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Depuis que Mostapha Ben Jaafer a annoncé le 6 août la suspension des travaux de l’Assemblée nationale constituante (ANC), les dissensions avec Ennahdha, son partenaire au sein de la Troïka, ont repris de plus belle. Le 30 août, 78 députés ont signé une pétition demandant à M. Ben Jaafer de tenir une assemblée générale extraordinaire le 3 septembre. Mais c’est aujourd’hui 4 septembre que le président de l’ANC s’adressera au peuple.

“Défoncer la porte du président de l’Assemblée”

Les députés d’Ennahdha ont défoncé la porte du président de l’Assemblée. Ils démontrent encore une fois qu’ils ne sont pas à la hauteur du mandat qu’a placé en eux une partie du peuple“, s’est indigné hier mardi 3 septembre sur sa page Facebook Samy Razgallah, membre du bureau politique d’Ettakatol.

porte Ettakatol

Un fait qu’a pourtant nié Jamel Touir, lui aussi membre du parti Ettakatol, et qui était présent sur les lieux. Il rapporte que ce sont Abderraouf Ayadi (Wafa) et Néjib Mrad (Ennahdha) qui ont voulu entrer à la salle plénière, après avoir reçu une information d’Azad Badi (ex-RCD, aujourd’hui Wafa). “Azad Badi nous a dit que la salle des séances plénières était fermée“, confirme la députée Hella Hammi (Ennahdha).

Nous nous sommes dirigés vers le bureau du président de l’Assemblée constituante. Son secrétaire général Lotfi Haddad a refusé de donner la clé car il dépend de M. Ben Jaafer. Nous avons contesté cela mais nous n’avons pas défoncé la porte se défend le député Néjib Mrad

M. Ben Jaafer ignore le front parlementaire

D’après un communiqué datant du 28 août et signé par des députés à l’Assemblée (Wafa, Al Aridha, Ennahdha, CPR), M. Ben Jaafer n’a pas répondu à deux reprises à leurs demandes au sujet de la reprise des travaux de l’ANC, ni même expliqué “ce retard“.

Nous avons reçu votre demande de rencontrer le 28 août le front parlementaire pour accélérer l’étape transitionnelle. Nous vous informons que, puisque vous n’avez pas honoré vos promesses pour la deuxième fois suite à deux séances successives afin d’informer l’opinion publique de la décision finale pour la reprise des travaux de l’ANC avant la fin de la semaine dernière, nous considérons que vous ne rendez pas le respect dû au front pourtant représentatif de la majorité des députés.

Ben Jaafer sera-t-il puni pour son absentéisme ?

Le 29 août, les députés publient un nouveau communiqué, où ils annoncent examiner l’absentéisme du président de l’Assemblée nationale constituante, et ce selon l’article 26 du règlement intérieur. Pour la députée Samia Abbou (Courant démocratique), la suspension de l’ANC n’est qu’une annonce qui n’a aucune légalité.

Les députés continuent de se réunir à l’Assemblée constituante. Par contre, M. Ben Jaafer a annoncé une suspension qui a un trait politique, mais ne portant aucune légalité. Il n’y a aucun document qui atteste de cette suspension.

Par ailleurs, Samy Razgallah nous a confirmé que M. Ben Jaafer avait gelé son indemnité depuis le 6 août 2013. Pour le président de l’Assemblée, le vrai problème serait une crise de confiance entre partis qu’il faudra pousser au dialogue.

J’assume ici ma responsabilité en tant que président de l’Assemblée, pour suspendre les travaux de l’ANC, jusqu’à ce qu’il y ait dialogue. […] Mon but, c’est d’assurer l’étape de la transition démocratique. […] Je refuse de voir l’Assemblée constituante comme si elle était hypothéquée par les partis politiques. Notre seul parti, c’est la Tunisie. Pas de fidélité autre qu’à la Tunisie. Les dissensions politiques nous mènent vers des confrontations, à la fitna [discorde], à la catastrophe. Je demande à tout le monde, aux partis de se diriger vers le dialogue. avait-il affirmé le soir du 6 août

Dans son allocution, Ben Jaafer avait précisé que les travaux pouvaient continuer, estimant toutefois que cela ne résoudrait pas les problèmes, car il y a une crise de confiance. D’après lui, “l’opposition et une partie de l’opinion publique ont peur de voir la Troïka [Ennahdha, CPR et Ettakatol], ceux qui détiennent le pouvoir et surtout Ennahdha, en dominant l’Etat et les mécanismes de l’administration, préparer des élections qui leur soient favorables. De l’autre côté, les partis de la Troïka et surtout le mouvement Ennahdha et une bonne partie de l’opinion publique, ont aussi peur de la contre révolution, et que l’ancien système de répression ne revienne pour se venger. Je comprends ces deux visions et leurs arguments“.

Les élections et les nominations, sujets de discorde

Pour l’opposition, les élections ne peuvent avoir lieu dans des conditions favorables si les nominations dans l’administration tunisienne faites par le parti islamiste continuent. Rappelons que la question très sensible des nominations n’a pas été seulement évoquée par l’opposition, mais surtout par le parti Ettakatol lors de la dernière crise politique, qui a poussé Hamadi Jebali a démissionner de son poste de Chef du gouvernement.

En janvier 2013, en pleine crise politique, M. Ben Jaafer avait en effet fait de la révision des nominations une condition pour garder son parti au sein de la Troïka. Néanmoins, neuf mois plus tard, le même problème resurgit.

Déjà à cette époque, c’est bien le président de la choura du parti islamiste, Fethi Ayadi, qui avait menacé de changer le président de l’ANC ainsi que les ministres de son parti : “Nous ne sommes pas non plus satisfaits du rendement de tous les ministres d’Ettakatol“, avait-il alors déclaré sur les ondes de la radio Jawhara FM.

Ennahdha va-t-elle lâcher Ettakatol, le parti de gauche qui a servi au parti islamiste à appuyer son image d’un islamisme modéré, luttant dans le même camp contre le terrorisme et l’intégrisme religieux ? M. Ben Jaafer va-t-il annoncer sa reprise de la présidence de l’ANC et se conformer à la décision de la majorité parlementaire ?