Notre Premier ministre est très bavard. Il aime parler, c’est sa nature. Dès que ça flambe quelque part, il saute sur son micro et il parle.  La maison là-bas est en feu. ça grille de partout. Déjà, le bébé est carbonisé. Notre Premier ministre s’enfonce virilement un casque de pompier sur le crâne, boucle virilement son ceinturon de pompier, chausse virilement ses bottes de pompier  et… convoque les journalistes ! « Vous avez sauvé les habitants ? »,  demande le représentant d’un grand média national. « Non, mais je les ai rassurés », répond fièrement le Premier ministre.

La situation reste cependant alarmante, ajoute le grand reporter.

– Je sais, je sais, l’interrompt le Premier ministre. Mais l’Etat ne peut pas tout faire.  Il faut être sincère et réaliste. C’est la clé de la confiance. Les gens m’ont dit « la maison est en train de brûler ». Je leur ai dit « Oui, c’est vrai, il n’y a pas de doute, elle brûle. Si on peut sauver les meubles, c’est déjà ça. »  Vous voyez, j’ai été tout à fait sincère, ce qui prouve qu’on peut me faire confiance.

Vous aviez pourtant annoncé…. 

– Non, non ! Ce sont mes prédécesseurs qui ont fait des promesses irresponsables et maintenant les gens sont déçus. Moi, je demande juste qu’on me fasse confiance et, comme ça, puisque je ne promets rien, personne ne risque d’être déçu.

Néanmoins, monsieur le premier ministre, ces gens ont des revendications, si vous souhaitez rétablir la confiance, il faudra bien leur dire quelque chose ?

– Oui, bien sûr, leurs revendications sont légitimes et raisonnables. Ils ne demandent d’ailleurs rien de plus que la réalisation des promesses illégitimes et irraisonnables qui leur ont été faites par les précédents gouvernements.

Ils attendent votre visite. Discuter directement avec eux pourrait contribuer à apaiser les esprits…

– Il est inutile que j’y aille puisque je n’ai rien à promettre

Mais alors que comptez-vous faire ?

– Agir

?

– Prendre des mesures

Ah, évidemment ! Et quelles mesures ?

– Elles sont à l’étude…

Vous promettez donc des études ?

– Non, moi, je ne promets rien, j’agis et quand j’agis je vais jusqu’au bout !

Jusqu’au bout de quoi ?

– Ben de ce que je n’ai pas promis…