Ledit article stipule que le député ou le bloc désirant appartenir à l’opposition doit présenter une déclaration écrite à la présidence du parlement. Cependant, l’appartenance à l’opposition est aussi tributaire du vote contre les projets de lois de finances et/ou les plans de développement. A rappeler que le président de la République est le seul habilité à présenter les projets de loi d’approbation des traités et les projets de loi de finances, en vertu de l’article 68 de la constitution de Kais Saied.

Absence constitutionnelle de l’opposition

La constitution de 2022 n’a pas évoqué l’opposition parlementaire. Pis : elle a rétréci le pouvoir législatif en une simple fonction. Or, la Constitution abrogée de 2014 a consacré un article définissant le rôle de l’opposition et « lui garantissant la représentativité adéquate et effective dans tous les organes de l’Assemblée ainsi que dans ses activités internes et externes ». « Introduire l’opposition parlementaire dans la constitution garantit le statut d’opposant. Mais l’absence du texte ne signifie pas forcément l’absence d’une opposition effective », précise Salsabil Klibi, professeure de droit, à Nawaat. Et de renchérir : « Le discours des députés eux-mêmes n’est pas rassurant. Ils parlent souvent d’un travail collaboratif avec le pouvoir exécutif ». Or, il est nécessaire quele pouvoir puisse arrêter le pouvoir.

Le parlement est doté essentiellement de deux rôles: législatif et de contrôle. Le rôle législatif est exercé à travers le vote sur les projets déposés par le pouvoir exécutif et les propositions de lois émanant des députés eux-mêmes. Quant au rôle de contrôle, il est exercé par les députés sur le gouvernement, par des séances de dialogue, des questions orales et écrites, des motions de censure, etc.

Contrôle gouvernemental insignifiant

Dans un régime parlementaire, le gouvernement est une extension du parlement, dans la mesure où les membres du gouvernement appartiennent aux partis politiques majoritaires. Le gouvernement doit avoir la confiance du parlement pour qu’il puisse exercer ses fonctions. De ce fait, le gouvernement est responsable devant l’Assemblée législative. L’ancien règlement intérieur de l’ARP prévoyait l’attribution du statut d’opposition parlementaire aux blocs n’ayant pas participé au gouvernement, ou ceux dont la majorité des membres n’a pas accordé sa confiance aux membres du gouvernement ou n’a pas voté la confiance pour que le gouvernement poursuive ses activités, en cas de motion de censure.

Mais depuis l’entrée en vigueur de la constitution de Kais Saied, c’est le président qui nomme le chef du gouvernement et le démet de ses fonctions. « Le Gouvernement est responsable de sa gestion devant le Président de la République », dispose l’article 112 de la constitution de juillet 2022. « Il s’agit du gouvernement du président. Le pouvoir exécutif est unilatéral », martèle Klibi. Et de préciser davantage : « les mécanismes de contrôle sont les mêmes (séances de dialogues avec les membres du gouvernement, questions écrites et orales des députés, ndlr). Ce qui va changer c’est la marge de manœuvre laissée aux députés afin d’endiguer les éventuels abus du gouvernement. Le contrôle concerne uniquement l’exécution, et non pas la décision ». Elle explique que le gouvernement actuel est un appareil qui « assiste » le président de la république, en vertu de l’article 87 de la constitution de Kais Saied.

L’article 60 de la constitution abrogée prévoit que la présidence de la commission des finances et le poste de rapporteur spécial de la commission parlementaire chargée des relations extérieures reviennent naturellement à l’opposition. En vertu du même article, l’opposition jouit également du droit de demander la création d’une commission d’enquête et de la présider. Avec un mode de scrutin basé sur les individus, l’affiliation politique des membres du parlement n’est pas claire, d’où la difficulté de distinguer l’opposition. Reste à savoir si les députés comptent déposer, dans les séances plénières à venir, un article additionnel destiné à mieux définir l’opposition et à renforcer sa présence. Mais dans le contexte actuel, il est permis d’en douter.