communiqué du Conseil national de l’ordre des médecins condamnant,  le 28 septembre 2015, « tout examen médico-légal qui touche à la dignité humain » et le communiqué de la HAICA dénonçant, fin octobre 2015, l’homophobie des chaînes de télévision privées.

l’État protège une homophobie institutionnalisée

Sur la scène, Najma Kousri, membre du collectif pour les libertés individuelles, accuse l’État de protéger une homophobie institutionnalisée. « Des dirigeants politiques qui donnent des discours haineux. Des policiers qui agressent dans l’impunité des homosexuels. Des télévisions qui incitent à exterminer la communauté LGBT. Des situations dont seul l’État est responsable » dénonce la militante avant de rappeler que la loi 230 du code pénal qui incrimine les rapports homosexuels est en flagrante contradiction avec les articles 21, 23 et 24 de la Constitution tunisienne et les droits humains.

La célébration du 17 mai a été marquée par des moments d’émotion mais aussi d’espoir. Une jeune femme déclare « On m’a demandé de raconter ma vie. Mais je n’ai pas de vie. Je suis tabou, je suis honte, je suis maladie, je suis une erreur de la nature, je suis un caprice d’adolescence… ». Des propos illustrant les stéréotypes que la société continue de porter au quotidien sur la communauté LGBT. Ahmeb Ben Amor, porte-parole de l’association Shams, a témoigné de son vécu marqué par la souffrance, l’humiliation et l’exclusion de sa famille, de son lycée et de son quartier. « J’ai choisi de guérir la société de ses maux en disant haut et fort que j’existe et je n’ai aucune honte à être ce que je suis. Maintenant, c’est un nouveau début ! » clame le jeune homme sous les applaudissements de la salle.

Selon le Collectif pour les libertés individuelles, près de 120 personnes sont jugées, chaque année, pour homosexualité. Un chiffre qui s’additionne, selon Shams, aux centaines d’alertes que l’association reçoit quotidiennement sur des agressions sexuelles, physiques et morales, dans la rue, les établissements publics y compris les postes de police et à travers les réseaux sociaux et les médias. Ramy Ayari, militant LGBT, a été agressé, le 30 avril 2016, dans un bar-restaurant de Gammarth. « Nous étions en train de fêter l’anniversaire d’un ami. À coté de notre table, des hommes ont commencé à lancer des insultes homophobes. Quand un de nous a réagi, ils nous ont agressés. Les gardiens nous ont mis à la porte et la police est intervenue pour nous tabasser  et encore plus nous humilier  se rappelle Ramy avant d’ajouter je reçois tous les jours des menaces sur Facebook de la part des personnes qui se présentent en tant que flics. Ils disent qu’ils vont nous éradiquer de la Tunisie, pays de la tradition islamique et de la pureté ».

Le collectif a projeté des captures d’écran de propos haineux publiés sur les réseaux sociaux à l ‘encontre des homosexuels. « Devant la montée de l’homophobie en Tunisie, nous n’avons plus qu’un seul choix, hausser le ton et radicaliser le mouvement » estime Ghassen Douissa, militant LGBT à Kelmty.

Vers la fin de la célébration, un débat a eu lieu sur les prochaines actions à mener. Parmi les propositions évoquées, l’Association des femmes démocrates a appelé  à saisir le Haut commissariat des droits de l’homme. Une démarche qui pourrait aboutir, d’autant plus que le Comité contre la torture (CAT) de l’ONU a condamné, dans son dernier rapport sur la Tunisie, le test anal et la pénalisation de l’homosexualité.