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Les Palestiniens, partout où ils se trouvent, « célèbrent » aujourd’hui, dans la douleur et les exactions de l’Etat hébreu [1], les tristement célèbres accords du 13 septembre 1993, qui devaient conduire à une paix globale entre Juifs et Arabes. Deux décennies se sont écoulées, sans que la paix ait retrouvé son chemin.

Pourquoi la paix n’est-elle pas au rendez vous ? La question palestinienne serait- elle devenue l’oubliée des Nations unies ? Y a –il un changement de stratégie globale au sein du Conseil de sécurité, dominé par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France, en connivence avec les pays du Golfe persique et l’Arabie saoudite pour maintenir le statu quo et empêcher ainsi Juifs et Arabes d’avoir enfin la paix ?

Le jeu des puissances est-il aussi innocent qu’on l’annonce ?

L’un des spécialistes avisé des relations internationales, Charles Zorgbibe, disait qu’il existe deux questions préliminaires qui sont à prendre en considération « avant d’entreprendre l’étude des relations internationales. L’une que la philosophie politique n’a cessé de traiter depuis la Renaissance : celle de la nature de la société internationale. L’autre, que l’observateur des relations internationales ne peut éluder, car il n’est pas un pur entomologiste : celle de son propre comportement ; doit-il « s’engager » lorsqu’il décrit les relations internationales, doit-il assigner une finalité à ses analyses ? » [2].

S’il est vrai que l’une des marques essentielles des relations internationales est la puissance, l’usage de la force comme mode d’expression depuis toujours, l’on avait cru candidement après le tribunal de Nuremberg que la société internationale avait retrouvé sa raison d’être, et qu’elle s’acheminait vers un nouvel ordre des peuples solidaires et plus justes.

Ce fut un leurre, juste pour épuiser la question nazie pourtant engendrée par le monde occidental. Les Arabes n’ont toujours pas compris que la tentation hégémonique et la puissance de feu est le seul mode d’expression international. Le jeu de l’Etat d’Israël dans la région, assuré par les jeux des puissances, est à ce titre un cas révélateur de cette réalité incontestée.

Nul ne peut ignorer que le contexte du « processus de paix » enclenché entre Juifs et Palestiniens dans les années 90 avait pour contrepartie, de la part des Arabes, la destruction de l’Irak par tous les moyens, y compris par les faux rapports des « experts » onusiens. Palestiniens et Juifs avaient fini par signer, à Oslo, en septembre 1993, une convention bilatérale de reconnaissance mutuelle Les deux peuples se sont réjouis à l’idée de mettre fin à une guerre qui ne veut pas dire son nom, à l’exception il est vrai des entités extrémistes et intégristes de part et d’autre, qui s’y opposaient.

Ces accords intérimaires avaient suscité beaucoup d’espoir dans la rue arabe comme à Tel Aviv. Mais l’assassinat de Yirtzhak Rabin, qui d’un guerrier impitoyable était devenu un soldat de la paix, fut ressenti par tous les modérés des deux camps comme étant la fin du processus de paix. Depuis cette date, on a l’impression que les deux peuples, par désespoir, ce sont livrés pieds et mains liés au jeu de la politique et des intégristes de tout bord.

L’Organisation de libération de la Palestine (OLP), considérée dans les accords d’Oslo comme étant le représentant du peuple palestinien, s’est trouvée fragmentée de l’intérieur du jour au lendemain. Les querelles et les gesticulations échangées avec le Hamas, les accusations de corruption des dignitaires de l’OLP colportées publiquement par les différentes factions palestiniennes et notamment par le mouvement du Hamas opposé à tout accord avec l’entité juive, accusations relayées par les médias du Golfe persique, financées à coups de millions de dollars, avaient eut pour conséquence d’aggraver les divergences entre Palestiniens.

La cause essentielle, qui est l’autodétermination du peuple palestinien, avait quitté l’agenda des priorités stratégiques. Du coup, l’OLP s’est trouvée attaquée par une double droite à la fois arrogante et intégriste ; d’un coté, l’intégrisme du Hamas qui refuse toute négociation avec l’Etat hébreu, et de l’autre coté, l’arrogance de l’extrême droite et des extrémistes religieux israéliens, qui chaque jour avancent et occupent de nouveaux territoires au profit de l’armée ou des colons dont les constructions n’ont jamais cessé de croître et de s’élargir au gré du bon plaisir des autorités politiques de droite.

La guerre totale qui fut conduite par le Tsahal à deux reprises et pendant plusieurs semaines contre la bande de Gaza, le blocus fait autour du quartier général de Yasser Arafat pendant près de deux ans et l’empoisonnement de ce dernier, l’utilisation de nouvelles armes jusque là inconnues, outre l’utilisation massive des armes chimiques contre les civils, qui jusqu’à ce jour sont prisonniers d’un véritable blocus, n’avaient suscité dans la conscience collective que des réactions molles.

Cette absence de réaction énergique de la communauté internationale contre Israël n’avait d’équivalent dans l’histoire contemporaine que la réaction de cette communauté à l’égard des nazis quand ils se sont donné pour objectifs d’exterminer les Juifs d’Europe. S’il est vrai qu’hier, ils pouvaient plaider « l’ignorance de telles horreurs », aujourd’hui les choses se passent en temps réel sur toutes les chaînes du monde, et aucun ne peut se dédouaner d’une participation passive, et parfois même active via les armes et la logistique fournies à un Etat à la fois nucléaire et surarmé.

Les gesticulations des vendeurs de la mort, à savoir les grandes puissances occidentales, avaient pourtant promis aux peuples du monde un nouvel ordre international où la primauté serait donnée au respect des droits de l’Homme et des droits des peuples, au relèvement du niveau de vie, à la justice, au bannissement des armes chimiques et nucléaires. Après la destruction de l’Irak, ce fut le tour du Soudan, du Liban [3], de l’Iran, de la Libye, et maintenant celui de la Syrie.

Depuis plusieurs mois, Washington, Paris et Londres, soutenus par d’autres pays européens non membres du Conseil de sécurité, mènent une campagne psychologique pour préparer l’opinion publique internationale à une cinquième guerre dans la région du Proche et Moyen-Orient. Les Etats-Unis en particulier et le monde en général viennent tout juste de sortir d’une crise économique et financière plus grave que celle de 1929, due essentiellement à l’effort de guerre des républicains et à leur ego guerrier au Proche-Orient, dont l’Irak avait nécessité à lui seul des milliers de milliards de dollars, puisés dans les budgets des Etats pourtant prévus pour les besoins des citoyens américains et point pour faire la guerre.

La pauvreté a atteint des proportions incroyables parmi le peuple de la première puissance économique et militaire du monde, des milliers de familles ont été ruinées suite à ces crises financière dues à la montée de la guerre et à la spéculation financière.

Alors on ne comprend pas pourquoi Obama cherche à maculer ses mains du sang des innocents, sans avoir eu la confirmation irréfutable que le pouvoir syrien a usé d’armes chimiques. Pourquoi les chefs de file des capitales occidentales depuis Paris, Londres et Berlin se précipitent pour composer une coalition guerrière à l’instar de celle qui avait détruit l’Irak. Pourquoi Obama et ses sergents parmi les chefs d’Etat occidentaux n’ont pas eu le même empressement pour libérer les Palestiniens, qui depuis 1947 vivent sous une occupation impitoyable. Ou en est l’enquête des Nations unies sur l’utilisation d’armes prohibées jusque là inconnues, par Israël, tant contre le Liban que contre les Palestiniens de Gaza ? Ou bien les présumées armes chimiques syriennes, parce que d’origine russe, seraient d’une plus grande dévastation que celles utilisées par l’Etat hébreu ? Et après la Syrie, à qui le tour ? Au Liban ou à l’Iran ? Et après ???

La Ligue des tribus arabes :

S’il est vrai que les jeux des puissances n’ont jamais été absents de la région du Proche et Moyen-Orient, et que ces jeux sont devenus depuis longtemps aussi limpides que de l’eau de source, il n’en demeure pas moins que les luttes fratricides au couteau et à l’épée au sein de la Ligue des Etats arabes pour le leadership sont devenues une pratique courante. Nul n’a oublié la mort de Saddam Hussein un jour de l’Aid El-Kébir, ni celle de Fayçal Al Housseiny, qui lors d’une visite officielle an nom d’Al-Qods au parlement Koweïti avait succombé à une crise cardiaque due à une pluie d’insultes ordurières à son égard et à l’égard des Palestiniens proférées par cet « illustre » parlement des tribus Koweïties.

La Ligue des Etats arabes est restée quant à elle fidèle ses buts originaires. Crée après maintes tentatives échouées, en raison des jalousies maladives du tribalisme arabe resté dominant à la tête des Etats, le 22 mars 1945, elle n’était pas censée représenter les peuples Arabes, mais simplement les « Etats » arabes, c’est-à-dire, sans trop nous tromper, « les dictatures arabes », où les peuples sont considérés comme des sujets et nullement des peuples souverains.

Malgré cette orientation restreinte des pouvoirs de la Ligue des Etats arabes, celle-ci a eu à rencontrer des combines, des coups fourrés, des luttes ensanglantées, avant de pouvoir se mettre sur pied. En effet, si Nasser dénonçait dans des termes très durs l’Axe monarchique formé par l’Arabie saoudite et la Jordanie, axe qualifié de “pro-occidental”, l’Arabie saoudite commençait très sérieusement à envisager la ruine de l’ordre inter-Arabes, parce qu’avant il s’agit d’ordre (des Etats arabes), formé à l’instigation de l’Egypte nassérienne.

Dès lors, fragiliser la construction en lui opposant des contrepoids reviendrait à affaiblir Nasser et à montrer son visage véritable : fragile, et manifestement remplaçable. Et pour cause ! En effet, la « démarche saoudienne sera claire : substituer au système arabe un système islamique plus englobant. De là la réaction de la Ligue des Etats islamiques, en 1961-1963, l’Alliance islamique et l’Organisation des Etats islamiques (Conférence de la Mecque en 1968) » [4].

Les ambitions de naguère sont toujours d’actualité, et l’enceinte de la Ligue des Etats arabes est devenue par la force des divisions entre Arabes un théâtre où les dictateurs arabes s’affrontent comme des chiffonniers, tant dans les coulisses qu’en assemblée de la Ligue. Les insultes échangées entre Bashar Al Assad et l’un des monarques saoudiens, ou encore avec le Colonel Kadhafi, ou avec Saddam Hussein, ont amené les « peuples » arabes à se mettre, le plus souvent par cupidité, ignorance ou nationalisme boiteux, derrière leur dictature.

Dès lors, tant que ces funestes ambitions persistent, nul doute que l’Ordre des Etats arabes ne reste incontestablement une cible à abattre. L’indifférence des dictatures pétrolières vis-à-vis des souffrances des Palestiniens, l’enthousiasme des capitales arabes à œuvrer côte à côte avec les soldats israéliens pour détruire l’Irak, l’engouement des pays du Golfe à payer la destruction de la Libye de Kadhafi, et le même enthousiasme éprouvé à l’idée d’encourager une guerre civile en Egypte et à détruire la Syrie, sont des indicateurs objectivement observables qui ne trompent pas.

L’islamisme politique et djihadiste encouragé à coup de milliards de dollars, qui rêve d’un Califat musulman unissant tous les Etats arabes en un seul Etat califal, est incontestablement un handicap majeur devant l’émancipation des peuples arabes de la dictature des tribus pour instituer un Ordre des peuples.

Cela dit, est-il vraiment de l’intérêt d’Israël de conserver une vision aussi intégriste et arrogante, qui est la marque de sa politique depuis sa création en 1947, tant il est vrai qu’aucun des premiers ministres depuis David Ben Gourian n’a pas eu sa « sa propre guerre », pour prouver son existence, et ce en reléguant le peuple palestinien à un statut de colonisé ?

L’Etat d’Israël aurait-il plus à gagner avec des islamistes au pouvoir, à l’instigation des tribus arabes, ou avec des dictatures plutôt dociles, en jouant la carte de la « modération » vis-à-vis de l’extérieur, et les despotes vis-à-vis de leurs peuples ?

Les leçons de l’Histoire, l’exemple de l’empire romain et de l’empire de Carthage, sont là pour nous rappeler les limites de toute puissance et l’étroitesse de nos jugements au présent. Les Etats qui durent ont plus de stabilité et de paix avec leurs voisins que de guerres sans cesse renouvelées.

========= Notes de bas de page =========

[1] Cf. Me SOUIBGUI Mansour In : « D’un holocauste à l’autre », L’Observateur n°775, p.53, 2008. Quand un déluge de feu s’est abattu sur Gaza, Monsieur Mathan Vilnai, l’un des adjoints d’Ehud Barak, ministre israélien de la Défense, n’avait pas hésité à menacer les Palestiniens d’un Holocauste, à l’instar de celui des SS nazis.

[2] Charles Zorgbibe, Les Relations Internationales,13, Paris, 1978.

[3] Depuis la guerre d’Ehud Olmert contre le Liban et l’assassinat de Rafik Hariri, le Premier ministre libanais, Israël cherche à l’aide de ses soutiens comment atteindre la Syrie, en partant du Liban, et notamment en ce qui concerne le Hezbollah libanais. (Cf. Me SOUIBGUI Mansour : « Beyrout, capitale du monde arabe », In L’Observateur n° 774, mars 2008.

[4] Mansour SOUIBGUI, In : « Le Nouvel espace politique et l’avenir de la démocratie en Tunisie, » Thèse d’Etat en droit public et analyse politique, Université Jean Moulin Lyon 3, 6 février 1995, pp. 686-687, France.