Une heure après le début de son concert tenu dimanche 16 juillet à Mahdia, Klay BBJ s’est retrouvé sur une scène non-sécurisée. Les agents de police, supposés assurer cette fonction, se sont retirés du théâtre du Borj en signe de protestation contre les paroles du rappeur. Après quelques débordements du public sur la scène, rappel à l’ordre par Klay BBJ et ses compagnons. La foule a obtempéré et le concert s’est poursuivi jusqu’à sa fin. « Dès que nous sommes sortis du théâtre, les agents qui se sont retirés nous ont attaqué au niveau de la porte. Gaz lacrymogène, coups de matraques, de poings et de pieds se sont suivis. Les pneus de notre voiture étaient crevés », raconte Klay BBJ dans une vidéo publiée sur sa page Facebook. « Nous avons été secourus par le public qui nous a accompagné à l’hôpital, puis, conduit jusqu’à Sousse pour s’assurer qu’on allait quitter Mahdia sains et saufs », ajoute-t-il.
Immobilisme et mutisme ministériels
Pas de réaction du ministère de la Culture. L’agression d’un artiste à sa sortie d’un concert ne semble pas préoccuper Mohamed Zinelabidine. Ni la violation de la liberté d’expression, ni même l’atteinte à l’intégrité physique des artistes. La rétraction du Théâtre National Tunisien (TNT) en choisissant l’auto-censure face au diktat des obscurantistes en dit long sur l’immobilisme de l’Etat face à de telles aberrations. D’ailleurs, le ministre actuel n’est pas le seul à adopter cette attitude. Ce désengagement prend l’air d’une politique culturelle. En 2013, le ministère de la Culture est resté immobile et muet quand Klay BBJ et Weld El 15, invités à se produire dans le festival de Hammamet qu’il organise, ont été arrêtés et menottés, puis tabassés par des agents de police dans l’enceinte du Centre Culturel International de Hammamet (CCIH). Quelques fans ainsi que deux autres rappeurs et un DJ ont aussi été agressés. Le ministère n’est pas intervenu, même pas en chargeant un avocat du suivi du dossier. A l’époque, le ministre de la Culture du gouvernement Laarayedh était Mehdi Mabrouk. Les noms changent le désengagement est le même, voire pire. D’ailleurs, comment le ministère de la Culture peut-il défendre ces valeurs alors qu’un de ses principaux conseillers juridiques n’est autre que l’avocat Ahmed Ben Hassana, connu par ses convictions autoritaires et sa mobilisation dans des campagnes discriminatoires ?
Lourd héritage de l’establishment
Même les positions hautement politiques de l’Etat tunisien ne sont pas respectées parce ministère. Alors que la Constitution affirme dès son préambule l’engagement anticolonial de la Tunisie, notamment son soutien à la cause palestinienne, le ministère de la Culture invite au festival de Carthage, Michel Boujenah, un humoriste qui se revendique ouvertement « sioniste » et « attaché à Israël ». La première réaction du directeur de ce festival, Mokhtar Rassaa, en dit long sur ses convictions, lui qui s’indigne du fait qu’« on a plus de démocratie qu’il en faut » sur Mosaique Fm, tout en invoquant des justifications économiques de son choix de programmation et en précisant qu’il n’a « jamais appris que Boujenah est un grand sioniste ». Il semble que pour Rassaa, nos positions des sionistes devraient être proportionnelles à leurs tailles. Effarant, même de la part d’un homme de confiance de la propagande benaliste qui dirigeait les chaînes TV à l’Etablissement de la Radio et de la Télévision Tunisienne (ERTT) en 2000. Il semble également que son parcours au ministère du Tourisme pèse encore, au point de confondre les improvisations d’un agent touristique et les engagements d’un programmateur culturel.
Prétexte et contradiction
La position du ministère de la Culture qui a gardé le silence jusqu’au 05 juillet confirme la même tendance au désengagement. « Le ministère des Affaires culturelles n’intervient pas dans les contenus convenus entre les membres des comités (…) dirigeants de ces festivals », prétend le communiqué. Or, il est de notoriété publique qu’aucun festival étatique ne bénéficie d’une indépendance totale, ni d’un point de vue légal ni sur le plan de la programmation. En témoigne les propos d’Amel Moussa, qui occupait la fonction de directrice du festival de Carthage avant d’être limogée et remplacée par Mokhtar Rassaa. Celle-ci condamnait les interventions ministérielles, tout comme Brahim Letaief, directeur de la dernière édition des Journées Cinématographiques de Carthage (JCC). A l’époque, Mohamed Zinelabidine contredisait son communiqué en affirmant trouver que « les JCC sont trop indépendantes. Une telle manifestation ne peut pas être aussi distante du ministère ».
La fuite en avant ne fait qu’empirer la situation et banaliser les enjeux que notre politique culturelle devrait assumer. Peut-être que la motion du Sénat américain appelant la Tunisie à changer sa politique vis-à-vis d’Israël en évoquant particulièrement l’Unesco leur rappellera que la culture est un enjeu qui dépasse les petits calculs saisonniers.
je suis pour la liberté d’expression, mais la liberté d’expression a une ligne Rouge à ne pas dépasser et ca, c’est par tout dans le monde. et puis la liberté d’expression = respect d’expression, oupx
et puis faut pas reveiller un chat qui dort, :-)
Cher M. MEKKI,
autant je comprends parfaitement vos interrogations sur la non protection de certains artistes par le ministère de la culture, notamment lorsqu’ils se font tabasser par la Police,
autant, je ne comprends rien à votre galimatias sur Boujenah et son supposé sionisme.
Quel est le rapport ?
Vous voulez plus d’intervention de l’Etat dans la culture ? Dans ce cas, pourquoi vous plaindre de ce que l’on accueille Michel Boujenah ?
Vous voulez moins d’interventionnisme, dès lors pourquoi vous plaindre des coups subis par les artistes que vous citez plus haut ?
Il faut être un minimum cohérent.
En outre, le fait que des artistes soient tabassés par la Police relève plus du ministère de la justice que de celui de la culture, non ?
Enfin, tout le monde se gargarise avec ce mot “sioniste”, sioniste par ci, sioniste par là,
Avez vous la preuve de ce que Michel Boujenah, ce Tunisien qui contribue à faire rayonner la Tunisie dans le monde, est bien un abominable sioniste assoiffé de sang Palestinien ?
Je veux dire de vraies preuves, pas des on dit et des affabulations, n’est ce pas.
Et quand bien même, vous qui défendez aussi ardemment le peuple Palestinien sans être Palestinien vous mêmes, ne pouvez vous pas accepter qu’un Juif, même Tunisien, soutienne l’existence d’un état qui, pour légitime qu’il soit, est le seul endroit où un juif puisse espérer ne jamais finir dans un four crématoire et être exterminé ?
Est ce que d’un point de vue humain, cela vous semble inenvisageable ?
Là où vous voyez un dangereux juif sioniste, moi je vois un Tunisien de naissance et de coeur, qui n’a cessé, pendant des décennies, en France, de vanter le modèle de tolérance et de vivre ensemble Tunisien.
Boujenah sur lequel vous êtes tous en train de cracher votre haine, a pourtant été un formidable ambassadeur pour la Tunisie, pendant des années, juste par amour pour le pays qui l’a vu naître.
Soyons un peu plus humains, un peu plus tolérants, le monde entier s’en portera bien mieux.
Correction : pour illégitime qu’il soit (en parlant de l’état d’Israël)
Boujenah, Klay BBJ, 50 Cents … et puis quoi encore ??
et ce sont pas des philanthropes, loin de là …
vous fouiller dans les poubelles culturelles de l’occident … vous les invitez et les payez par les devises durement gagnées par les immigrés.
le peuple se passe de ces déchets culturels.
ces devises ne seraient elles pas mieux utilisées, à industrialiser le pays ??
Je n’éprouve aucune haine à priori à ll’égard de Michel Boujenah, et n’ai pas d’appréciation à porter sur son rapport au pays qui l’a vu naître. J’ai, en revanche, une opinion quant à ses options politiques, que je prends la liberté de combattre, et notamment, celles de son soutien à un pays qui coloniser, opprime, tue au quotidien des enfants et adultes qui s’opposent les mains nues, trop souvent, à sa politique criminelle.
Point n’est besoin de référér aux fours crématoires ou à une haine que lui voueraient les Arabes -admirables essentialisation et généralisation- pour empêcher toute critique sous le patronage de considérants moraux. Ou alors, faire montre de cette vigilance morale pour tout et à l’endroit de tout le monde.
Il me paraît un peu rapide de la réclamer en faveur de l’artiste et la négliger avec une conviction faisant fi des arguments rapportés lorsqu’on s’avise de l’opposer au citoyen-artiste.
Je réclame la défiance puisque je ne dispose d’aucun pouvoir d’interdire. En aurais-je, peut-être ne lui aurais-je pas fait l’honneur de l’inviter és qualité, puisqu’il à tout loisir de se rendre et séjourner en son pays. bien que sioniste.
Et, il n’est pas le seul…
Nous ne méritons pas les administrations,
ni les rappels à l’ordre. Pas davantage de tomber sous l’infamant attribut d’antisémite qui bien souvent tient lieu de comdamnation avant examen. Ou encore d’interditt de penser des faits réels relevant du crime contre les hommes, ou de tentative de génocide d’un peuple. Le peuple Palestinien.
Il convient de lire admonestations en lieu et place d’administrations.
P’S. En France, par comparaison, un climat de suspicion à l’égard des musulmans fait régner une insécurité quasi permanente chez tout “musulman d’apparence”, selon l’heureuse formule du sieur Sarkozy, comme si nous étions comptables des attentats et responsables si nous nous levions pas tel un seul homme pour flétrir leurs auteurs et dénoncer jusqu’à leurs motivations.
Nous n’en demandons pas tant aux juifs, nous ne les regardons pas en criminels, heureux de partager avec certains les luttes contre le racisme…
Alors, chacun est face à ses phobies, et ses choix politiques.
Vous décrivez très bien la déliquescence culturelle a travers quelques petits symptômes, mais ce n’est pas le ministère de la culture qui en est responsable uniquement, c’est aussi le gouvernement, la présidence de la république, l’assemblée parlementaire, et aussi nos intellectuels et nos différentes classes sociales.C’est la conséquence de la liberté, de la démocratie et des droits de l’homme. Bref c’est cette idéologie de laisser-aller, laisser-faire si chère à la classe moyenne qui soutient le régime actuel dit “démocratique”.