L’OTAN, c’est d’abord l’Amérique. Et l’Amérique, c’est le Grand-Satan. C’est simpliste ? Primaire ? Ce n’est pas dans l’air du temps ? Je m’en fiche, j’en reste là. Il y a dizaine de jours, le 9 juillet plus exactement, l’OTAN a tenu un grand sommet à Varsovie – le précédent avait eu lieu deux ans plus tôt. Il y a été naturellement question d’orientations et de stratégies, principalement militaires, pour la période à venir. En gros, si j’ai bien compris les quelques articles que j’ai survolés, les discussions se sont développées autour de trois enjeux : comment contenir l’expansion du brigand rival (la Russie), comment contenir les emmerdeurs (l’Etat islamique), comment garder le contrôle des zones déjà sous contrôle. Parmi les décisions prises par ce sommet, celle de « projeter la stabilité au-delà des frontières de l’Alliance.» Terrible euphémisme qui signifie que nous, les peuples du Sud, devrons encore compter nos morts. N’allez surtout pas croire que les Etats-Unis, l’Union européenne et leurs supplétifs membres de l’organisation transatlantiques ont de mauvaises intentions. « La mission essentielle de l’OTAN demeure inchangée », nous rappelle le communiqué officiel. Elle consiste à  « veiller à ce que l’Alliance demeure une communauté sans pareille de liberté, de paix, de sécurité et de valeurs partagées, dont la liberté individuelle, les droits de l’homme, la démocratie et l’état de droit. » Renversant ! On connaît la chanson : dans l’histoire des derniers siècles, chaque fois que les Etats-Unis et l’Europe ont décidé – unilatéralement, bien sûr – de nous faire bénéficier de leurs admirables « valeurs », nous sommes devenus plus pauvres ou plus morts.

Mais vous savez ce qui m’attriste le plus, aujourd’hui ? C’est que depuis la révolution, alors que nous aurions pu espérer que la Tunisie prenne ses distances avec le bras armé de l’Occident impérial, les relations avec celui-ci ne cessent de se consolider. Déjà, en mai 2015, sans que cela ne suscite trop de protestations, notre pays a accédé au statut d’allié majeur non-membre de l’Otan. La semaine dernière, lors du sommet de Varsovie, il a été annoncé que l’Alliance atlantique avait pour projet de mettre en place un « centre de fusionnement du renseignement en Tunisie ».  Une information démentie sans l’être vraiment par le ministère de la Défense et rectifiée sans l’être vraiment par les services de l’OTAN. Tout cela me paraît très suspect. Même si je déteste cette expression trop souvent utilisée pour affirmer n’importe quoi, je suis bien tenté de dire à ce propos qu’il n’y a pas de fumée sans feu. Au nom de la lutte anti-terroriste, tout semble en effet permis. Comment s’étonner, de surcroît, que les héritiers du benalisme actuellement au pouvoir et leurs alliés nahdhaouis n’agissent pas pour une intégration de plus en plus poussée de la Tunisie dans les dispositifs politico-militaires des Etats-Unis ? Que demain nos gouvernants déposent une demande officielle d’adhésion pleine et entière à l’OTAN ne me surprendrait pas non plus outre mesure. Plus déroutant est sans doute que les forces de l’opposition qui se targuent d’anti-impérialisme n’accordent pas à cette question l’importance qu’elle mérite. Ce n’est pas la priorité, aujourd’hui ? Ah, ok ! J’ai rien dit… Si, si, j’ai dit quelque chose finalement ; j’ai dit qu’être membre de l’OTAN, c’est dégringoler dans l’échelle de l’humanité ! Il est temps que l’histoire se décide à changer de camp.