Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.

Dans son Origine du Totalitarisme, Hannah Arendt disait entre autres:

Les mouvements totalitaires sont possibles partout où se trouvent des masses qui, pour une raison ou une autre, se sont découvert un appétit d’organisation politique. Les masses ne sont pas unies par la conscience d’un intérêt commun, elles n’ont pas de cette logique spécifique des classes qui s’exprime par la poursuite d’objectifs précis, limites et accessibles. Le terme de masses s’applique seulement à des gens qui, soit du fait de leur seul nombre, soit par indifférence, soit pour ces deux raisons, ne peuvent s’intégrer dans aucune organisation fondée sur l’intérêt commun, qu’il s’agisse de partis politiques, de conseils municipaux, d’organisation professionnelles ou de syndicats.

En lisant ou relisant ces lignes, l’analogie ou le quasi copier-coller avec le cas tunisien de ces derniers mois et surtout de ces deux dernières semaines n’est-il pas frappant ?!

Les partis, ou plutôt les mouvements totalitaires fascisants ont cette spécifié commune d’être des herbes qui ne poussent que dans le sillage des crises économiques. Ce sont des tumeurs sociales qui se nourrissent de la misère et du désespoir des peuples.

Le cas tunisien est en ce sens frappant de par sa ressemblance criante avec les cas d’écoles que furent l’Italie et l’Allemagne des années 1930-1939. Une crise économique locale qui a eu le temps de maturer depuis plus d’une décennie, durant laquelle la Tunisie a invariablement glissé vers la banqueroute à cause d’un parlementarisme handicapant et de l’incompétence criante des diverses « élites » qui se sont succédées à sa tête depuis la révolution, doublée d’une crise internationale conséquence d’une pandémie planétaire, suivie directement des atermoiements d’une hypothétique 3ème guerre mondiale qui a vu son étincelle allumée en Ukraine, il y a tout juste un an.

Mais comme un bon pain ne prend pas sans une pincée de levure (la levure étant un échantillon de bactéries, ne l’oublions pas), la Tunisie s’est vue affublée d’un président aux méthodes populistes et aux décisions arbitraires, et aux références littéraires plus que douteuses (d’où le titre de cet article) arrivé à son poste par un concours de circonstances incroyable !

Les Tunisiens auraient voulu le faire exprès qu’ils n’auraient pas pu ! Un coup du sort tel un coup de billard à 15 bandes que le pire des demiurges n’aurait pas réussi l’eut-il voulu !

Comme toute ascension des idées fascisantes au pouvoir, celles-ci ont besoins de boucs émissaires. Le déferlement de haine et de violences inouïes ces derniers jours envers les immigrés sub-sahariens organisé et encouragé par les plus hautes instances de l’Etat, en est le symptôme les plus visible. Personnellement, je n’aurais jamais cru qu’en mon pays, un jour, on raflerait des familles entières sur la seule base de leur couleur de peau ! Je n’aurais jamais pensé qu’un jour en mon pays on interdirait les transports en commun aux personnes originaires d’Afrique sub-saharienne ! Je n’aurais jamais cru que mon pays traiterait des frères africains comme ceux-ci le furent sous l‘apartheid en Afrique du sud !

Je n’ai jamais eu le moindre doute quant au racisme d’une grande frange de mes compatriotes, mais de là à penser qu’un jour le racisme le plus décomplexé et la reprise de la théorie du grand remplacement si chère à Eric Zemmour deviendrait le leitmotiv de l’Etat tunisien ! Même le plus sceptique que je suis n’y aurait jamais cru !

Le pire dans tout ceci est l’approbation et l’encouragement d’une grande partie de la population. Cette même partie de la population dont les enfants sont des immigrés illégaux partout en Europe et qui sont souvent des délinquants patents !

L’ironie du sort a voulu que le juriste qui nous sert de président depuis 2019, et que nous Tunisiens avions préféré et plébiscité face au sulfureux magnat des médias qu’était le dénommé Nabil Karoui, s’est avéré être pire que ce dernier !

Insatisfait du camouflet magistral que le peuple lui infligea durant ses dernières élections (près de 90% de taux d’abstention), Kais Saied est devenu l’otage d’un système sécuritaire qui lui dicte quoi faire pour retarder la jacquerie. Ainsi, les premiers boucs émissaires furent les chefs de partis d’opposition et autres acteurs de la société civile jetés en prison pour des accusations sans le moindre fondement, puis ce fut le tour des journalistes un peu trop critiques, puis enfin ce fut le tour de la seule minorité ethnique de Tunisie, à savoir les frères sub-sahariens, de connaitre les affres des arrestations arbitraires en pleine rue ou même dans des crèches pour enfants en bas âge par une police aux méthodes bien connues.

Il est à rappeler que les frères sub-sahariens passaient par la Tunisie en tant qu’étape transitoire dans leur périple quai-biblique envers l’Europe. Le fait que ceux-ci finirent par s’installer en Tunisie de manière plus longue est tout simplement dû à la fainéantise des Tunisiens ! Sans nos frères sub-sahariens, les chantiers de construction, l’agriculture, et beaucoup de secteurs de services s’arrêteraient net en Tunisie par manque de main d’œuvre !

La question qui se pose est la suivante : qu’en sera-t-il ensuite ? Assisterons-nous à la création de camps d’internement à la sauce tunisienne, où adultes et enfants sub-sahariens seront parqués ? Au vu des pendants autoritaires de l’homme au sommet de l’Etat, ceci ne m’étonnerait guère !

Toute dictature finit par manger ses propres enfants, et en ce sens les Tunisiens devraient se méfier de la prochaine étape ! Le régionalisme qui sous-tend l’idéologie mortifère du pathos qui tient les rênes du pays est la suite logique de tout ceci. En manque de boucs émissaires, Saied finira par monter les Tunisiens les uns contre les autres, comme il le fait en ce moment même à l’encontre des frères sub-sahariens !

Le traitement des frères sub-sahariens en Tunisie fut de tout temps brutal et irrespectueux, il est désormais une honte nationale officielle !