Crédit : Hammadi Lassoued. Jbal Jloud, 2019

Manifestement, les candidats ne se bousculent pas au portillon pour les élections législatives du 17 décembre 2022. Selon l’Instance Supérieure Indépendante pour les Elections (ISIE), au total 1058 candidatures ont été approuvées pour le prochain scrutin, en vue de pourvoir les 161 sièges que comptera le Parlement. A titre de comparaison, quelque 15737 candidatures avaient été retenues pour les législatives de 2019, pour 217 sièges de députés. En somme, on a donc actuellement une moyenne de 6,5 candidats par siège contre un taux de 72,5 en 2019. Certes, le nouveau scrutin uninominal, régi par la nouvelle loi électorale, n’encourage guère la multiplication des candidatures. Mais tout de même.

Les chiffres révélés par le président de l’ISIE lors d’une conférence de presse, le 3 novembre, suscitent pour le moins des interrogations. Ainsi, 44,4% des candidats retenus sont âgés de 46 à 60 ans. A un autre niveau, on relèvera le passage à la trappe de la parité hommes-femmes. Sur les 1058 candidats dument approuvés par l’ISIE, on compte en effet 936 hommes et 122 femmes, soit à peine 11,5%.

Et tous les Tunisiens ne bénéficieront pas nécessairement d’une représentation parlementaire. Sept circonscriptions à l’étranger n’ont en effet enregistré aucune candidature.

De ce fait, ces circonscriptions ne seront pas représentées au parlement, et le nombre de sièges serait revu à la baisse, de 161 à 154.

Avoir des sièges vacants dès l’investiture du parlement est une première. La loi électorale prévoit la tenue d’élections partielles en cas de vacance provisoire ou permanente à l’assemblée au cours du même mandat. Mais là, le paysage parlementaire est incomplet dès le début,

alerte Raja Jabri, la présidente de Mourakiboun.

A l’intérieur du pays, dix circonscriptions affichent chacune un seul et unique candidat. « Ces candidats seront élus d’office. Contrairement aux autres observateurs, nous n’avons pas été surpris par ces résultats, tout était prévisible », affirme la responsable de cette association spécialisée dans l’observation des élections.

Paysage parlementaire incomplet

Les partis politiques opposés au processus du 25 juillet ont déjà boycotté les élections. Ce qui augmenterait d’autant la chance des sympathisants du président Kais Saied d’être élus.

On n’est pas sûr des affiliations politiques des candidats. Hormis les partis qui ont déjà présenté leurs candidats à l’instar du mouvement Echâab et le courant populaire, on peut compter aussi des activistes et des adhérents des partis politiques qui ne sont pas très connus,

nous confie Bassem Maâter, président de l’Association tunisienne pour l’intégrité et la démocratie des élections (ATIDE).

La visibilité médiatique des candidats aux élections législatives pose problème, puisqu’il s’agit désormais d’individus et non de listes électorales. Contacté par Nawaat, Hichem Snoussi, membre de la Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (HAICA) exprime ses soucis quant à la couverture médiatique de la campagne législative. « La décision commune entre l’ISIE et la HAICA déterminera les règles de couverture médiatique. C’est une opération très compliquée mais elle sera mieux élaborée», énonce-t-il. Et d’expliquer davantage : « Il y a des candidats qui appartiennent à des partis politiques. On ne sait pas s’ils vont exprimer leur orientation politique lors des apparitions médiatiques, ou s’ils vont juste présenter leurs programmes indépendamment des partis auxquels ils appartiennent. Selon quels critères va-t-on comptabiliser leur temps de parole ? », déclare Snoussi.

Loi électorale contestée

La loi électorale a été amendée par un décret-loi présidentiel, modifiant le mode de scrutin, réduisant le nombre de sièges de 217 à 161, et imposant aux personnes désirant se présenter aux élections l’obtention de 400 parrainages d’électeurs appartenant à la même circonscription. L’article 21 du décret-loi présidentiel prévoit la parité homme-femme dans les parrainages (200 hommes et 200 femmes), ainsi que la représentation des jeunes, en exigeant un quota de 25% de personnes de moins de 35 ans dans la liste des parrainages. « C’est une condition difficile à remplir. Nous le savions dès le début, et c’est ce qui a entravé le dépôt des candidatures », avance Raja Jabri.

Le parrainage a été remis en question par Kais Saied, après les critiques qui lui ont été adressées. Recevant Najla Bouden le 7 octobre 2022, Saied s’est insurgé contre la manipulation des parrainages et l’infiltration de l’argent sale. Fidèle à sa démarche légaliste, il a simplement proposé l’amendement de la loi électorale pour mettre fin à ce « phénomène déshonorant », peut-on lire dans le communiqué de la présidence de la République.

Outre le parrainage, la répartition des circonscriptions a également été remise en question. «Il s’agit de deux méthodes de répartition des circonscriptions : soit par habitants soit par électeurs. L’objectif étant de garantir une égalité dans la représentativité électorale des futurs députés. Il faut attribuer les sièges proportionnellement au nombre d’habitants dans la circonscription concernée», déclare Raja Jabri à Nawaat, en expliquant qu’il s’agit de circonscriptions dont le poids est sous-estimé, alors que d’autres sont plus valorisées, selon la nouvelle répartition prévue dans le décret- loi présidentiel. « La circonscription Bizerte- Sud, représentée par un seul élu, compte 55 mille habitants. Or, la circonscription Ghar El Melh-El Alia-Ras El Jebel compte 104 mille habitants. D’où le déséquilibre entre les circonscriptions électorales. Nous avons un souci par rapport à la représentativité nationale des élus dans le prochain parlement », conclut-elle.