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police

On n’a pas arrêté depuis la Révolution de répéter que la police dans notre pays devait se transformer d’un instrument docile de la dictature, acharné contre le peuple, en un instrument efficace au service de l’État de droit, étant une police véritablement républicaine.

Or, volontairement ou involontairement, cela reste de la pure incantation, car la police, pour changer et pouvoir devenir républicaine, a besoin d’un arsenal juridique qui soit celui d’un État de droit, une véritable République au service de ses citoyens.

Et ce n’est pas encore le cas en notre pays, puisque nos gouvernants n’ont pas encore daigné abroger les lois de l’ancien régime, continuant de les utiliser comme si le peuple n’avait nullement renversé un ordre ancien, rejetant du même coup ses lois iniques et ses règlements injustes.

Il est pour le moins aberrant, en effet, que l’on continue d’user et d’abuser dans la Tunisie révolutionnaire de l’arsenal juridique de la dictature déchue comme si elle était encore au pouvoir, alors que l’ordre légal sur lequel reposaient sa tyrannie et son exploitation du peuple aurait dû être aboli en même temps que la norme supérieure de l’ordonnancement juridique du pays qui est sa Constitution.

Certes, on peut toujours dire avoir estimé ne pas vouloir prendre le risque de déstabiliser davantage le pays en le laissant sans règles, mais on aurait pour le moins pu et dû suspendre celles qui limitaient les libertés, les niaient et les violaient en abrogeant toutes les lois liberticides. Car, en les gardant, c’est l’esprit de la Révolution qu’on a violé !

C’est pourquoi, aujourd’hui, on ne peut espérer avoir une police républicaine tant qu’on ne la dote pas d’un nouvel arsenal de lois respectueuses des droits des citoyens, la laissant ainsi continuer à servir l’ordre public de la même manière qu’avant avec les lois de la dictature.

Comment serait-on en droit, en effet, de lui demander d’agir afin de se débarrasser de ses mauvaises habitudes accumulées durant les années de la dictature alors qu’on l’oblige, dans le même temps, de continuer à servir les mêmes lois avec leurs abus et, fatalement, de ne pas manquer à s’en servir contre le peuple, ces lois étant liberticides, encouragent tous les abus ?

Il tombe sous le sens, pourtant, que notre police ne peut commencer à être respectueuse des libertés publiques et des libertés privées des citoyens tant que nos lois mêmes les répriment, ne les garantissent nullement.

Ainsi, a-t-on vu dernièrement un homme public incarcéré pour des faits ne devant relever que de sa sphère privative de liberté personnelle, des faits dont la poursuite même constitue une injure à la démocratie. C’est que non seulement on ne protège pas la vie privée mais, en plus, on ne poursuit même pas les vrais coupables qui sont les auteurs des troubles manifestes à la vie paisible des gens dans leur sphère privée. D’autant plus que pareil comportement de la part de ces vrais seuls coupables constitue même une violence morale flagrante, étant une violation caractérisée de l’intimité d’une vie privative qui est sacrée et consacrée en islam.

Et hier, on a bien vu la police investir en toute impunité, car agissant dans la légalité de l’ordre juridique inique que nous a légué la dictature, la maison de paisibles citoyens pour mettre fin à une pratique qui, bien que réprimée par les lois de l’ancien régime toujours en vigueur, ne devait en rien constituer un délit, puisqu’elle ne relève, encore une fois, que de la vie privée des gens, intimité discrète protégée par notre religion.

Dans ces deux cas qui ne sont pas isolés, étant représentatifs de nombre d’autres, fréquents et quotidiens, on voit comment notre police, du fait même de lois injustes et liberticides, ne peut être républicaine, étant même amenée le plus légalement du monde à espionner les citoyens dans leur vie privée, continuant à les traiter selon les normes du système de la dictature non aboli.

Ce faisant, elle ne peut, y compris à son corps défendant, que leur imposer un comportement et une violence, ne serait-ce que morale, même s’il n’ont rien à voir avec sa mission de maintien de l’ordre et de poursuite des vrais criminels ou des délits autrement plus graves que cette gaillardise que peuvent — et doivent pouvoir — se permettre des citoyens libres dans l’enceinte à l’abri des regards de leurs domiciles, qui n’emporte aucune atteinte à l’ordre public.

Ces deux cas relatifs aux moeurs sont symptomatiques de l’ordre aussi bien moral que juridique que la police est obligée de faire respecter contre l’esprit même de la Révolution et ce du fait des lois de la dictature qui auraient dû être abrogées. Ils nous permettent bien de voir comment la police ne peut encore être républicaine à cause de ces lois scélérates de l’ancien régime qui lui dictent un comportement contraire à l’esprit républicain, renforçant ses mauvaises habitudes au lieu de les rectifier pour finir par leur substituer de nouvelles habitudes respectueuses des libertés de tout un chacun.

Il est donc trop facile de dénoncer une police pour manque d’esprit républicain quand on ne fait rien pour qu’elle l’ait en la libérant de l’obligation d’être au service d’un ordre juridique inique qu’elle ne connaît que trop parfaitement pour être de nature à encourager la persistance de ses mauvais penchants à l’abus.

C’est ce qu’a, depuis toujours, cultivé la dictature déchue chez nos agents de l’ordre à travers son système juridique encore en vigueur et qu’il urge enfin d’abolir toutes affaires cessantes. En effet, il y va de l’avenir de notre démocratie naissante; car si cet arsenal juridique violant nos libertés n’est pas aboli, il ne manquera pas de l’asphyxier tôt ou tard.

Que font donc nos militants pour les valeurs au sein de la troïka gouvernante ? Et qu’attend l’Assemblée Nationale Constituante pour déclarer nulles et non avenues toutes les lois liberticides ?

La rédaction d’un texte généraliste comme la Constitution peut attendre, alors que l’abolition de ce genre de lois attentatoires aux libertés ne le peut pas, ne le peut plus, ses conséquences néfastes étant vérifiées tous les jours.

Le plus néfaste dans leur maintien injustifié est cette culture, chez le peuple, de la peur et du doute que leur persistance indue fait naître. Peur d’une police de moins en moins républicaine, puisqu’elle voit bien que les lois qu’elle sert sont les mêmes que celles de la dictature. Et doute quant à la réalité de la révolution qui, si elle a aboli la Constitution de l’ancien régime, aura laissé ses lois grâce auxquelles il exploitait le peuple et le brimait.

Alors, jusqu’à quand va-t-on continuer à prétendre construire une police républicaine en la faisant servir le système oppressif de la dictature et qui l’empêche de faire l’effort nécessaire d’être enfin véritablement au service du citoyen ?

Que les consciences vraiment libres et les véritables défenseurs des valeurs et des libertés se réveillent, enfin ! C’est bien leur honneur, encore plus que celui de la Révolution, qui est en cause.

Farhat OTHMAN