« Il s’agit d’au moins 25 plaintes du ministère de la Justice, mais qui n’ont  pas encore été examinées par le parlement ni soumises en plénière. […] Certains députés ont été pris en flagrant délit. […]Plusieurs plaintes concernent des affaires d’escroquerie, de trafic de drogue et de contrebande », ainsi s’est exprimé Kais Saied lorsqu’il a reçu le chef du gouvernement Hichem Mechichi et le ministre de la Défense Brahim Bertagi, mercredi 26 mai 2021. Il a appelé le parlement à débattre du dossier de la levée de l’immunité parlementaire, en avançant que le député n’est pas au dessus de la loi.

En réponse a cette déclaration, le député nahdhaoui Maher Madhioub, assesseur du président de l’ARP chargé des médias et de la communication, assure lors d’un point de presse tenu le 27 mai 2021 qu’ « il n’y a eu aucune demande officielle de levée de l’immunité parlementaire déposée lors de cette session parlementaire ». Et ajoute : «  Le président de la République a été trompé ».

« Pour la première mandature 2014-2019, seulement 17 demandes de levée de l’immunité parlementaire ont été déposées à la commission parlementaire du Règlement Intérieur. Une deuxième demande a été envoyée au parlement sous la présidence provisoire d’Abdelfattah Mourou, lorsque Mohamed Ennaceur exerçait les fonctions du président de la République par intérim. Ce député était candidat aux présidentielles, et je m’abstiens de  citer son nom », enchaîne l’assesseur du président de l’ARP. Le même dossier a été renvoyé au bureau de l’ARP en 2019. « Un député a été convoqué par le ministère public pour audition. Là il s’agit d’une demande d’audition et non pas d’une requête de levée d’immunité », précise Madhioub.

S’agit-il d’une nuance entre une demande de levée de l’immunité, et une plainte déposée par le ministère public contre un député ? « La poursuite judiciaire contre un député implique la levée de l’immunité. La convocation par le ministère public est une convocation officielle, et non pas une invitation à une fête privée », a déclaré l’ancien magistrat Ahmed Souab à Nawaat. Et de préciser : « Etayer l’évident relève du scandaleux. Peut être que le manque de précision du ministère public a ouvert des pistes d’interprétation qui dénotent de la mauvaise intention du parlement, de la manipulation, et de l’irresponsabilité».

Contacté par Nawaat, le chargé de la communication du ministère de la Justice, Sofiane S’hili, nous confie que le nombre des élus concernés par les demandes de levée de l’immunité est « conforme à la réponse du ministère de la Justice à la demande d’accès à l’information, adressée par le député Nabil Hajji du bloc Démocrate ». Selon cette liste, il s’agit de 53 dossiers de levée d’immunité concernant 29 députés, dont 10 ont perdu leur qualité de députés. Mais l’ARP présente une autre version.

Le 15 mars 2021, Nawaat a adressé une demande d’accès à l’information à l’ARP relative aux députés concernés par la levée d’immunité. Le 30 avril 2021, l’ARP nous a transmis sa réponse, indiquant que :

 L’Assemblée des Représentants du Peuple a reçu 17 demandes de levée d’immunité du pouvoir Judiciaire pendant le premier mandat parlementaire 2014-2019. Une seule demande a été déposée lors de la session actuelle.

La contradiction entre les chiffres du ministère de la Justice et ceux annoncés par l’ARP pourrait donc dévoiler un dysfonctionnement procédural.